«Une crise telle qu'il n'en arrive qu'une fois par siècle», c'est le descriptif apporté par Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale à propos de ce qui s'est produit en ce moment dans le système bancaire des Etats-Unis et ses retombées à l'échelle internationale. La débâcle financière américaine a en effet entraîné dans son sillage des Wall Street un peu partout dans le monde. Le mal est fait. Cette déroute a précipité la chute des indices boursiers provoquant des krachs dans les plus grandes places financières et les plus solides. Certains experts optimistes estiment que la fin du calvaire pourrait avoir lieu en 2010, d'autres moins optimistes, la prévoient pour 2011. Le laisser-faire laisser-aller du système capitaliste américain, incapable de s'autoréguler aurait-il mené à sa ruine ? Cette crise inciterait-elle les professionnels des finances à revoir leurs politiques des crédits dans des options plus utilitaires de manière à ce qu'ils contribuent au développement économique et social réel ? G. W. Bush était-il réellement conscient des conséquences de sa connivence avec la banque fédérale américaine lorsque, pour booster le secteur de l'immobilier, il a approuvé la décision de Ben Bernanke, président de la FED de baisser les taux directeurs de celle-ci -rendant le crédit immobilier moins cher ? Curieusement, une grande partie du portefeuille d'actifs de la banque fédérale américaine reste à ce jour engagée en contrepartie de prêts garantis par des collatéraux à la valeur douteuse. Paul Krugman célèbre économiste et chroniqueur au New York Times rappelle que la banque fédérale a créé les TAF, TSLF, PDCF, qui sont de nouveaux mécanismes d'allocations de prêts ayant étendu leur durée et le nombre des bénéficiaires tout en abaissant le niveau de qualité des actifs gagés en garantie des sommes accordées. La Fed a échangé avec les banques ses actifs, des bons du Trésor, contre des créances immobilières douteuses, allant même jusqu'à accepter des titres adossés à des prêts étudiants. Des produits financiers fantomatiques Jean-François Jamet, consultant à la banque mondiale qui vient de publier une analyse sur la récente crise s'est interrogé sur la capacité d'appréciation des dirigeants du secteur financier américain. Ne savaient-ils pas que les "subprimes" constituaient une bombe à retardement ? Selon lui, certains emprunteurs bénéficieraient à ce jour de taux promotionnels et seraient donc confrontés à des difficultés lorsque celui sera relevé. Nul n'ignore aujourd'hui que la crise trouve sa source dans le relèvement des taux d'intérêt et le retournement du marché immobilier aux Etats-Unis entraînant des pertes importantes pour les acteurs du marché des prêts hypothécaires à risque, les désormais fameux "subprime mortgages". Le tourbillon engendré par la crise immobilière américaine n'était pas réellement une surprise selon Jamet. Dès 2003, certains observateurs dont Krugman ont appelé à plus de vigilance par rapport à tous ces montages financiers dont on n'arrive à tenir ni le début ni la fin. Paul Krugman a d'ailleurs décrit la présente crise comme étant une roulette russe financière, adressant des critiques sévères au «shadow» système bancaire (le système bancaire de l'ombre) qui a remplacé le bon vieux système bancaire où il était tout simplement question de dépôts et d'emprunts à long terme ou de prêts visant à dynamiser les secteurs de l'économie réelle. Actuellement, écrit Krugman dans un article publié le 15 septembre sur le New York Times, «la majeure partie de l'activité de financement est effectuée par le biais de contrats sophistiqués initiés par des entreprises qui ne sont pas des établissements de dépôt ». Il ajoute, parlant des fameuses «inconnues non connues» -faisant allusion à un célèbre sophisme de Donald Rumsfeld, qui avait décrit ainsi la possibilité qu'existent les armes de destruction massive de Saddam Hussein afin de justifier l'invasion de l'Irak- qu'aujourd'hui elles se sont transformées en «inconnues connues». Car les conséquences des pratiques financières virtuelles douteuses rappellent douloureusement d'autres krachs et d'autres crises dont l'une a été, entre autres, à l'origine de la Deuxième Guerre mondiale. Nous venons de citer la crise 29. Sanctionner les défaillants Les golden boys qui s'en mettent plein les poches, même quand tout va mal sont-ils sensés offrir à ces milliers de personnes, démunis, des explications sur les raisons de ce cataclysme ? Le président français Nicolas Sarkozy déclarait récemment qu'il ne faut plus se contenter de récompenser les dirigeants des institutions financières pour leurs performances mais sanctionner ceux qui ont failli. En fait, comment devrions-nous juger l'attitude des agences de notation telles Moody's et Standard & Poor's qui portent une responsabilité particulière dans la mesure où des avis favorables accordés à certains paquets de créances comportant des subprimes ont pu induire les investisseurs en erreur. La banque fédérale mesurait-elle les risques encourus ? Les bureaux de contrôle ? Les commissions de surveillance au sein des grandes banques elles-mêmes ? Le FMI était-il anesthésié ? Dormaient-ils tous sur leurs lauriers, quand le dollar s'effondrait, renvoyant dans la rue des centaines de milliers de ménages américains, incapables de faire face au règlement de leurs traites? Et pour terminer, cette série d'interrogations, à qui profiterait 'le crime'' ? Y aurait-il quelque part quelques financiers de l'ombre qui, à la veille de la catastrophe, auraient tiré leurs épingles du jeu et se seraient offerts des retraites heureuses dans les paradis fiscaux ? Sans parler des répercussions de la crise sur les pays émergents et en développement. «Les pays en développement ou émergents ne pourraient pas échapper aux conséquences de crise financière qui a provoqué le ralentissement de la croissance» a déclaré lundi 6 septembre Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI). La globalisation a, entre autres conséquences, que lorsque ça va mal aux Etats-Unis, le reste du monde souffre, il faut espérer que certains pays en développement en Afrique et en Amérique latine, ne paient pas les frasques américaines en famine et malnutrition, sachant que le nombre de personnes menacées de famine dans le monde s'élève à un milliard aux dires mêmes du président de la Banque mondiale, Robert Zoellick. Lire aussi : - Radhi Meddeb: c'est l'économie virtuelle qui a déclenché la crise et nous n'en avons pas chez nous - La contagion par la "titrisation" - La crise de fil en aiguille