«C'est le conseil des sages de Si Hamadi», affirme le Doyen Sadok Belaïd «On dirait qu'il veut créer une instance parallèle à celle du conseil de la Choura », avance Lazhar Akremi, porte-parole de Nida Tounès «Ahmed Mestiri, membre du Conseil a ouvert l'ère du pluralisme », rappelle Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol Le chef du Gouvernement Hamadi Jebali, s'engage résolument à prendre son destin en main et prend des initiatives unilatéralement vis-à-vis de son parti au pouvoir et ses alliés. Il ne cesse de surprendre tout le monde depuis l'assassinat de Chokri Belaïd. Dans la foulée de sa décision de former un gouvernement de compétences nationales dont les membres n'appartiennent à aucun parti politique, le voilà qu'il récidive en annonçant la formation d'un Conseil des Sages auprès duquel il cherche conseils pouvant l'éclairer dans sa quête à servir le pays, en cette période de turbulences. Ce conseil est composé des personnalités d'horizons et de spécialités divers. Exclusivement masculin, on y trouve Mustapha Filali, Abdeljelil Temimi, Yadh Ben Achour, Fethi Touzri, Hmida Ennaifer, Slaheddine Jourchi, Kais Saïed, Hamouda Ben Slama, Ben Aissa Demni, Mansour Moalla, Abdelfateh Mourou, Hichem Djaït, Abou Yaâreb Marzouki, Ahmed Ben Salah et Ahmed Mestiri. Ce conseil va-t-il concurrencer le conseil de la Choura du parti Ennahdha ? Suscite-t-il des appréhensions au niveau de la classe politique ? Pourquoi ? Va-t-il faire de l'ombre aux institutions en place comme la Constituante ? Le constitutionnaliste et Doyen Sadok Belaïd n'y va pas par le dos de la cuillère. Il affirme au Temps : « c'est un Conseil des Sages de Si Hamadi Jebali. Il est composé de plus que la moitié de personnalités du parti dominant ou ses sympathisants. Ils ont été désignés parce qu'ils ont la confiance de Si Hamadi qui les considère comme des sages ». Lazhar Akremi, porte-parole de Nida Tounès affirme qu'il s'agit « d'un Conseil de Sages à majorité partisane. Si Hamadi Jebali a le droit de choisir ses conseillers. Qu'ils soient considérés pour des sages est une autre paire de manches. Y-a-t-il unanimité autour de leur sagesse ? On peut en douter. On n'y trouve ni des syndicalistes, ni de grandes figures intellectuelles indépendantes. Hamadi Jebali a constitué un cercle de Conseillers qui l'entourent. On dirait qu'il veut créer une instance parallèle à celle du conseil de la Choura d'Ennahdha et indisposer Rached Ghannouchi. Les membres de ce Conseil sont à majorité des sous-marins d'Ennahdha ». Au parti Républicain, les réserves sont sans appels quant à la formation de ce Conseil. Non seulement l'absence d'éléments féminins retient l'attention, on soulève l'absence de textes légaux créant ce Conseil. On reproche la présence d'un ancien ministre de Ben Ali, comme Hammouda Ben Slama ou de membres du Gouvernement actuel, ainsi que ceux du parti Ennahdha ou des proches d'Ennahdha. Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol, apprécie bien la formation de ce Conseil. Il écoute des avis divers qui ne font pas de mal. « Parmi ces membres, nous retrouvons Ahmed Mestiri, un des plus grands militants de la Tunisie. Il a été le premier à se lever contre Bourguiba dans la période des coopératives lorsqu'on dépossédait les Tunisiens de leurs biens. Il a été le seul à dire non et à démissionner. Il a envoyé sa démission à travers les agences de presse. Il a essayé de réformer le parti au pouvoir. On ne l'a pas laissé faire. Il a ouvert l'ère du pluralisme lorsque la Gauche n'y croyait pas et privilégiait le champ des luttes sociales et prenait la Démocratie pour une pratique bourgeoise. Ahmed Mestiri avait déclaré qu'il soutenait l'initiative de Hamadi Jebali tout en émettant certaines réserves. Les autres membres du Conseil ont des spécialités différentes. Ils sont multidisciplinaires. Hamida Naïfer rappelle l'expérience de la revue14/21. Le doyen Yadh Ben Achour est un célèbre constitutionnaliste. Il maîtrise le volet juridique. Ils peuvent fournir des conseils utiles, au moment où le conseil de la Choura d'Ennahdha est en train de se leurrer. Le seul reproche est que les membres du Conseil sont nombreux. Ils ne doivent pas dépasser le nombre de 6 ou 7 personnalités ». Abdelfattah Mourou, a rétorqué à travers les ondes d'ExpressFM, à ceux qui voient d'un mauvais œil sa présence au Conseil des Sages qu'il y est à titre personnel et non pour sa qualité de vice-président d'Ennahdha. Dans tous les cas de figure, le Conseil a un rôle exclusivement consultatif dont les avis n'engagent en rien le chef du Gouvernement. « Il fallait consulter les familles intellectuelles dès le début de la Révolution », dit-il.