Nombreuses sont les affaires foncières que les tribunaux traitent en Tunisie. Des affaires qui ne cessent de défrayer la chronique : des pratiques de spoliation des terres domaniales, de la double vente, problème de la propriété virtuelle, ou encore de l'arnaque. On remet souvent en cause ces pratiques. Et on critique surtout la loi foncière tunisienne. Une loi caduque qui traine dans son sillage quelques textes qui remontent à 1885. On rappelle à cet égard que le législateur tunisien a adopté le système français à partir de 1965. Depuis quelques nouveautés ont été introduites mais, depuis 1992 la loi a stagné et nous sommes passés par une période « stagnation juridique » causant ainsi plusieurs entraves au développement économique du pays. Frein à l'investissement Les spécialistes identifient quatre freins à l'investissement. Ils citent en premier lieu, la complexité du régime juridique de la propriété. Ils évoquent ainsi la lenteur constatée dans le but de régler la situation foncière de plusieurs terres spécialement les terres collectives gérées par la loi 64. Ils optent ainsi pour une réglementation plus favorable pour encourager les investisseurs étrangers qui devraient avoir des autorisations préalables de la propriété, histoire de dire que les investisseurs trouvent souvent des difficultés considérables dans l'acquisition des terrains. Autres difficultés à citer, celle des terres dites « Habous », dont la liquidation administrative n'a pas réussi. Ces terres sont encore peu ou mal exploitées. Encore un frein au développement. Les expertes citent encore comme deuxième handicap au développement économique du pays, les titres gelés caractérisés par une non-conformité entre l'Etat juridique et l'état du fait de terres. Cette situation est assez répandue en Tunisie. Pour y remédier on recommande ainsi la mise à jour des titres fonciers pour finalement éviter toutes entraves aux opérations commerciales et économiques qui touchent à ces titres. A cet égard, il convient de rappeler qu'en 1992 la Tunisie s'est engagée dans un programme de liquidation des titres gelés. Programme qui a connu un échec à cause du manque du moyen du tribunal foncier qui a subi pour des années un harcèlement de l'administration après avoir annoncé des verdicts contre le ministère des Domaines de l'Etat qui à travers le droit à l'appel a bloqué ce processus. Il s'agit ici d'une « dictature foncière » de l'Etat car ce droit d'appel ne s'octroie que dans les cas de litiges et non dans le cas d'un programme de liquidation. Les spécialistes notent, dans le même ordre d'idées, la profusion des intervenants dans ce processus de liquidation qui englobe à la fois le pouvoir administratif ( au moins trois ministères) et le pouvoir judiciaire qui se trouve à chaque fois en confrontation avec l'administration qui refuse l'application de ses décisions. On accuse également l'abus des agences foncières qui détiennent toujours le pouvoir d'expropriation des décrets d'interventions ce qui impose une limitation de la propriété. En effet, ces agences pourraient geler l'utilisation des zones déjà sélectionnées dites d'intervention jusqu'à 6 ans. Période durant laquelle, le propriétaire d'une terre sélectionnées par l'une de ces agences, ne peut rien faire sans autorisation des dites agences. A cela s'ajoute l'absence d'un vrai recensement des terres agricoles de plus en plus victimes du phénomène de morcellement et changement de vocation par détournement de la loi. Tout simplement, le système foncier tunisien représente un chantier assez vaste. Le ministère de tutelle devrait rompre avec la paresse et s'activer. Chiffres Les domaines public et privé de l'Etat s'étendent sur une superficie de 820 000 ha Les terres agricoles domaniales appartiennent au domaine privé de l'Etat. Elles représentent une superficie d'environ 500 000 h Les terres privées occupent 4,7 M d'ha On compte aujourd'hui environ 100.000 ha de terres Habous ZOOM Les ressources en terre agricole La superficie des terres à vocation agricole est estimée à 10 millions Ha, répartie entre : o Terres labourables : 5 millions Ha ; o Parcours naturels : 4 millions Ha ; o Forêts et garrigues : 1 millions Ha. La taille moyenne des exploitations est de 10 Ha (75% des exploitations ont une taille moins de 10 Ha): o 471.000 exploitations en 1995 (11 Ha en moyenne par exploitation). o 516.000 exploitants en 2005 (10,2 Ha en moyenne par exploitation). Spoliation des terres domaniales : la pratique Durant les deux dernières décennies, plusieurs terrains ont été acquis par des particuliers d'une manière assez répandue. Le principe consiste en le changement de la vocation de plusieurs terrains du domaine public vers le domaine privé de l'Etat. Ces terrains sont réputés par leur grande valeur marchande. Depuis, ces terrains sont aménagés et vendus, à des prix dérisoire, généralement au dinar symbolique à des personnes favorisées. Cette pratique persiste encore, au moins vis-à-vis de la loi. Ces terrains sont par la suite revendus, à des prix élevés, enregistrant ainsi une plus value de l'ordre de quelques millions de dinars.