L' Amérique doit « faire le job » et sortir de ce cercle vicieux monétaire. Elle doit épargner au monde une déflagration potentiellement plus grave encore que celle que nous venons de subir Les militaires le savent bien, même s'ils l'oublient parfois : quand on part en guerre, il faut avoir une stratégie de sortie. La banque centrale américaine est partie en guerre contre la crise financière un peu comme les forces armées des Etats-Unis en Afghanistan, sans « exit strategy » claire, sans calendrier de fin des opérations et naturellement sans idée de la facture finale. Pour la Fed, cette facture est déjà lourde puisque, à force de racheter de la dette, elle détient un portefeuille d'obligations publiques de 2.600 milliards de dollars, l'équivalent du PIB français ! Et ce portefeuille va continuer de grossir, puisqu'elle a annoncé son intention d'acheter des obligations d'Uncle Sam à hauteur de 85 milliards de dollars par mois. Un si gros portefeuille, chacun le comprend, représente un risque énorme : Il suffit que les taux d'intérêt remontent un petit peu - étant au plus bas, c'est probable - pour que la valeur des obligations chute de plusieurs dizaines de milliards de dollars. De sorte que la Fed est quasiment certaine de perdre beaucoup d'argent si la reprise économique se confirme aux Etats-Unis. Mais cela est presque accessoire par rapport à la question de fond : à force de faire tourner la planche à billets pour acheter des T-bonds, la banque centrale américaine - et c'est vrai aussi pour son homologue britannique, qui poursuit une politique analogue - n'est-elle pas en train de préparer la prochaine crise financière ? Les économistes ont du mal à évaluer les conséquences de cette fuite en avant monétaire. Mais les créanciers de l'Amérique tremblent, à commencer par la Chine, le premier d'entre eux. Et aux Etats-Unis même, le débat monte. Aujourd'hui, les banques américaines ont en dépôt à la Fed des réserves colossales, très supérieures à ce qu'exige la loi. Pour le moment, elles n'en font rien. Mais le jour où l'économie repartira, elles pourront distribuer des masses de prêts et la Fed aura alors bien du mal à contrôler l'emballement. Sauf à remonter brutalement les taux d'intérêt, à ruiner les épargnants qui ont placé leurs avoirs en bons du Trésor, croyant en une valeur refuge - et à se ruiner elle-même. Les banquiers redoutent ce krach obligataire, cette nouvelle crise financière venue d'Amérique comme en 2008, touchant non plus le minuscule marché des prêts « subprime » mais celui, gigantesque, des obligations publiques. En achetant par milliards la dette émise quelques rues de Washington plus loin par le Trésor américain, la Fed dispense en fait le gouvernement et le Congrès de faire ce que tous les gouvernements européens font en ce moment : assainir leurs finances publiques. L'Amérique doit « faire le job » et sortir de ce cercle vicieux monétaire. Elle doit épargner au monde une déflagration potentiellement plus grave encore que celle que nous venons de subir.