Tunisie – Arrestation de six takfiristes recherchés    Tunisie – Les banques disposées à contribuer au financement d'initiatives éducatives    Affrontements entre milices armées à Ezzaouia en Libye    Tunisie – Siliana : La pluie et la grêle occasionnent des dégâts dans les plantations    Tunisie – Sfax : Quatre cadavres de migrants repêchés    Finale aller | Espérance de Tunis vs Al Ahly : Match nul 0-0    Tunisie – METEO : Pluies orageuses sur le nord    Sénégal : Vers une réforme monétaire et une éventuelle sortie du franc CFA    L'Europe et la Russie : une rupture annoncée pour des décennies, selon Lavrov    Anas Hmaidi : personne n'est à l'abri de la tyrannie du pouvoir    Soirée de Finale à Radès : les Onze de l'Espérance et d'Al Ahly dévoilés    Violents affrontements dans la ville de Zawiya dans l'ouest libyen    Match EST vs Al Ahly : où regarder la finale aller de la ligue des champions samedi 18 mai ?    Najla Abrougui (ISIE): la tenue de l'élection présidentielle ne devrait dépasser le 23 octobre 2024 selon les délais constitutionnels    Migration illégale : 23 disparus en mer, recherches intensifiées    Bassem Trifi : l'Etat et ses appareils ont dépassé toutes les limites    Henri d'Aragon, porte-parole de l'Ambassade de France en Tunisie: Allez l'Espérance !    USA : Un financement à hauteur de 35 millions de dollars pour soutenir le secteur des dattes en Tunisie    Le taux d'inflation annuel stable à 2,4% dans la zone euro    Tunisie Météo : pluies et hausse légère des températures    Kaïs Saïed : la réforme du système des chèques a pris beaucoup de temps !    Ligue des champions | Finale aller – EST-Al Ahly (Ce soir à Radès – 20h00) : Avec les meilleurs atouts en main !    DECES : Docteur Abdelfatteh MRABET    Ministère du Tourisme-Ministère de l'Emploi : Près de 2.700 offres d'emploi confirmées dans plusieurs régions    Projet d'interconnexion électrique «Elmed» Tunisie-Italie : Pour réduire la dépendance énergétique de la tunisie    Compter sur soi, ça rapporte    Justice : 12 prévenus renvoyés devant le tribunal    Maisons des jeunes : Nos jeunes méritent le meilleur    1ère édition des journées internationales du Médicament générique et du Biosimilaire : Pour un meilleur accès aux médicaments génériques    Vision+ : Chronique de la télé tunisienne : La télévision dans tous ses états    Galerie d'Art Mooja : Un nouveau souffle artistique à Mutuelleville    Dattes tunisiennes: 717,7 millions de dinars de recettes d'exportation à fin avril    Symposium international 'Comment va le monde? Penser la transition' à Beit al-Hikma    16 banques Tunisiennes soutiennent le budget de l'Etat avec un prêt de 570 millions de dinars    CA : 5 billets par supporter pour le derby tunisien    Rencontre avec les lauréats des prix Comar d'Or 2024    Hechmi Marzouk expose 'Genèse Sculpturale' à la galerie Saladin du 18 mai au 23 juin 2024    Exposition «punctum» de Faycel Mejri à la Galerie d'art Alexandre-Roubtzoff: L'art de capturer l'éphémère    Ce samedi, l'accès aux sites, monuments et musées sera gratuit    Raoua Tlili brille aux championnats du monde paralympiques    Le Mondial féminin 2027 attribué au Brésil    Industrie du cinéma : une affaire de tous les professionnels    Mokhtar Latiri: L'ingénieur et le photographe    La croissance n'est pas au rendez-vous    Palestine : la Tunisie s'oppose aux frontières de 1967 et à la solution à deux Etats    76e anniversaire de la Nakba : La Tunisie célèbre la résistance du peuple palestinien    Nakba 1948, Nakba 2024 : Amnesty International dénonce la répétition de l'histoire    Urgent : Une secousse sismique secoue le sud-ouest de la Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



« Je partirai...mais je resterai » de Nicole Coppey
1er festival du Land art de Tozeur
Publié dans Le Temps le 18 - 04 - 2013

Lors de mes premiers passages en Tunisie, il y a de cela plusieurs années, j'avais déjà ressenti quelque chose de très fort en mon cœur. Les Tunisiens m'ont tout de suite interpellée par leur intelligence, leur sensibilité, leur sens du respect... Indiscutablement, j'ai perçu en cela que j'allais y vivre des moments intenses.
J'ai connu Tozeur en 2012 grâce à Zouzi Chebbi Mohammed Hassen, poète philosophe vivant à Paris. Il est pour moi, quelqu'un d'important car ses visions sont souvent "multidimensionnelles", ce qui est très rare et cela me plaît énormément. Sa sensibilité est extrême et son ressenti intense. J'ai eu le bonheur de beaucoup partager avec lui: des concepts (Orient-Occident), des enregistrements (autour de poètes), des œuvres (c'est Zouzi qui traduit ma poésie). Il est donc un peu "moi". Comme excellent traducteur il s'imbibe, avec respect, de la vie intérieure de l'auteur. Il me connaît bien et traduit de manière très raffinée.
Invités l'année dernière au Festival des journées poétiques de Tozeur, organisées par l'Association Hippocampe de Nadia et Amara Ghrab et leur comité, nous avons encore intensifié nos échanges. J'ai eu la joie et le bonheur d'être introduite et même intégrée dans la Famille Chebbi. Quel honneur ! C'est touchant ! Très touchant ! Chebbi se rattache non seulement à la solide Famille de la Chebbia mais aussi au grand poète Chebbi. J'ai eu la joie de lire ses poèmes par les traductions de Zouzi et à la lecture, j'en ai été bouleversée, d'une part par la sensibilité, la sincérité, mais également par la dimension spirituelle et visionnaire de son œuvre.
Invitée dans le cadre du 1er Festival du Land Art en Tunisie comme poétesse mettant en mouvement et dessinant ma poésie en calligrammes, il m'a semblé important de créer une œuvre poétique qui ait un sens non seulement par son ancrage de la région mais aussi par sa dimension collective, mise dans l'espace avec la participation des jeunes de Tozeur. Cette réflexion est profonde: je ne voulais pas "m'imposer" mais créer avec leur participation et pour les autres. Cette œuvre pouvait alors devenir la leur et peut-être même leur servir. Une œuvre donc, non seulement collective, mais aussi basée sur la réflexion d'apporter un ancrage de joie et d'énergie, avec peut-être même la transmission d'un "porte-bonheur". Grâce à Ahmed Chebbi, l'équipe, solidaire et forte, s'est engagée pour l'"édifice". Quoi de plus beau que d'y mettre toutes nos énergies en commun vers un but prenant forme en interaction. Cela correspond vraiment à l'idée de bâtir, façonner ensemble, dans notre complémentarité, une œuvre universelle.
L'idée a été également de faire une passerelle avec le festival de poésie dans lequel j'avais été conviée en 2012. Aussi, je suis repartie d'un poème qui m'est cher "Je partirai". Dans ce poème, dessiné en forme de chameau (à deux bosses) mais avec l'élégance d'un dromadaire, la pensée se fonde sur la dualité du "Je partirai mais...je resterai...". Aussi, en souvenir d'un tournage poétique fait sur le Chott en 2012 dans lequel je m'étais "enfoncée", j'ai pensé mettre en forme cette réflexion de façon à avoir l'aspect horizontal (comme le dessin de ma poésie sur une feuille) complété par l'aspect vertical d'une œuvre dans un espace grandiose. Le chameau "s'enfonce" dans sa marche, laissant ainsi supposer le mystère de la vie et/ou de la mort. Dans la "confection" du chameau, nous avons désiré tous ensemble, doubler le volume des bosses et garder la grandeur du cou et de la tête à l'état initial. Cela développe ainsi la pensée sous plusieurs formes : en visionnant un dromadaire ou alors un chameau dromadaire. Le cou a également pris un autre mouvement de façon à développer la pensée dans d'autres sens. Dans cette création, faite totalement avec le sel du Chott El Jerid, les jeunes sont allés chercher bloc après bloc, avec un esprit généreux, heureux et engagés, afin d'y apporter, à tour, une pierre à l'édifice. J'ai été très interpellée par l'esprit d'initiative et les gentillesses mutuelles. Notre œuvre collective est donc devenue, avec les énergies des uns et des autres, “Je partirai mais....je resterai...Chameau dromadaire de Tozeur", ancrée dans le sel du Chott, dans l'eau, enfoncé, de façon à démontrer "Je partirai mais...je resterai...". Le fait de partir mais de rester développe aussi une autre présence. L'idée a été de penser plutôt à une autre présence plutôt qu'à une séparation... de développer ainsi une présence spirituelle. Le chameau dromadaire est accompagné d'un personnage dont l'aspect nous laisse supposer qu'il représente l'Orient alors que le chameau dromadaire a un œil occidental (bleu). Le "Chameau dromadaire de Tozeur" est en relation directe avec les éléments naturels (terre, sel, eau, ciel) dans un espace grandiose nous situant à l'infini (chacun de nous peut aussi percevoir l'espace différemment là où il se situe dans son chemin de vie). Il se déplace de l'est vers l'ouest, mais surtout la poésie écrite en français et en arabe (traduite par Zouzi) sur des cheches formant phylactères, génère simultanément les mouvements gauche-droite, et droite-gauche, renvoyant l'ouest vers l'est et inversement. Le poème, enfoui dans le sel ou jaillissant de la terre du lieu, n'est exprimé que partiellement, laissant entre les fragments de texte une zone libre à travers laquelle on peut lire et qui favorise une écoute du silence, l'audition intérieure, fondamentale pour le développement intérieur... si capital pour la compréhension des Autres, le recueillement, la méditation.
Un autre aspect de l'œuvre est de permettre l'écoute du vent et d'autres sons de la nature. Dans chaque bosse j'ai rassemblé avec moi tous ceux qui me sont chers. Le panneau présentant l'œuvre collective a été inscrit grâce aux jeunes qui ont pris l'initiative de le créer en toute spontanéité et générosité, à l'image de cette jeune fille qui n'a pas hésité à sortir son crayon de maquillage pour mettre en évidence le nom de l'œuvre. C'était très émouvant.
Cette œuvre participative, s'inscrit également dans son environnement naturel, avec force, énergie et valorisation. Grâce à l'énergie solaire il a été possible de diffuser l'enregistrement du poème "Je partirai" auquel j'ai ajouté un deuxième poème "Rose des sables", diffusé en effets stéréo dans des espaces encadrant l'œuvre collective. Il est aussi important pour moi de partager avec vous le fait que "Je partirai" et "Rose des sables" sont liés par un grand coup de gong ageng, ce que je souhaitais depuis longtemps réaliser sur le Chott, car ce gong indonésien est le plus grand, celui qui est utilisé dans le gamelan javanais par les sages (les personnes plus âgées, nous rappelant ainsi le respect des générations). Les Javanais disent que le gong ageng comprend tous les sons du monde. C'est un symbole de vibration mondiale qui me parle fortement. Et je termine en vous disant que le gong est suivi par un violon absolument génial, d'une dimension spirituelle très profonde et élévatoire. Grâce à tous les participants, nous avons donc pu créer sur le Chott le "Chameau dromadaire de Tozeur", œuvre au service de tout et tous, et d'autant plus si on y met une pensée philosophique et anthropologique...
Le lendemain matin le "Chameau dromadaire de Tozeur" était couvert de traces de pieds, ce qui m'a beaucoup réjouie... Des Japonais, paraît-il, y étaient passés pour faire des photos. Peut-être, avaient-ils acheté des souvenirs du Chott et de la région chez les petits marchands chaleureux qui attendent les touristes... Pour moi, l'Art est sincère, intègre et profond. Je tiens à remercier encore toute mon équipe, Ahmed Chebbi, Ghassen Chebbi, Abdelhamid Baira, Wael Mbarki, Aida Nizar, Amal Defallah pour ces merveilleux moments de partage. Merci également à tous ceux qui ont été touchés par l'esprit et le cœur de l'œuvre collective de “Je partirai mais...je resterai...Chameau dromadaire de Tozeur", visiteurs d'un jour, habitants des lieux, touristes de passages ou futurs mariés en photos avec le "Chameau dromadaire de Tozeur".
Nicole Coppey
(Artiste pluridisciplinaire vivant en Suisse)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.