La Tunisie, jadis « La verte », n'est plus aujourd'hui qu'un immense dépotoir à ciel ouvert, qu'un vaste champ contaminé, jonché d'ordures, qu'un territoire sinistré, où tous les écarts environnementaux font rage, devenant désormais monnaie courante, aisément et impunément perpétrés. Notre chère Tunisie, ce si beau pays de tous les coeurs, n'est plus malheureusement qu'une plaie ouverte, infectée et dégoûtante, laissée à l'abandon. Partout, il n'y a que dégâts et nuisance : son littoral est sous l'emprise d'une convoitise grandissante générant un usage souvent anarchique et insensé du domaine public et des propriétés maritimes ; ses côtes, soumises aux aléas du réchauffement climatique, font donc l'objet d'une érosion maritime sévère ; les terres agricoles, orphelines de leur état, sont prises d'assaut pour devenir la cible facile du joug dévastateur du béton rampant tous azimuts ; des sites naturels classés et dotés d'une reconnaissance internationale, que l'on croyait donc immunisés, n'ont pas été épargnés pour être de ce fait phagocytés à leur tour par le rouleau compresseur de la bétonisation ; les bas-côtés de nos routes, nos plus belles plages, les terrains vagues, nos villes, nos villages, nos quartiers, nos parcs urbains et nos jardins publics sont dans un état piteux de négligence, jonchés d'ordures amoncelées et de déchets plastique de tous genres éparpillés dans toutes les directions et agressant indéfiniment le regard ; des pratiques condamnables de braconnage, de pêche illicite, ou d'exploitation abusive des ressources sont de plus en plus en usage risquant de mettre en cause la richesse de la biodiversité des écosystèmes désertique, oasien, marin et montagneux. En outre, des crises graves d'atteintes évidentes à l'environnement et au droit du citoyen à une belle qualité de vie, et qui ont défrayé la chronique, demeurent d'actualité et continuent à susciter l'indignation et la colère des riverains lésés, les cas de la décharge spécialisée pour déchets industriels et spéciaux de Jradou, et de la décharge contrôlée de Guellala en font foi. En somme, le mal est partout, général et ravageur ; tout n'est que laideur et répugnance, et le tableau est on ne peut plus noirci. Politique environnementale de la Troïka 1 : La grande déception Cette percée agressive de la nuisance à l'environnement, même si elle était d'actualité du temps de l'ancien régime, force est d'admettre qu'elle s'est aggravée depuis les premières heures de la Révolution, profitant certes du relâchement sécuritaire prévalant qui n'était que pour donner des ailes aux contrevenants de tous bords pour agir à leur guise, forts de l'impunité ambiante. Qui mieux que le gouvernement légitime issu des élections démocratiques du 23 octobre pour redresser la barre, redorer le blason d'un environnement malmené et redonner espoir aux millions de citoyens exaspérés et affligés par la dégradation de la santé environnementale de leur pays, méconnaissable et indignement diminué ? Les Tunisiens portaient tout leur espoir sur les nouveaux maîtres du pays, détendeurs légitimes du pouvoir et de l'autorité, pour rétablir l'ordre dans la maison et imposer la souveraineté de la loi et des règlements, mais après seize longs mois d'exercice, le bilan de ce fameux premier gouvernement légitime en termes de politique environnementale était des plus décevants, très en deçà des attentes et des aspirations d'un peuple qui n'en pouvait plus, à bout de patience. Au lieu de mettre en œuvre une politique courageuse et efficiente en matière de protection de l'environnement, d'intégrer la question de l'environnement dans son ordre de priorité eu égard à la gravité et à l'envergure de la nuisance, et d'œuvrer à l'arrêt de l'hémorragie, à la réparation des dégâts perpétrés, le gouvernement Jébali a donné tout simplement l'impression qu'il avait d'autres chats à fouetter et que la question de l'environnement n'était pas son sport favori. Gouvernement Larayedh et l'Environnement Point d'illusions en perspective Qu'en est-il du nouveau gouvernement fraîchement installé ? Confronté à ce legs environnemental peu reluisant, le gouvernement de la Troïka bis n'a pas tardé à afficher ses intentions et à annoncer la couleur : contre toute logique, M.Larayedh a opté pour la suppression du ministère de l'Environnement et du Développement Durable, le seul à avoir disparu de la scène pour se voir reléguer au statut de secrétariat d'Etat mis sous la tutelle du ministère de l'Equipement. Que ferait le nouveau ministre de l'Equipement s'il avait à choisir entre soutenir la réalisation d'un projet d'envergure d'intérêt général, mais qui pourrait porter préjudice à l'environnement, ou se ranger du côté de la cause environnementale, ce qui risquerait de compromettre la réalisation du projet porteur? Etant juge et partie, il tranchera assurément en faveur du premier choix, au détriment de l'environnement dont les inconditionnels n'auront plus alors qu'à constater les dégâts et pleurer sur les chimères. Aujourd'hui, l'environnement n'a plus de gardien et les institutions censées servir sa cause sont sinistrées et affaiblies ; au lieu de les revaloriser et de renforcer leurs capacités de façon à leur permettre de mettre en œuvre une politique efficace en matière de protection de l'environnement et de rationalisation de l'exploitation des ressources naturelles, et de faire face efficacement aux nombreux défis environnementaux, les nouveaux dirigeants ont porté un coup dur à la cause de l'écologie et de l'environnement qu'ils n'entendent pas à priori intégrer dans l'ordre de leurs priorités.