Ce n'est plus un secret pour personne que l'agriculture tunisienne fait face à des problèmes nombreux dont certains sont épineux et presque sans solution. Celui de la main-d'œuvre constitue un véritable casse-tête pour les exploitants. Les jeunes qu'ils soient diplômés ou non ne sont nullement intéressés par le travail agricole. Les moins jeunes ne sont pas pour leur part du reste et préfèrent le travail des chantiers publics au labeur dans les champs même s'ils perçoivent des salaires moindres. Les saisons de cueillettes sont de véritables cauchemars pour les exploitants qui endurent toutes les peines du monde pour dénicher l'ouvrier agricole. En été comme en hiver le même problème se pose, pour la cueillette des tomates, et les produits maraîchers d'une manière générale, comme pour les cueillettes des olives. Même à 200 millimes le kilo d'olives cueillies on n'arrive pas à trouver preneur et pourtant on peut facilement gagner vingt dinars par jour d'autant que la récolte cette saison est bonne. Et quand on fait un petit tour dans les cafés dans les différents villes et villages du pays on ne manque pas d'être étonné du nombre des désoeuvrés qui occupent les terrasses. Allez leur proposer du travail et vous verrez quelle réponse on vous donne ! Comment font-ils pour subvenir à leurs besoins et où trouvent-ils de l'argent pour leurs narguilés et les recharges de leurs portables ? Point de problème pour cela puisque on a toujours une mère, une sœur ou une épouse qui travaille, qui dans une usine qui dans les champs. Des dizaines de milliers d'hommes jeunes et moins jeunes vivent du labeur de la femme qui est au four et au moulin sans le moindre répit chez elle comme dehors. Et quand on parle de l'agriculture aujourd'hui on ne peut que parler du rôle que joue la femme rurale sur ce plan. C'est grâce à elle que nous continuons à trouver sur nos marchés des légumes et des fruits. En connaissance de cause nous pouvons affirmer que plus de 80% du travail agricole est assuré par la femme rurale, véritable héroïne à laquelle on ne rend pas justice et on oublie le rôle de premier plan qu'elle joue sur le plan économique. Une petite virée sur nos routes et sur les pistes agricoles nous permet de constater aisément que dans les champs il n'y a que des femmes qui travaillent et s'il y avait par hasard une personne de l'autre sexe, ou c'est le propriétaire ou c'est quelqu'un qui est chargé par ce dernier pour diriger et faire le chef ! Exploitées par leurs époux, leurs pères ou leurs frères, ces femmes le sont aussi par ceux qui assurent leur transport de chez elles aux lieux de leur travail. Ainsi et au cours de ces dernières années une sous traitance informelle a vu le jour : Certains transporteurs ruraux ont trouvé la parade en garantissant aux exploitants le nombre désiré de femmes pour travailler dans leurs champs moyennant une part sur le salaire de ces dernières. Donnez-moi 13 ou 14 dinars et je mets à votre disposition autant d'ouvrières que vous en avez besoin et ne me demandez point combien je les paye ! Voilà le contrat passé entre l'agriculteur et le fournisseur de cette main-d'œuvre qui voit le tiers de son salaire aller dans les poches du sous-traitant. C'est la situation aujourd'hui où chacun estime trouver son compte, mais cela se fait toujours au détriment de la pauvre femme rurale qui a la charge de nourrir sa famille et de pourvoir en argent, l'époux, le père ou le frère fainéants. Tout ceci et sans que cette héroïne ne trouve la moindre reconnaissance de la part de qui ce soit et sans qu'elle puisse prétendre à une quelconque couverture sociale quand elle ne sera plus en mesure de travailler. Ainsi va notre agriculture et ainsi vit notre femme rurale !