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La mémoire de Hached souillée par le comité de Protection de la Révolution
Violence à la Place Mohamed Ali
Publié dans Le Temps le 05 - 12 - 2012

«Le deuxième assassinat de Farhat Hached», déclare Houssine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT

Parallèlement à la signature des accords d'augmentation de salaires dans le secteur privé et le secteur public et semi public et à l'heure où l'Union Générale Tunisienne du Travail s'apprêtait à commémorer le 60ème anniversaire de l'assassinat du leader Farhat Hached, des milices des comités de protection de la Révolution ont envahi, hier la place Mohamed Ali, scandant des slogans contre la centrale syndicale.
Trois secrétaires généraux adjoints Samir Cheffi, Hfaïedh Hfaïedh et Mouldi Riahi ont été violemment agressés. Plusieurs syndicalistes ont été violentés. Les vitres du bureau du secrétaire général Houssine Abbassi ont été brisées par des jets de pierres. Le sang a coulé à la Place mythique Mohamed Ali.
Hfaïedh Hfaïedh a déclaré sur les ondes de ShemsFM que « ces milices sont organisées. Elles lançaient ses invectives contre l'UGTT depuis bien longtemps. Elles ne veulent pas que l'UGTT joue son rôle d'équilibre en matière de développement dans les régions. La férocité de ces comités de protection de la Révolution ne nous étonne pas. Ils sont liés à un parti majoritaire au pouvoir. C'est un crime contre l'organisation syndicale ». Plusieurs personnalités politiques étaient sur place comme Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol qui a exprimé son soutien à l'UGTT.
La police s'est interposée entre les deux camps. La marche de l'UGTT qui a tout de même eu lieu n'a pu se dérouler comme prévu. Certains syndicalistes ont pu se frayer le chemin pour aller au tombeau de Farhat Hached à La Kasbah avec la participation de figures nationales comme Issam Chebbi, Ahmed Seddik, Ridha Belhaj et Chawki Tabib. Des membres des comités de protection de la Révolution proches d'Ennahdha étaient là pour scander des slogans hostiles à l'UGTT genre «Hached ya Hached Ittihad Hrak el Blad ».
Houssine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT a déclaré : « nous avons cru que le peuple tunisien en entier allait participer à la célébration du 60ème anniversaire de l'assassinat de Farhat Hached, une commémoration que nous avons voulue exceptionnelle, riche en interventions de chercheurs et historiens qui allaient donner un plus sur ce qui s'est tramé dans l'assassinat de Farhat Hached. Nous avons cru que tout le monde allait célébrer cette fête, parce que Farhat Hached n'est pas mort pour l'UGTT, mais pour le peuple. Il n'avait pas dit : je t'aime UGTT. Il a dit : je t'aime peuple. Hached a été assassiné parce qu'il voulait la libération du pays. Il a été assassiné parce qu'il voulait que le pays soit libre, indépendant, démocratique et social. L'UGTT à travers toute son histoire depuis sa création, jusqu'à aujourd'hui a toujours été un facteur d'équilibre pour le pays, rapprochant les points de vue. Elle lutte contre l'absolutisme, l'injustice sociale et la dictature.
Nous avons cru que tous, Gouvernement, opposition, partis au pouvoir allaient, fêter cet anniversaire qui nous est chère. Toutefois, les ennemis de la liberté, de la démocratie et de la justice sociale ont montré leurs dents. Ils ont voulu assassiner l'UGTT, le même jour où Farhat Hached a été assassiné. C'est le deuxième assassinat de Farhat Hached. Ni les gouvernements de Bourguiba, ni ceux de Ben Ali ne l'ont fait. Aujourd'hui, sous un gouvernement légitime et élu, on exerce sur nous ce genre de méfaits. C'est la goutte qui a fait déborder le vase ». En s'adressant aux auteurs de ces violences, Houssine Abbassi, prévient : « tous ceux qui croient que l'UGTT peut se plier et qu'on peut lui limiter le champ de son action, se trompent. L'UGTT est dans le cœur du peuple. Le peuple ne peut être que du côté de l'UGTT.
Ces milices organisées qui ont commencé leurs campagnes sur les sites sociaux, ont procédé par traitrise. Elles avaient annoncé une action, vendredi prochain. Nous n'avons pas cru que l'UGTT allait être agressée ce jour là. Malheureusement, leurs intentions ont été dévoilées. Ils veulent s'attaquer au dernier camp capable de lutter contre leurs programmes et desseins. Ils sont contre la justice sociale, contre le développement, contre le dialogue constructif, contre la participation. La participation est un slogan. Sur le terrain c'est le contraire, il y a autre chose. Lorsque nous dialoguons avec les hauts responsables on dit que la Tunisie va bien. Sur le terrain, on planifie autre chose, le jour d'assassinat de Farhat Hached.
Que le monde sache si l'UGTT mérite un tel traitement. L'UGTT demeurera un défenseur de la justice sociale, du développement. Elle intervient dans l'action politique lorsqu'il y a des déviations. La porte de la confrontation a été ouverte. Ils l'ont voulue. Nous étions sages, patients et tenons à la lueur d'espoir. Nous avons été déçus. Personne ne peut assassiner Hached une deuxième fois. Personne ne peut arrêter la marche de l'UGTT. Elle demeure une force de bien, d'équilibre. S'ils optent pour le dialogue responsable, nous sommes favorables, sinon chacun fera son travail». Le bureau exécutif de la Centrale syndicale s'est réuni hier soir, pour décider de la position à adopter.
Hassine BOUAZRA
Document
La vie, la lutte syndicale et nationale, et l'assassinat de Farhat Hached

Fils de Mohamed Hached, un marin, et de Hana Ben Romdhane, il est inscrit à huit ans à l'école primaire du village de Kellabine dirigée par un directeur français. Il obtient en 1929le certificat d'études primaires mais la mort de son père l'oblige à interrompre ses études et à entrer dans la vie professionnelle.
En 1930, il devient employé à la Société du transport du Sahel, basée à Sousse, où il se voit offrir un poste de convoyeur. Il crée la même année au sein de son entreprise unsyndicat de base, affilié à la Confédération générale du travail (CGT) française, entamant par la même occasion ses débuts dans le mouvement syndical tunisien. Il accède à des responsabilités diverses aux niveaux local et régional puis dans l'administration centrale auprès d'Albert Bouzanquet. En conséquence, il est renvoyé de son emploi en 1939.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il vit des jours difficiles en raison de l'interdiction de toute activité politique et syndicale sous le régime de Vichy. Il se porte alors volontaire auprès du Croissant Rouge en vue de secourir des blessés, tâche qu'il accomplit en dehors de ses heures de travail. En 1943, il arrive à Sfax après son recrutement en qualité de fonctionnaire des travaux publics et reprend ses activités syndicales à l'Union régionale de Sfax. Il se marie la même année aux Kerkennah, le 15 octobre, avec sa cousine Emna1.
Au congrès de l'Union départementale de la CGT, tenu en mars 1944, devant l'incapacité du syndicalisme métropolitain et de ses branches socialistes et communistes à apporter des réponses adaptées aux travailleurs tunisiens, il démissionne de la CGT. Hached et ses camarades leur reprochent d'« ignorer les aspirations légitimes des Tunisiens à l'indépendance nationale ». Dès novembre 1944, Hached prend l'initiative, avec d'autres syndicalistes tunisiens, de fonder un syndicat tunisien autonome. Il commence par l'Union des syndicats libres du Sud à Sfax, fixant comme priorité la justice sociale, l'égalité entre les travailleurs tunisiens et leurs homologues français et l'indépendance nationale. ÀTunis, il crée, en 1945, l'Union des syndicats indépendants du Nord.
Le 20 janvier 1946, le congrès constitutif d'une organisation commune regroupant les syndicats autonomes du Nord et du Sud et la Fédération générale tunisienne du travail fondée en 1936, crée l'Union générale tunisienne du travail (UGTT). Hached est élu à l'unanimité comme le premier secrétaire général de la nouvelle centrale, à l'âge de trente-deux ans. Jean Lacouture le décrit dans ses termes quelques années plus tard2 :
« Je ne crois pas qu'aucun de ses adversaires les plus acharnés lui ait jamais dénié la force de sympathie : « Ferhat, m'a dit un vieux dignitaire du Maghzen, ah ! le bandit, qu'il est gentil... » C'est un homme trapu qui vous accueille, la main tendue, le regard bleu et rieur dans un visage rond au teint clair. La voix aigüe surprend chez cet homme vigoureux à l'encoulure de lutteur. Une petite moustache rousse, coupée court, accentue le type occidental du leader syndicaliste. »
Dès le départ, Hached inscrit le mouvement syndical dans la lutte pour l'indépendance. Autonome et indépendant, il est un appui important et fidèle pour le mouvement national animé et dirigé par le Néo-Destour. Les grèves, les mouvements de protestations et les manifestations de rue se multiplient pour réclamer l'indépendance et l'amélioration des conditions de vie et de travail des Tunisiens. L'UGTT, sous la direction de Hached, joue un rôle primordial dans le déclenchement, l'encadrement des mouvements et la radicalisation des revendications populaires. Son adhésion à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en 1951 mène Hached, devenu membre de son comité exécutif, de réunion en réunion (Afrique du Nord, Milan, etc.).
Au cours du quatrième congrès de l'UGTT, en mars 1951, Hached dresse son bilan après cinq ans à la tête du syndicat. Alors que près de 120 000 adhérents, de toutes catégories et de toutes les régions du pays, ont rejoint la centrale, une vraie guérilla sociale est menée de façon organisée et systématique contre les autorités du protectorat français. Selon Hached, l'UGTT constitue une force d'initiative pour structurer la société autour de composantes de la société civile dans les domaines politiques (avec les comités de garanties constitutionnelles) ou sociaux (avec les comités de la cherté de la vie). Par ailleurs, l'adhésion de l'UGTT en 1949 à la Fédération syndicale mondiale lui garantit une représentation internationale. Désormais, la création d'une union syndicale nord-africaine devient une priorité pour Hached qui encourage les syndicalistes marocains et algériens à créer des syndicats autonomes et les Libyens à mettre en place des structures syndicales. Enfin, avec son programme économique et social et les chapitres sur les libertés, l'UGTT dote le mouvement national d'un agenda national pour l'après-indépendance.
L'année 1952 voit l'échec des négociations directes entre les gouvernements français et tunisiens suivi de la répression : arrestation d'Habib Bourguiba et de tous les leaders nationalistes, départ de Salah Ben Youssef en mission auprès des Nations unies, instauration du couvre-feu et de l'état d'urgence ou interdiction de toute activité politique, actions de ratissages menées par la Légion étrangère, destitution du gouvernement de M'hamed Chenik. Dans ce contexte, l'UGTT se retrouve en première ligne en assumant la responsabilité de diriger la résistance politique et armée contre les autorités du protectorat. En effet, elle reste protégée par la loi sur les libertés syndicales et le soutien de la CISL, des syndicalistes américains ainsi que des démocrates qui sont alors au pouvoir aux Etats-Unis. Leader du mouvement national et chef de la résistance, Hached organise secrètement les groupes d'activistes dans les locaux de l'UGTT pour mener des attaques armées contre les symboles de l'autorité française. Il mène également des actions de grèves et de mobilisations malgré l'arrestation de plus de 20 000 personnes.
Hached voyage en avril auprès de la CISL à Bruxelles et aux Etats-Unis (Washington et New York) pour porter la voix de la Tunisie au moment où les questions tunisiennes et marocaines sont débattues au Conseil de sécurité. Le gouvernement français se trouve alors acculé à présenter un nouveau plan de réformes. Hached suggère alors au bey de Tunis de réunir un conseil de quarante personnalités représentatives de l'opinion tunisienne afin d'étudier ce plan et de lui présenter leur avis le 2 août ; la réponse est négative avec un rejet dûment circonstancié.
Il devient alors l'homme à abattre en raison du danger qu'il représente pour les intérêts de la colonisation en Tunisie et en Afrique du Nord en général. Dès le mois d'octobre, des officines diverses au sein des services secrets français commencent à étudier divers plans : son éloignement du territoire tunisien, son emprisonnement, sa mise en résidence surveillée voire son assassinat. Pendant ce temps, il fait l'objet d'une surveillance permanente et les menaces se multiplient à travers des tracts signés de l'organisation colonialiste de la Main rouge. Des actes de sabotage et de plastiquage de sa maison et des menaces à l'encontre de sa famille se multiplient. Les appels au meurtre se font insistants : certains articles de journaux de Tunis, Casablanca et Alger appellent « à frapper Farhat Hached nommément à la tête ».
Le 28 novembre, on peut lire dans l'hebdomadaire nord-africain Paris dirigé par Camille Aymard :
« Avec Ferhat Hached et Bourguiba, nous vous avons présenté deux des principaux coupables. Nous en démasquerons d'autres, s'il est nécessaire, tous les autres, si haut placés soient-ils. Il faut, en effet, en finir avec ce jeu ridicule qui consiste à ne parler que des exécutants, à ne châtier que les « lampistes » du crime, alors que les vrais coupables sont connus et que leurs noms sont sur toutes les lèvres. Oui, il faut en finir, car il y va de la vie des Français, de l'honneur et du prestige de la France. « Si un homme menace de te tuer, frappe-le à la tête » dit un proverbe syrien. C'est là qu'il faut frapper aujourd'hui. Tant que vous n'aurez pas accompli ce geste viril, ce geste libérateur, vous n'aurez pas rempli votre devoir et, devant Dieu qui vous regarde, le sang des innocents retombera sur vous. »
Au matin du 5 décembre 1952, une opération de guet-apens est exécutée pour éliminer Hached. Une première voiture le suit, à la sortie de Radès, où il habite. Des rafales de mitraillettes sont tirées de la voiture qui s'enfuit à toute allure. Blessé à l'épaule et à la main, Hached trouve la force de quitter sa voiture. Quelques instants plus tard, une deuxième voiture apparaît avec trois hommes à bord ; s'apercevant qu'il vit encore, ils s'en approchent et l'achèvent d'une balle dans la tête avant de le jeter à moins d'un kilomètre au bord de la route.
À midi, la radio annonce sa mort qui provoque un soulèvement dans tout le pays ainsi que des manifestations à Casablanca, au Caire, à Damas, à Beyrouth, à Karachi, à Jakarta, à Milan, à Bruxelles et à Stockholm. Le journal socialiste Nord-Matin titre dans son numéro 2572 : « Emeutes sanglantes à Casablanca. 40 morts et nombreux blessés. Après l'assassinat de Farhat Hached et les maladresses du résident, les troubles s'étendent à l'Algérie et au Maroc ». Plusieurs personnalités françaises dénoncent cet assassinat au travers de leurs articles, de leurs déclarations, de leurs pétitions ou de leurs démarches, tels Daniel Guérin, Roger Stéphane, Claude Bourdet, David Rousset, René Louzon, Alain Savary ou Charles-André Julien.
Le corps de Hached est transporté sur un petit navire de La Goulette aux Kerkennah pour être remis à sa famille. Sa femme alors âgée de 22 ans se retrouve veuve avec quatre enfants : Noureddine (huit ans), Naceur (cinq ans), Jamila (trois ans) et Samira (six mois). En1955, le corps est finalement ramené à Tunis et inhumé dans un mausolée construit à la kasbah, à l'endroit même où il avait l'habitude d'haranguer les foules.
Après sa mort, l'enquête judiciaire se perd dans des instructions successives accompagnées de propagandes, fausses pistes et diffamations diverses. Selon une note de G. Lewis Jones, consul général des Etats-Unis à Tunis :
« L'enquête judiciaire, toutefois, est toujours en cours sous ce que les journaux appellent un « black-out complet ». Divers témoins se seraient retirés dont le chauffeur de l'une des « voitures de la mort ». Néanmoins, un doute considérable est exprimé sur le dernier point. Cela semble être la politique actuelle de la résidence, maintenant que l'ordre est apparemment donné, de laisser graduellement plus de marge à la presse dans le but de contrecarrer les premières impressions malheureuses qu'il y ait eu quelque chose de mystérieux et de scélérat dans la manipulation française du cas. »
En 1955, le dossier Hached est officiellement clos sur le plan juridique sans avoir déterminé avec certitude les coupables de l'assassinat.
Plusieurs théories circulent alors sur les commanditaires de son assassinat : un Français agissant seul, des rivaux politiques, des camarades souhaitant donner une dimension tragique à la question tunisienne aux Nations unies, un complot communiste en raison de sa proximité avec les Américains, des officiels français. De nos jours, l'Etat français maintient la version selon laquelle Hached a été assassiné par des colons extrémistes.
Cependant, c'est la piste du complot d'Etat qui reste privilégiée : les autorités du protectorat, en connivence et sous l'influence directe de colons radicaux, auraient planifié et organisé cet assassinat selon Charles-André Julien. Les membres du gouvernement français apparaissent comme ayant été directement impliqués dans la prise de décision afin de gérer le « cas Farhat Hached ». Selon Juliette Bessis, « le crime a été organisé très haut. Je dis : l'armée, la politique, la police ». L'équipe chargée d'assassiner Hached aurait été composée de policiers en activité, de jeunes colons et de truands notoires selon Antoine Méléro, ancien membre de La Main rouge. Selon lui, « Hached a bien été assassiné par la Main rouge qui avait reçu l'ordre de le faire. La Main rouge était une organisation dont l'Etat français se servait pour ne pas se mouiller. De toute façon, il fallait se débarrasser de Hached, d'une façon ou d'une autre ». Pour Jean Baklouti, ancien fonctionnaire de la DST à Tunis, La Main rouge était en effet « une nébuleuse de policiers français et de gros colons couverte par les services d'action du renseignement français ».
Dans un documentaire diffusé le 18 décembre 2009 sur la chaîne d'Al Jazeera Documentary Channel, un ancien agent des services secrets français, Antoine Méléro, approuve cet assassinat.


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