Abdessattar Abrougui est surtout connu depuis plusieurs années pour ses créations poétiques dans lesquelles il a fait preuve d'une grande étendue d'imagination et de créativité. Le voici qui vire vers un autre domaine artistique, qu'est la peinture, où il retrouve un nouvel espace pour donner libre cours à ses multiples talents, sans pour autant rompre avec la poésie, sa première vocation. Et quand on sait que Abrougui était à l'origine un professeur de mathématiques, il y a lieu de s'interroger sur la relation entre un scientifique et le monde de l'art. Mais rien ne semble irrationnel là-dessus, puisque les plus grands poètes dans l'Antiquité grecque, en Orient comme en Occident, étaient d'éminents savants. Force est de constater que son bagage mathématique lui a été d'un grand apport dans la réalisation de ces œuvres, puisqu'on en remarque les traces, notamment dans les figures et les formes géométriques qui abondent dans ses toiles.
D'ailleurs, en poésie comme en peinture, Abdessattar Abrougui nous livre des œuvres qui ont comme point commun la puissance d'évocation. Lui qui a fait de sa peinture une poésie. Pas une toile dans cette exposition où ne résonne en permanence l'écho de son souffle, de ses sentiments ou de son inspiration poétique. « Passionné de poésie certes, mais la peinture a toujours exercé sur moi un grand attrait, nous a-t-il confié, les deux arts se rencontrent chez moi et se complètent. » Chaque toile à cette exposition peut être lue comme on lit un poème, quoique les outils et les styles soient différents, le talent et la verve sont cependant restés les mêmes.
C'est la première fois que l'artiste organise une exposition personnelle à Tunis, ayant déjà exposé maintes fois en groupes. Ses 25 travaux qu'il expose aujourd'hui sont structurés en grande partie de formes géométriques, se déclarant du cubisme, mais où les formes et les couleurs révèlent une nouvelle conception de l'espace pictural : le peintre valorise cet espace en y introduisant des innovations à travers des plans verticaux et horizontaux et des couleurs pures, franches et harmonieuses qui génèrent des faisceaux de lumière offrant au tableau toute sa vitalité et sa splendeur. « Je peins la lumière, nous a lancé l'artiste, et non pas le reflet de lumière ! » Dans cette exposition, Abrougui semble sortir des sentiers battus et se démarque par son style singulier en recourant au géométrisme, cette méthode qui repose essentiellement sur des formes géométriques divisées en plusieurs parties peintes de différentes couleurs, moyennant diverses techniques : peinture acrylique, découpage, collage et graphisme, le tout dans une approche abstraite qui se situe dans l'art contemporain.
Le visiteur s'attardera sûrement devant ces différentes toiles aux thèmes variés puisés dans l'histoire (Jugurtha), le patrimoine ( Bab EKhadra, Rue Halfaouine, la mythologie (Le Phénix, Sisyphe, Cheval de Troie) et la notion du temps, comme dans ce triptyque qui illustre les trois moments du temps (passé, présent, futur) où l'homme, victime de la fuite du temps, tout en étant soucieux de son présent, est toujours partagé entre les vestiges du passé et les appréhensions du futur.