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Mondialisation et régionalisation des flux migratoires
Lu pour vous
Publié dans Le Temps le 11 - 04 - 2013

En ce début du vingt et unième siècle, les migrations internationales ont pris un essor sans précédent. Mais, à la différence du passé, ce ne sont plus les Européens qui ont émigré de par le monde, l'Europe étant au contraire devenue l'une des premières destinations migratoires, en proie à un déclin démographique, mais la planète entière qui est en mouvement, notamment les zones du sud.
De nouvelles destinations se sont fait jour, comme les pays du Golfe, le continent africain, certains pays asiatiques, tandis que des pays de départ sont devenus des pays d'accueil et de transit, comme l'Europe du sud, puis le Mexique, la Turquie et les pays du Maghreb.
Ces migrations se sont mondialisées depuis trente ans, et ont triplé depuis le milieu des années 1970 : 77 millions en 1975, 120 millions en 1999, 150 millions au début des années 2000, près de 240 millions aujourd'hui.
Ce processus va se poursuivre car les facteurs de la mobilité ne sont pas près d'avoir disparu : écarts entre les niveaux de développement humain (qui combinent l'espérance de vie, le niveau d'éducation et le niveau de vie) le long des grandes lignes de fracture du monde, crises politiques et environnementales, productrices de réfugiés et de déplacés.
Baisse du coût des transports, généralisation de la délivrance des passeports y compris dans les pays d'où il était hier difficile de sortir, absence d'espoir dans les pays pauvres et mal gouvernés, rôle des média, prise de conscience que l'on peut changer le cours de sa vie par la migration internationale.
Mondialisation et régionalisation des flux
Cette lente mutation s'est effectuée en vingt ans, tandis que les migrations se sont globalisées, les mêmes causes (urbanisation et métropolisation du monde, pression démographique, chômage, information, transnationalisation des réseaux migratoires) produisant partout les mêmes effets (entrée en mobilité de populations hier sédentaires, bien que les plus pauvres ne soient pas encore partis).
Certains lieux sont particulièrement investis par les nouveaux flux, comme les îles de la méditerranée, les îles caraïbes, certains frontières aussi (en Thrace, entre la Grèce et la Turquie) car elles distinguent le monde de la libre circulation de celui des frontières fermées au plus grand nombre. Presque toutes les régions du monde sont concernées par les migrations, internes et internationales. Si les catégories de migrants et de pays sont devenues plus floues en se mondialisant, la mondialisation des migrations s'accompagne aussi et paradoxalement d'une régionalisation des flux migratoires.
A l'échelle mondiale, les migrations s'organisent géographiquement en systèmes migratoires complexes autour d'une même région où des complémentarités se construisent entre zones de départ et d'accueil. Celles-ci correspondent à des proximités géographiques, à des liens historiques, linguistiques et culturels, à des réseaux transnationaux construits par les migrants, à la rencontre de facteurs d'appel (« pull ») et de départ (« push ») de main d'œuvre qui forment un espace formel ou informel de circulation, accompagné ou non de facilités institutionnelles de passage.
Malgré l'existence de diverses formes de regroupements informels (« couples migratoires » où l'essentiel des migrants vient d'un même pays pour aller dans un seul autre pays, comme entre l'Algérie et la France.
Migrations diasporiques où un même groupe construit des liens avec plusieurs pays d'accueil, comme les Italiens, les Marocains ou les Turcs, ou encore saupoudrage de migrations mondialisées dans de nombreux pays comme les Indiens -30 millions- et les Chinois -50 millions- dans le monde), la régionalisation l'emporte dans la logique des flux. Ainsi dans une région du monde donnée, il y a plus de migrants venant d'une même région que d'autres régions du monde 1.
L'Europe, avec quelques 30 millions d'étrangers, fonctionne en synergie migratoire avec la rive sud de la méditerranée et l'Afrique sub-saharienne jusqu'à l'équateur, l'Afrique du sud absorbant l'essentiel des flux de l'Afrique australe. Hier les Européens étaient présents dans ces régions à des fins d'exploration, de colonisation, de missions et de commerce (les 3 « M » en Afrique, militaires, missionnaires et marchands). La migration indienne et pakistanaise irrigue également la région, tout en étant aussi mondialisée que la migration chinoise. Les pays du Golfe, riches et peu peuplés, attirent de leur côté une migration sud-sud provenant de la rive sud de la méditerranée (Egypte, Maghreb, corne de l'Afrique), du Pakistan et des Philippines.
De nouvelles situations migratoires
Cette régionalisation des flux migratoires se combine avec de nouvelles migrations transversales intercontinentales. Les plus récentes sont les migrations chinoises en Afrique : le Maghreb, l'Afrique sub-saharienne, riches en matières premières (pétrole, minéraux, pêche, bois) et demandeurs d'infrastructures (téléphone, internet, bâtiment et travaux publics) reçoivent une migration chinoise d'affaires et de main d'œuvre temporaire qui se fournit en ressources de la mer et du sous-sol.
D'autres migrations intercontinentales, de mineurs non accompagnés ou de jeunes à la recherche d'emploi ou d'asile viennent compléter ce paysage de plus en plus fragmenté : Afghans désireux de passer en Angleterre, prostituées d'Europe de l'est et des Balkans, avec une importante prise de risques.
Beaucoup de systèmes migratoires régionaux formés par la logique des flux entre pays de départ et d'arrivée sont entravés dans leur logique par les politiques de contrôles aux frontières.
Ainsi, l'Europe fonctionne en synergie migratoire par rapport à la rive sud de la méditerranée, pour des raisons géographiques mais aussi historiques, culturelles, économiques et démographiques, les Etats-Unis par rapport au Mexique, la Turquie et la Russie par rapport à leurs voisins. Des zones de fracture du monde se dessinent ainsi, qui sont à la fois des zones d'intense migration et de contrôles très dissuasifs.
Le cas européen, dominé par la gestion de ses frontières
L'Europe est une région migratoire dominée par le souci de la gestion de ses frontières, à l'est et au sud. Longtemps terre de départ vers le nouveau monde et les colonies, elle est devenue un continent d'immigration et, sans l'avoir voulu, l'une des premières destinations au monde, car l'inversion des flux entre le Nord et le Sud est très récente, datant d'à peine une quarantaine d'années.
L'Europe ne joue plus qu'un rôle très secondaire dans l'alimentation des flux migratoires du monde du fait de l'achèvement de sa transition démographique et de sa faible fécondité. Elle peine à définir ses politiques de flux et les modalités du vivre ensemble, sous le regard d'une opinion publique gagnée par le populisme et les défis de l'ethnicisation de la pauvreté.
Mais elle continue à attirer car, confrontée à la mondialisation des flux migratoires, l'Europe est un carrefour de liens : familiaux, économiques, géographiques, historiques, linguistiques, culturels avec les régions de départ et de transit. Pourtant, l'immigration continue à être regardée comme une donnée temporaire alors qu'elle est devenue constitutive de sa population et de son identité.
Le profil des migrants s'est beaucoup diversifié au cours de ces dernières années Ceux qui partent sont ceux qui disposent d'un réseau, de famille installée à l'étranger, d'un pécule quand le franchissement des frontières est impossible par les voies légales : s'il n'y a pas de réseau, point de migrations. La seule exception à cette mobilité transnationalisée est la migration forcée des réfugiés.
Ce sont moins la pression démographique (d'ailleurs en baisse, notamment au Maghreb) et la pauvreté qui poussent les gens hors de chez eux que l'attirance pour d'autres horizons, l'absence d'espoir sur place, le désir de se réaliser, la visibilité à travers les migrants de retour le temps des vacances d'une société de consommation et de liberté d'expression. Enfin et surtout, beaucoup de nouveaux migrants, de l'Est notamment mais aussi du Sud s'inscrivent dans une stratégie de co-présence, ici et là-bas, surtout quand leurs titres de séjour, l'absence de visas ou la double nationalité le leur permettent.
L'Europe continue à manifester une attitude frileuse face aux migrations. Tandis qu'elle est confrontée au double défi du vieillissement des Européens et des pénuries sectorielles de main d'œuvre, deux réalités mises en évidence par un rapport du département de la Population des Nations Unies sur les migrations de remplacement de mars 2000, suivi par un Livre Vert européen de 2005, l'Europe, depuis 1974, dans la plupart des pays européens de l'Ouest, avait suspendu l'accès de ses frontières à l'immigration salariée, un régime d'exception comparé aux autres régions d'immigration du monde.
Les effets pervers sont nombreux : entrées clandestines, sédentarisation des sans-papiers, esclavage moderne, détournement de la demande d'asile et du mariage à des fins de travail. Les secteurs qui manquent de main d'œuvre font appel à un volant d'immigration clandestine. Les politiques européennes, de même que celles des Etats, ont concentré leurs objectifs sur le contrôle des frontières, dans une vision sécuritaire habitée par le risque migratoire, le terrorisme, la criminalité organisée et la prévention des défis à « l'intégration ».
Ainsi, les politiques d'immigration sont en permanent décalage avec la réalité des flux. Ce décalage est aujourd'hui mis en lumière par les politiques d'entre ouverture des frontières. Les contradictions entre ces politiques largement communautarisées et la montée d'un néo-souverainisme autour de cette question dans les Etats européens cristallisent les positions chez les décideurs et dans l'opinion publique, encore peu acquise à l'idée que la mondialisation du phénomène migratoire trouve en Europe l'un de ses terrains d'élection.
La régionalisation des flux migratoires dans un contexte de mondialisation de ceux-ci est le résultat , non seulement d'une émergence des sud comme pôle d'attraction pour les nouvelles mobilités, mais aussi de l'élargissement des catégories de migrants, car si les plus pauvres ne sont pas encore partis, les migrants ne sont plus des analphabètes pris en charge comme main d'oeuvre par les pays du nord, comme jadis dans le cas des travailleurs immigrés, ni une élite de réfugiés ou d'intellectuels éduqués venus pour faire des études ou des affaires, mais le fruit du vaste mouvement d'urbanisation de la planète qui met en mouvement des catégories de migrants, forcés et volontaires, de plus en plus nombreuses.
Comme les plus pauvres vont moins loin dans leur odyssée migratoire que les plus déterminés et les plus nantis et comme de nouveaux pôles se sont dessinés ailleurs qu'au nord, on tend vers une régionalisation plus poussée des flux avec parfois des phénomènes de concurrence entre différentes régions et systèmes migratoires : tel est le cas des migrants d'Asie centrale, pris entre le monde russe et le monde turc comme pôles d'attraction ou des migrants du Maghreb, attirés par l'Europe et les pays du golfe, selon les liens qu'ils ont tissés.


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