D'un côté « tigre et dragon » et tous les films de sabre, de l'autre, les films indépendants tournés sous le manteau et présents dans les festivals de cinéma du monde entier. Il n'y a pas un cinéma chinois, mais des cinémas chinois. Et c'est ce cinéma contemporain que le Forum des images, à Paris, se propose de faire découvrir jusqu'au 3 mars : un tour de Chine en 80 films, intitulé De Pékin à Taipei, 1000 visages de la Chine. Depuis plus de trente ans, le monde chinois connaît de profondes mutations politiques, sociales ou culturelles. Dans cette modernisation à marche forcée , les villes sont en première ligne. « Le propos du programme c'est vraiment d'interroger le phénomène urbain en Chine » explique Zeynep Jouvenaux, programmatrice au Forum des images. Si loin, si proche Elle a choisi 80 films reflétant toute cette diversité d'approches. « L'idée était d'ouvrir des fenêtres et de décentrer le regard qu'on peut avoir parfois en Occident. De se rendre disponible à un cinéma qui est venu d'ailleurs, sans pour autant de le cantonner pourtant à quelque chose d'exotique. Tous ces films se passent dans des villes, ils montrent des choses très contemporaines, des vies qui se passent dans des grandes métropoles, il y a les portables, l'internet, des circulations très particulières qui sont spécifiques aux grandes villes. On voulait produire ce sentiment de ‘si loin, si proche'. Ce sont des rapports de domination, d'exploitation, de perte de repères etc. » D'autres questions aussi : quelle est la place de l'individu dans les structures collectives comme la famille, l'usine ou le syndicat ? Autant de films qui rejoignent des préoccupations universelles, même si certaines œuvres doivent être réalisées clandestinement. C'est le cas des films de Cui Zien, homosexuel activiste du milieu underground chinois dont le Forum des images projette « Night Scenes. Une zone grise Car nombre de ces films indépendants sont tournés au nez et à la barbe du système. A côté des films officiels, reconnus par le régime, existe toute une zone grise d'œuvres tournées sans autorisation. Zhang Xianmin est le fondateur du Festival des films indépendants de Chine, qui se tient à Nankin depuis 2003. « Au début des années 1990, certains cinéastes ont commencé à ne plus déposer leurs films à la censure. C'est comme une économie de marché qui coexiste avec une économie de planning. On a, chaque année, à peu près 30 longs métrages de fiction et 60 ou 80 longs métrages de documentaires. Les courts métrages, on n'arrive plus à les compter. » Mais son festival n'a pas pu vraiment se tenir cette année, du fait de pressions policières. « Des gens posent des questions, demandent le destin commercial du film, pourquoi on n'a pas un programme patriotique... On a l'habitude à faire face à une multitude de questions. On essaie de ne pas trop y répondre. » Le rêve de filmer une explosion à Pékin Dans le cadre de ce cycle sur le cinéma chinois contemporain, le Forum des images a pu faire venir des cinéastes chinois, ou des personnalités comme Isabelle Glachant, productrice française travaillant en Chine et qui a pu raconter des initiatives récentes inattendues. « Par exemple, Isabelle Glachant nous faisait part d'une tentative très originale où des cinéastes indépendants se sont alliés avec des cinéastes très mainstream chinois, très blockbuster, pour faire assouplir les lois de la censure. Par exemple, les cinéastes très commerciaux regrettaient le fait de ne pas pouvoir faire comme les blockbusters américains qui peuvent proposer une explosion de la Maison Blanche. Eux, ils ne peuvent pas proposer cela. On n'a pas le droit de filmer une explosion à Pékin, on n'a même pas le droit de la fictionnaliser ou de le scénariser. C'est intéressant de voir qu'il y a parfois des systèmes d'entraide... »
En attendant une plus grande liberté d'expression dans leur pays, les cinéastes indépendants chinois s'organisent pour tourner et faire diffuser leur film à l'étranger. (MFI)