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Naturel, mais non conventionnel, le gaz de schiste présentera-t-il des menaces pour la Tunisie ?
Question de l'heure
Publié dans Le Temps le 02 - 12 - 2012

Séverin Pistre professeur d'hydrogéologie à l'Université de Montpellier
« L'exploitation du gaz de schiste présente un risque pour l'environnement mais il peut résoudre au moins à court terme certains problèmes énergétiques »
« L'exploitation du gaz de schiste met plusieurs types de polluants en circulation dans le sous sol et à la surface du sol»
« Certains produits mis en circulation sont cancérogènes, d'autres sont des perturbateurs endocriniens qui même à faible dose ont des effets redoutables sur la santé »
Le débat sur la transition énergétique a débuté en Tunisie. C'est le cas de l'utilisation du gaz de schiste qui fait l'objet de points de vue parfois radicalement différents. Cette technique d'extraction des hydrocarbures de schiste resterait interdite dans plusieurs pays du monde car elle est accusée d'être trop gourmande en eau, de nécessiter des additifs dangereux, de déstabiliser le sous-sol et de menacer de diverses pollutions les nappes phréatiques. La Tunisie paraît aujourd'hui menacée, dans un contexte de stress hydrique prononcé. Plusieurs dizaines d'écologistes et d'experts ont dénoncé le danger que représente cette technique d'exploration du sol tunisien et son impact écologique grave sur la santé des Tunisiens allant même à demander au ministère de l'industrie de suspendre par conséquent la licence accordée à Shell quel que soit le mode d'exploration ou d'exploitation. Les explications de Séverin Pistre professeur d'hydrogéologie à l'Université de Montpellier, directeur du Master Eau de Montpellier, co-responsable de la spécialité “Gestion des Littoraux et des Mers et expert pour la Commission Européenne sur les gaz de schiste et pour l'Agence française d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur.
Le Temps : Tout d'abord pourquoi ce recours au gaz du schiste ? Est-ce que ce gaz permet la réduction de la dépendance énergétique des pays consommateurs ?
Séverin Pistre : Le coût de l'énergie est globalement en constante augmentation dans tous les pays du monde en raison d'une part de la demande forte des pays en développement et d'autre part de la raréfaction annoncée des ressources conventionnelles et notamment des ressources fossiles de type hydrocarbures liquides ou gazeux.Cette augmentation se traduit pour le consommateur particulier par un impact sur son pouvoir d'achat (hors carburants).Par ailleurs, elle fait craindre par les pays consommateurs des tensions politiques liées à leur dépendance vis à vis des pays producteurs. Dans ce contexte, les USA se sont lancés en particulier depuis 2006 dans l'exploitation massive du gaz de schiste contenu dans leur sous-sol. Progressivement, cette production leur permet de diminuer les importations de gaz et d'espérer une auto-suffisance autour de 2035.En France, les réserves estimées pourraient représenter 40 ans de consommation au rythme actuel.Guidée par des motivations géostratégiques, la Pologne a fait le choix d'exploiter ce gaz mais les premières phases d'extraction semblent indiquer un potentiel nettement moins productif que prévu.
Le groupe Shell a annoncé, en juin 2012, qu'il est en train de travailler de concert avec l'Algérie et la Tunisie pour l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste, pour la première fois dans la région MENA, Moyen-Orient et Afrique du Nord. Cette annonce a suscité beaucoup de réactions, vu les nombreux problèmes environnementaux causés par ce gaz. Pensez-vous que ce gaz a un impact négatif sur l'environnement en Tunisie?
Pour l'instant le seul retour d'expérience dont on dispose est celui des USA et de manière plus récente celui du Canada. Dans les zones concernées, des problèmes environnementaux majeurs ont été notés en particulier sur la qualité de l'air, des sols, de l'eau. Je me suis rendu aux USA pour constater un certain nombre de désagréments environnementaux. Des expertises (parfois contradictoires) commencent à être publiées montrant le rôle de cette exploitation dans la dégradation de l'environnement. Toutefois, pour l'instant, le secret industriel semble avoir été un frein important à la réalisation d'études sérieuses. Ainsi, mon expérience personnelle d'hydrogéologue, ce que j'ai pu constater dans les zones d'exploitation et l'examen de publications scientifiques sur le sujet m'incitent à penser que l'exploitation de ce gaz ne présente pas les garanties suffisantes à être engagée sans impacts potentiels négatifs.
Pour extraire le précieux gaz de schiste, on est obligé de toucher à la roche mère. Est-ce que cela présente un danger ?
Dans le cas du gaz de schiste, le gaz n'a pas pu s'échapper de la roche-mère en raison de la trop faible perméabilité de celle-ci: il est resté piégé. Ainsi, la roche à l'état naturel ne permet pas au gaz de se déplacer vers un puits de pompage. L'exploitation passe donc par une phase préalable d'amélioration artificielle de cette perméabilité : c'est le rôle du procédé de fracturation hydraulique. Celui-ci intervient après avoir réalisé un forage d'abord vertical puis horizontal pour suivre la couche qui contient le gaz. Il consiste à injecter à très forte pression un liquide qui va fracturer la roche et augmenter sa perméabilité. Dans la très grande majorité des cas, le liquide injecté est composé essentiellement d'eau mais aussi de sable et de produits chimiques. Plusieurs forages horizontaux peuvent être réalisés à partir d'une plate-forme en surface. Chaque forage horizontal permet de fracturer la roche sur plusieurs dizaines ou centaines de mètres. On multiplie les plate-formes (et les forages) pour exploiter l'ensemble du gisement. Ainsi aux USA, plusieurs centaines de milliers de forages ont été réalisés. La fracturation de la roche-mère ne présente pas en soi un danger de type effondrements de terrain même si elle produit des séismes de faibles importances. Par contre, les conséquences liées à l'écoulement des fluides mis en jeu peuvent poser problèmes.
L'idée de chauffer artificiellement la roche permettra-t-elle de donner un coup de pouce à la nature pour obtenir un réservoir gazeux plus conventionnel ?
Le processus qui permet d'obtenir du méthane est très lent et hors d'échelle humaine et lié à un contexte géologique. Même si des expériences consistant à chauffer la roche ont été menées notamment pour fluidifier les hydrocarbures, elles ont un coût peu compatible avec la rentabilité économique d'un gisement. Dans tous les cas, elles ne peuvent pas transformer un gisement non-conventionnel en gisement conventionnel: les processus géologiques sont trop difficiles à reproduire à grande échelle.
L'exploitation du gaz de schiste suscite de nombreuses critiques, à commencer par les quantités d'eau utilisée. Quelles sont ses conséquences sur notre eau ?
Effectivement, le procédé de fracturation hydraulique requiert 10 à 20.000 mètres cubes d'eau par forage. Dans les pays méditerranéens, cela pose un premier problème d'importance. Cette d'eau peut être captée dans des cours d'eau superficiels puis acheminée par camions (ou par conduites) vers le lieu de forage mais ceux-ci sont souvent rares, à faible débit ou secs en période estivale. Par ailleurs, le transport de cette eau n'est pas sans impact sur l'environnement car il nécessite de nombreux camions (ou l'installation de conduites sur de grandes distances). La deuxième solution consiste à prélever de l'eau dans les nappes souterraines. Dans les deux cas, dans des zones ou la ressource en eau est déjà largement exploitée (parfois sur-exploitée), cela peut conduire à des conflits d'usage avec les captages destinés à l'eau potable ou l'irrigation.
Y a- t-il des risques de pollution des nappes phréatiques ?
Au cours de ses différentes étapes, l'exploitation du gaz de schiste met plusieurs types de polluants en circulation dans le sous sol et à la surface du sol(dont le méthane lui-même). Les premiers polluants correspondent aux produits chimiques injectés dont certains sont non nocifs et d'autres pas. Ces produits peuvent se transformer en profondeur pour produire de nouveaux produits parfois dangereux. En effet, la température élevée qui règne en profondeur favorise certaines réactions chimiques. D'autre part, la roche mère est souvent naturellement riche en «métaux lourd» et en radionucléïdes (éléments radioactifs) qui peuvent être libérés par la roche lors de la fracturation hydraulique puis du pompage. Tous ces éléments peuvent s'échapper de la roche mère par les fractures naturelles ou créés et remonter vers les nappes d'eau exploitées et notamment les nappes phréatiques peu profondes. Un autre problème est lié aux fuites le long du tubage du puits qui peuvent contaminer les nappes d'eau qu'il traverse. Enfin, les fluides pompés contaminés peuvent se déverser à la surface du sol et atteindre par infiltration les nappes. Ces contaminations sont fortement dépendantes des contextes géologiques. Dans certains cas, les roches limitent les risques : des couches imperméables peuvent éviter la contamination des nappes. Dans d'autres, les polluants pourront migrer rapidement.
Y-a-t-il aujourd'hui des alternatives à la fracturation hydraulique ?
Un certain nombre de recherche sont menées pour éviter l'utilisation de l'eau. On parle de CO2, d'hélium. Même si le nom du procédé change, l'objectif reste identique : améliorer la perméabilité en fracturant la roche pour que le gaz parvienne ensuite au puits. Ces procédés alternatifs ne gomment pas tous les problèmes et parfois en posent de nouveaux ; leur manipulation plus délicate et leur production ont notamment des conséquences en termes de coût et sont économiquement pas rentables.
Quel est l'impact de ce gaz sur la santé des citoyens ?
Certains produits mis en circulation sont cancérogènes, d'autres sont des perturbateurs endocriniens qui même à faible dose ont des effets redoutables sur la santé : système immunitaire, nerveux, respiratoire... Certains sont des mutagènes. Les premières études épidémiologiques commencent à être accessibles. Elles concernent essentiellement l'effet des contaminations par voie aérienne. La migration des polluants par les eaux souterraines est un phénomène plus lent.
Faut-il fermer la porte» aux recherches sur le gaz de schiste ?
Comme tout procédé industriel et comme presque toute action humaine, l'exploitation du gaz de schiste présente un risque pour l'environnement mais il peut résoudre au moins à court terme certains problèmes énergétiques. Où se situe le seuil de risque acceptable ? Il appartient aux populations concernées de fixer ce seuil même si les effets peuvent dépasser très largement les frontières des états.Quoiqu'il en soit ce risque est fortement lié au contexte géologique. Dans certains cas, le contexte géologique peut permettre d'envisager un risque environnemental limité dans d'autres il est très important. Deux positions s'opposent. Soit le risque n'est pas acceptable et il ne sert à rien d'explorer puisque quelle que soit la réserve et le potentiel économique associée, on n'exploitera pas. Soit le risque est acceptable et il faut évaluer le potentiel du gisement qui conditionnera la décision de lancer l'exploitation. Un raisonnement moins tranché consiste à reposer la question : Le potentiel économique peut il rendre le risque acceptable ?


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