Malgré le froid et la pluie, le public s'est déplacé en nombre respectable pour assister, samedi dernier au théâtre Municipal, à la table ronde consacrée aux « Paroles de femmes » animée par la journaliste de France Culture Laure Adler et à laquelle participaient Salwa Naimi, Dalila Ben Mbarek Msaddek, Wassyla Tamzali et Olfa Youssef. Avant d'entrer dans le vif du sujet, la cantatrice Leila Hjaiej accompagnée d'un takht de trois musiciens a interprété deux chansons patriotiques « Idha Chaâbou... » Poème de Abou Kacem Chebbi chanté par Souad Mohamed et « Béni Watani » de Oulaya que le public a généreusement ovationnés. Puis le mini-concert a été suivi par une lecture à voix haute proposée par Houria Abdelkafi d'un texte littéraire « Le ravin de la femme sauvage » de Leila Sebbar. Une nouvelle mythique et réelle sur une femme qui pleure la nuit. Ce texte est constitutif de notre mémoire collective à l'instar de « Nejma » de Kateb Yassine. A la question pertinente de Laure Adler, est-ce que la libération des femmes s'est faite avec l'indépendance des pays, Wassila Tamzali, aux origines algériennes explique que les femmes de cette époque ont effectué une transgression en descendant dans la rue. « Elles ne sont pas descendues dans la rue pour défendre leur droit, mais ce sont mobilisées dans des combats pour la libération de la patrie ». Il y a celles qui sont montées dans le maquis comme la mythique Jamila Bouhired. Olfa Youssef, spécialiste en psychologie et auteure de plusieurs ouvrages à succès estime, pour sa part, que « le Coran parle aux hommes et pas aux femmes et que le combat des femmes n'est pas un combat contre l'homme mais en commun avec les hommes car ces derniers sont fragiles. On a besoin d'une autre manière de réfléchir le rapport hommes-femmes dans la société ». La troisième intervenante Dalila Mbarek Msaddek relève que le combat est celui de l'homme et de la femme. « La révolution tunisienne a mis en exergue le choix d'un modèle sociétal où les femmes étaient présentes pour défendre un certains nombre de revendications : dignité, liberté, droit au travail etc. La montée des islamistes et notamment des mouvements rétrogrades dangereux ont ébranlé les certitudes sur les acquis de la femme » ajoute-t-elle. Salwa Naimi, écrivaine d'origine syrienne vivant à Paris confirme les propos de Dalila. « Effectivement, les femmes étaient dans les rues pendant la révolution pour revendiquer leurs droits et leurs acquis de liberté et de dignité au même titre que les hommes. La liberté de la femmes c'est la liberté d'être citoyenne ». Les droits des femmes passent donc par les droits de la révolution. Ce n'est pas aussi sûr compte tenu des problèmes spécifiques de la femme. Eviter de tomber dans le particularisme car pour ainsi dire, le féminisme est une pensée politique contre toute sorte de répression. Dans ce cas la loi est-elle suffisante pour avancer la société ? Le Code du Statut Personnel est intériorisé aussi bien par les hommes que par les femmes et il est difficile de retirer cet acquis. Aucune femme ne céderait sur ses droits au travail, à l'avortement, à la dignité. Le débat sur ce sujet reste ouvert...et se terminera par un excellent concert de piano solo de Jeanne Cherhal.