Les Confessions d'Umberto Eco sur sa tardive vocation ont valeur de leçon magistrale. A croire que les quatre auteurs retenus par L'Express ont suivi ses bons conseils. Leurs premiers livres augurent du meilleur. L'envie." C'était, invoque Umberto Eco, la seule raison "suffisante et raisonnable" pour s'être lancé, à 49 ans, dans l'écriture d'un premier roman, avec le succès ravageur que l'on sait - Le Nom de la rose s'est vendu à quelque 17 millions d'exemplaires à travers le monde depuis 1980. L'envie, bien sûr, mais aussi l'aboutissement d'un subtil maillage, comme nous l'explique le Piémontais dansConfessions d'un jeune romancier. Inutile d'aller chercher dans cet essai plein d'ironie les ficelles du métier ou les recettes du best-seller, mais on y découvrira la passionnante genèse de son oeuvre et, finalement, nombre de conseils. Rem tene, verba sequentur Longtemps, donc, le philosophe et éminent sémiologue considéra, avec une certaine morgue, les artistes comme "prisonniers de leurs mensonges", tout en assouvissant secrètement sa passion du récit auprès de ses enfants et de l'Université, ce qui ravit les premiers, moins la seconde - ainsi lui reprocha-t-on la facture "roman policier" de sa thèse de doctorat sur l'esthétique de saint Thomas d'Aquin. Puis, un jour, alors qu'une amie lui quémandait une nouvelle policière, il lui rétorqua, par provocation, qu'il écrirait "un roman d'au moins 500 pages qui se passerait dans un monastère médiéval" ou rien. "Je songeai alors qu'il serait amusant d'empoisonner un moine pendant qu'il lisait un livre mystérieux." En ouvrant son grand placard, il s'aperçoit que tout était là : des années de fiches sur le Moyen Age, la visite de moult abbayes, le dessin de labyrinthes... une longue gestation littéraire inconsciente à laquelle une "image séminale" (la vue, à l'âge de 16 ans, d'un volume des Acta sanctorum posé sur un lutrin) mit un terme. Rem tene, verba sequentur ("Tiens ton sujet, les mots suivront") : tout récit est gouverné par cette règle latine, selon Eco, qui préconise la création d'un monde aussi précis que possible afin de s'y mouvoir en totale confiance, la fixation de certaines contraintes (dans son cas, les sept trompettes de l'Apocalypse pour rythmer les événements) et rappelle que 10 % du génie est dû à l'inspiration et 90 % à la transpiration.