Le land art est une tendance de l'art contemporain, qui utilise des matériaux issus de la nature comme le bois, la terre, le sable.... Exposées à l'extérieur, dans des paysages désertiques, les œuvres sont éphémères. Pour les artistes du Land art, les œuvres doivent être présentées dans la nature et sont considérées comme une véritable expérience humaine liée au monde réel. L'association Hippocampe art et citoyenneté a organisé du 29 mars jusqu'au 07 avril une manifestation culturelle de grande ampleur qui a enregistré la participation de plusieurs artistes plasticiens venus des quatre coins du monde (Suisse, Italie, France et Tunisie). Ce premier festival qui célèbre le land se veut comme une intervention artistique pour sensibiliser les habitants de la région du sud, notamment celle de Tozeur, aux trésors naturels de leur région et encourager la créativité artistique.. Pendant toute une semaine, les artistes ont pu réaliser dans la nature les meilleures œuvres construites avec des matériaux naturels de la régions : sel, branches de palmiers... La fondatrice de l'association, Nadia Ghrab, a affirmé que cette première édition du Land art qui s'est tenue dans la région de Tozeur avait pour but de promouvoir le tourisme culturel d'une part et d'instaurer un nouveau concept original par le biais de cet art, à savoir: «Nous travaillons uniquement dans la région de Tozeur parce qu'on est conscient de sa richesse culturelle et humaine. Nous essayons donc à partir de l'organisation de ce genre d'évènement à instaurer un tourisme culturel et environnemental solidaire pour mettre en valeur la richesse naturelle de la région. Ce festival se veut comme un lieu de rencontre annuel avec les habitants de la région. Fondée en septembre 2011, notre association cherche à créer chaque année un festival artistique d'une discipline différente. La première édition a été consacrée au théâtre, la seconde à la poésie et, cette année, on a choisi le Land art parce que c'est le moment ou jamais de faire sortir l'art de son corsage canonique traditionnel et de le faire entrer dans la vie des gens», nous a-t-elle déclaré. Plus de quinze artistes donc ont participé à cette première session du Land art avec des œuvres réalisées dans le lac salé (Chott Jrid) et le parc de plaisance Eden Parc. La spirale, une œuvre de Amara Ghrab, artiste plasticien tunisien, se veut comme un hommage à l'un des pionniers de ce courant artistique. Il s'agit de Robert Smithson qui, par le biais de sa spirale construite de sel, symbolise le mouvement, le temps et l'histoire cyclique, entre autres le renouvellement. Une idée philosophique dans sa profondeur qui s'ouvre pourtant sur l'avenir et l'espoir. «Cette œuvre représente en effet les deux hémisphères de la pensée universelle du monde, à savoir l'Occident et l'Orient à travers l'art et le beau; on forme un ensemble cohérent, une unité éternelle suivant une continuité pour aboutir à la fin à deux lignes parallèles qui se rencontrent à un moment précis dans le futur vers l'Orient. A côté de ces deux lignes, on peut remarquer la présence d'un arbre qui symbolise la fleur de la dignité, l'espoir, et qui renvoie donc à la révolution tunisienne», a-t-il révélé. Dans cette même optique, on peut citer l'œuvre de l'artiste française Brigitte Sillard, qui, par une lignée fabriquée par les mégalithes de sel, elle marque l'infinité. L'idée était de travailler sur la ligne droite et de traverser le Chott pour marquer l'espace. De l'éphémère à l'universel De l'autre côté du Chott, il y avait l'installation de la plasticienne Anne-lise King, qui a réalisé une œuvre intitulée «Visages du désert» consistant à dessiner un cadran solaire où figurent, à des heures précises, certains visages de personnes rencontrées dans la région : «Il s'agit d'un cadran solaire dans lequel se sont placées trois sculptures en fil de fer. Chacune d'entre elles représente un visage de Tozeurois à des heures précises de la journée. Des portraits que j'ai faits et dont j'essaye de reproduire en ombre. Faire une création dans le désert c'est comme une page blanche, où il n'y a que le soleil, le ciel et le sel». Juste à côté, il y avait le chameau de Nicole Coppy. En effet, ce chameau n'est que le travail en continuité de l'année dernière. Cette artiste-poétesse, musicienne et plasticienne qui participe pour la deuxième fois à cette manifestation, a choisi de produire une œuvre qui nous renseigne sur une idée philosophique. «Mon chameau avec ses aspects verticaux-horizontaux de gauche à droite, nous présente en effet toutes les perceptions de l'être humain. Pour réussir à créer une œuvre collective et universelle, il est très important de travailler avec les habitants de l'endroit. Mes œuvres qui s'inscrivent dans la même lignée sont universelles, le chameau dromadaire de Tozeur est issu d'un poème intitulé ‘'Je partirai'' : un jeu entre partir et rester, c'est déclamer la séparation et savoir la gérer par une autre présence spirituelle. Une œuvre ne peut exister, quand elle est universelle, que quand on peut la dire à différents niveaux. C'est pour cela que mon chameau dromadaire devient en réalité un jeu, une création hybride qu'on peut interpréter dans plusieurs lectures. Mes œuvres s'inscrivent dans la continuité, dans la progression». Dans un autre endroit, le parc d'Eden palm, d'autres installations ainsi que des ateliers de formation pour les enfants et les étudiants ont été prévus. Il y avait notamment les œuvres de Esma Khmir, Houda Ghorbel,Wadi Mhiri qui s'inscrivent dans la même lignée de l'art éphémère. Briser les limites de l'art et s'ouvrir sur l'espace était l'idée principale de ce projet. L'appel aux martiens est l'œuvre de Wadi Mhiri qui peut se lire dans différents sens. Elle se décline par le biais d'une clôture de palmiers verts pour encadrer l'espace et pour le rappel du savoir de la région. Dans cet espace, on trouve des plantes dans des espaces cramés, faites de charbon avec des gobelets en cendre qui représentent en effet l'état anarchique de la Tunisie malgré une certaine apparence rythmique de l'ordre. L'espoir quant à lui est bien présent dans l'œuvre par des petites tiges vertes implantées avec une allée en vert qui traverse la noirceur. L'idée était de présenter le flou de l'avenir. Quant à Esma Khmir (artiste et animatrice d'un atelier pour enfants), elle a choisi de travailler sur les signes. La manifestation a enregistré la participation d'autres artistes comme Sadika Keskes avec ses cubes en verre soufflé, ou encore Houda Ghorbel et l'artiste italien avec ses graffitis, Teo Pirisi. Le festival, dans sa première session, était une magnifique expérience humaine et artistique, un véritable lieu de rencontre, d'échange et de partage.