En palmant le film d'Abdellatif Kechiche, le jury présidé par Steven Spielberg n'a pas distingué «un film sur l'homosexualité», mais une magnifique histoire d'amour entre deux femmes, superbement filmée et interprétée. La récompense d'un cinéma qui fait exploser les vieux carcans et les clichés réactionnaires. Ce dimanche 26 mai, des dizaines et des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Paris contre la loi autorisant le mariage des couples de même sexe. Elles ont défilé pour refuser l'égalité de droits entre des citoyens. Pendant ce temps-là, à Cannes, le jury de la 66e édition du Festival, présidé par le réalisateur américain Steven Spielberg, palmait La Vie d'Adèle, d'Abdellatif Kechiche. Il l'a primé pour la réalisation, pour la mise en scène, pour la performance exceptionnelle des actrices (associées, fait exceptionnel, à l'annonce de la Palme). Et non pas pour le thème, qui n'a pas été mentionné lors de la récompense. Le jury a même refusé de se concentrer là-dessus, Steven Spielberg y voyant «une très belle histoire, un amour magnifique auquel tout le monde peut s'identifier, peu importe la sexualité». «Peu importe que ce soit un film gay ou pas» a ajouté Cristian Mungiu, réalisateur d'Au-delà des collines et membre du jury. Un discours qui fait écho à celui d'Abdellatif Kechiche, qui a expliqué avoir voulu raconter une histoire d'amour —qui se déroule entre deux femmes. «Je n'ai pas eu envie de faire un film militant ou avec un discours sur un thème précis, ici en l'occurrence l'homosexualité», a expliqué le réalisateur dans plusieurs interviews. Il a voulu «raconter l'histoire d'un couple, du couple»: «La problématique de l'homosexualité, je ne voyais pas pour quelles raisons je l'aborderais spécialement, car la meilleure façon, si je devais avoir un discours sur ce sujet, ce serait de ne pas en avoir, de filmer cela comme n'importe quelle histoire d'amour.» C'est l'une des grandes réussites de ce film, quant au message qu'il porte. Il normalise l'homosexualité. Ce n'est pas un film sur l'homophobie. Ce n'est pas un film sur la différence. C'est un film d'amour.