Une crise économique sur fond d'impasse politique ? La Tunisie a fait « la Une » des plus prestigieux journaux du monde. Tout le monde s'indigne contre l'assassinat de Chokri Belaid. L'économie tunisienne en devient la principale victime aussi. Cet assassinat politique est perçu généralement comme indicateur de mauvaise gouvernance du pays. Miraculeusement, on commence en Tunisie à tirer la sonnette d'alarme et surtout annoncer que la situation économique du pays devient de plus en plus critique. Les discours politiques changent concomitamment avec la nouvelle donne. Malgré les signes de reprise, l'économie tunisienne risque beaucoup, après l'assassinat de Chokri Belaid, une figure fort connue dans le camp de l'opposition. Le vice-président d'Ennahdhdha, Abdelfattah Mourou, a d'ailleurs déclaré récemment (sur la chaine Ettounissia) que la Tunisie risque de connaître le même scénario que la Grèce a connu. Dès lors, les fonctionnaires publics peuvent voir leurs salaires baisser au moins de 20%. Houcine Dimassi, ancien ministre de finances, a annoncé pour sa part que la grève générale, observée le 8 février, suite à l'assassinat de Chokri Belaïd, a coûté à la caisse de l'Etat, environ 280 millions de dinars. Quelques jours avant l'assassinat de Chokri Belaid, Mustapha Kamal el Nabli, ancien gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, a annoncé que la transition a coûté 8% du PIB national, soit environ 500 dinars tunisien par an et par Tunisien. Tout compte fait, la Tunisie a perdu, en deux ans après la Révolution, 2000 dinars par habitant. A cela s'ajoutent, la perte de confiance - que les investisseurs, des instances internationales et les touristes accordent en la Tunisie- que l'assassinat de Belaid pourrait engendrer. Cette perte de confiance s'est traduite immédiatement par des annulations de réservations par les touristes et par les Tours Opérateurs qui ont connu à leurs tours des arrêts de réservations ainsi l'annulation des vols programmés pour la Tunisie. Tout simplement, le secteur de tourisme est la première victime de l'assassinat de Chokri Belaid. Les professionnels de tourisme, affirment que ce phénomène touche la majorité des marchés. La Tunisie a fait négaitivement « la Une » dans la majorité des médias internationaux. Pire encore, les grands Tours Opérateurs opérants en Tunisie, pensent, selon les professionnels de tourisme, retirer leurs avions de la Tunisie et les programmer vers d'autres destinations. C'est dire, qu'hormis l'effet immédiat du crime du 6 février, le tourisme tunisien va encore supporter des conséquences à court et à long terme.
Avis d'expert Ezzedine Saidane Sans aucun doute, l'assassinat politique est un tournant décisif dans l'histoire du pays. Il reflète ainsi l'absence de sécurité ce qui nuit à l'image du pays. Les investisseurs étrangers ainsi que les instances financières considèrent que la Tunisie connaît un vrai problème de sécurité, élément primordial pour l'attraction des investissements. Il en est de même pour les agences internationales de notations, à l'instar de Fitch Rating, qui pense que l'assassinat de Chokri Belaid, peut engendrer l'abaissement du rating de la Tunisie. Et quand la note nationale du pays est abaissée, les conséquences deviennent lourdes et sont bien connues. L'accès au marché financier sera plus cher et plus difficile, ce qui est de nature de compromettre le redressement de l'économie tunisienne. Même constat, pour l'impasse politique que le pays connaît actuellement. S'il n'y a pas de transition politique, l'économie va connaître plus de difficultés. Les problèmes politiques et surtout les tractations survenues pour la formation d'un gouvernement, sèment le doute de ne pas réussir la transition politique. Raison pour laquelle, le redressement de l'économie devient une mission de plus en plus difficile voir même impossible.
Trois questions à Walid Bel Haj Amor, DGA Comite Engeneering et membre du Conseil d'Administration de l'Institut Arabe des Chefs d'Entreprises
Economie : dans quelles mesures, l'assassinat de Chokri Belaid, aura des effets négatifs sur l'économie tunisienne? Walid Bel Haj Amor : ce crime odieux est le premier de son genre en Tunisie depuis l'indépendance, il touche un homme et un militant d'une grande valeur. Ce crime est significatif d'une situation qui prévaut dans notre pays depuis des mois et qui inquiétait largement les investisseurs et la communauté économique dans son ensemble. Il marque déjà clairement l'incapacité du gouvernement à assurer la sécurité des biens et des personnes, et cela va avoir un impact négatif grave et profond sur le climat des affaires d'autant que ce crime contre la Tunisie et sa démocratie a eu et continue d'avoir un retentissement mondial. Au-delà de la crise économique que nous connaissons, cet attentat plonge la Tunisie dans une crise politique qui va impacter tant l'investissement intérieur qu'extérieur. Il est difficile d'estimer aujourd'hui et de manière précise l'impact sur notre économie, mais ce qui est sûr c'est que ce crime va affecter durablement notre image de terre d'accueil des investissements extérieurs. L'impasse politique et les tractations pour la formation d'un gouvernement sont en cours et tardent encore à aboutir à un consensus. Quels sont les risques économiques à encourir? Cette crise politique va mettre en difficulté toute l'économie tunisienne et l'investissement en particulier. L'impact immédiat va se concentrer sur un ralentissement de la croissance du fait d'une baisse de l'investissement mais aussi probablement de la consommation intérieure. Nos entreprises vont subir les effets directs de la dégradation de ces chiffres qui conditionnent la production intérieure et le tourisme. Dans le contexte incertain que nous vivons aujourd'hui il est difficile d'imaginer que les investisseurs trouveront les conditions d'investissement qu'ils attendent et recherchent, ni que les entrepreneurs prendront le risque de développer et de recruter. Dans le même temps les fondamentaux vont continuer à se dégrader, en particulier la balance commerciale, sans compter que le dinar va continuer à se déprécier et l'inflation à augmenter. La période d'attentisme que nous connaissions déjà depuis les élections va se prolonger encore, et ce tant que les responsables politiques seront incapables de proposer une feuille de route politique, économique et sociale claire. Quelles sont les attentes de ce nouveau gouvernement (une fois formé) ? Le pays tourne depuis deux ans sans programme économique et ni programme social, qui restent les principales revendications de la révolution. Au lieu de concrétiser ces demandes populaires, la Tunisie a été engagée sur le chemin de la discorde et de la violence. Je doute fort qu'un gouvernement de technocrates chargés de la gestion des affaires courantes soit en mesure d'apporter les réponses que le peuple attend. Les difficultés rencontrées pour sa formation sont en partie liées à la difficulté de s'accorder sur sa mission et son programme. Les attentes sont les mêmes depuis Janvier 2011, prendre en charge les inégalités, impulser un nouveau modèle économique plus inclusif, garantir les libertés individuelles dont celle d'entreprendre et instaurer une démocratie. Malheureusement le débat politique est aujourd'hui bien loin de ces considérations, et s'avère incapable de répondre à ces attentes.
Fitch menace de dégrader ka note de la Tunisie ! La Tunisie risque également, la dégradation de son rating. L'agence de notation internationale, Fitch Rating (a pris déjà la décision de quitter le pays) a annoncé sur son site web, que l'assassinat de Chokri Belaid, pourrait mener à un nouvel abaissement de la note nationale de la Tunisie. L'agence indique également, que ce crime est de nature à aggraver la crise en Tunisie. Selon la même source, les responsables de Fitch indiquent que l'assassinat de Belaid menace la transition démocratique en Tunisie. Ils considèrent encore, que la violence politique et sociale met en péril la transition et pourrait mener à un nouvel abaissement de la note nationale. L'inflation toujours galopante ! Pour le mois de janvier de l'année en cours, l'inflation a atteint de nouveau, un niveau élevé, soit 6%, contre 5,9% en décembre et 5,5% au mois de novembre de l'année écoulée. Un niveau élevé que l'économie tunisienne ne pourrait supporter, si l'on croit aux propos de Chedly Ayari, gouverneur de la BCT. Cette augmentation est due essentiellement à la hausse des prix des groupes « alimentation et boissons », « vêtements et chaussures », « ameublement et équipements ménagers » qui ont connu une augmentation respective des prix de 8,6%, 7,7% et de 6,2%. Même constat pour le groupe « restauration et hôtellerie » qui a connu une forte augmentation des prix, soit 9,3%. Selon les mêmes chiffres de l'Institut National de la Statistique, l'indice des prix à la consommation familiale pour l'année 2012 en Tunisie (cumul) a augmenté de 5,6% par rapport à 2011.