Heureuse initiative que celle de «Al Kalimat» (lectures à voix haute), annoncée depuis des semaines et qui s'ouvre aujourd'hui, au Théâtre municipal de Tunis —et jusqu'à dimanche—, continuant ainsi son «marathon des mots» depuis Toulouse, dans le Sud-Ouest de la France, en Pays de Haute Garonne. Il s'agit d'une manifestation littéraire, artistique et de résistance qui nous est proposée par Ness El Fen et l'Institut français de coopération, et qui promet des moments forts entre le Théâtre municipal, la Maison du Baron d'Erlanger et même le TGM, à partir d'un «Train littéraire». Depuis l'enclenchement de la révolution tunisienne, la poésie est devenue urgente et comme un chant d'espoir pour mettre du baume à la patrie endolorie, meurtrie, depuis de longues décennies. Elle a toujours accompagné le cortège des sit-in et des manifestations socioéconomiques et politiques qui se sont déroulées sur la grande avenue Bourguiba et partout ailleurs, dans nos régions. De poésie et de prose écrites, et souvent peu accessibles aux masses, elle est devenue une poésie et une prose écoutées et plus faciles d'accès, donc contagieuses —mais d'une bénéfique contagion— et radicalement populaires. On voudrait rappeler, pour notre part, —et faisant écho à ces trois journées qui se dérouleront, on l'espère, dans de très bonnes conditions—, que la poésie orale a, de tout temps, et durant les heures sombres des sociétés en émancipation, établi réellement un mode de communication largement populaire. Le cas de l'Espagne, à travers le poète Gabriel Celaya(*), durant la période franquiste, est un témoignage frappant du rôle de la poésie orale. Au début des années soixante, alors qu'il ne se considérait que comme «un poète de transition», il imaginait la poésie «orale» comme une poésie future ou, plutôt, comme «une arme chargée de futur» à laquelle devaient tendre les poètes détachés de tout ce qui les ferait appartenir à une classe. Pour lui, le poète doit assumer «ses responsabilités» dans la société moderne, en abandonnant «le formalisme stérile». Et ce sens de la «modernité», il le trouvait déjà dans «les nouveaux moyens de diffusion (radio, cinéma, télévision, micro, disques, magnétophones, etc.) [qui] sont appelés à produire un bouleversement dans la poésie beaucoup plus important que celui qui pourrait dériver d'écoles, ou de courants littéraires». Il imaginait déjà, comme aujourd'hui, un retour depuis des siècles, de la poésie lue à la poésie écoutée «accompagnée aussi d'images». Et c'est tout dire! On voudrait rappeler aussi le rôle fondamental joué par feu Mondher Ben Milad, chroniqueur, essayiste, critique d'art tunisien, installé à Paris et qui faisait paraître, en ce sens, ses «Cahiers de la poésie» avec des lectures et des écoutes, à partir de son atelier à la rue des Rigoles à Paris. Enfin, ces «Kalimat», je les traduirais par le vocable de «Parolades» de celles, «avé l'assen» de Marseille, que nous avons vécues du côté du théâtre Toursky (dans le quartier nord), depuis le début des années quatre-vingt-dix. Les aèdes du midi et ceux de l'espace méditerranéen et le concours de cahiers comme ceux de Autre Sud. (*)Gabriel Celaya par Pierre-Olivier Seirra. Poètes d'aujourd'hui. Seghers Le programme Aujourd'hui, vendredi 5 avril 2013/19h30 Théâtre municipal Jacques Martial/Aimé Césaire Fathi Heddaoui/Ouled Ahmed, Marianne Catzaras/Mahmoud Derouiche, Moncef Louhaïbi/Leïla Hjaiej/Voix chantées Nicole Garcia lit Le premier homme d'Albert Camus Samedi 6 avril 2013 Maison Baron d'Erlanger, Sidi Bou Saïd 11h00. Littérature et résistances Une table ronde avec Wassyla Tamzali (Une femme en colère : lettre d'Alger aux Européens désabusés), Charif Majdalani (Nos si brèves années de gloire), Dalila Ben Mbarek Msaddek (Je prendrai les armes, s'il le faut), Hélé Beji (Islam pride), Tristan Jordis (Le courageux mourra dans la bataille) animée par Olivier Poivre-d'Arvor (France Culture) 15h00. Médias et Pouvoir Une table ronde avec Cyril Karray, Hachemi Ghozali (revue Rukh), Akram Belkaïd, journaliste et essayiste, spécialiste du monde arabe. Hssan Arfaoui (Réalités) en présence de Patrick Poivre-d'Arvor (Jeux de mémoires), animée par Marc Voinchet (France Culture). Théâtre municipal 18h00. Paroles de femmes Une table ronde avec Salwa Al Neimi (Presqu'île arabe), Dalila Ben Mbarek Msaddek, Wassyla Tamzali, Olfa Youssef (écrivain et universitaire), Raja Ben Slama Lecture à voix haute, Houria Abdelkefi animée par Laure Adler (France Culture) Concert Jeanne Cherhal (Piano Solo) Dimanche 7 avril 2013 Théâtre municipal, 11h00 Clôture Pour la jeunesse Spectacle jeunesse «Lettres à ma Too Ness... »