Avant-hier, les Tunisois se sont réjouis de l'absence quasi-totale des étals anarchiques dans les principales artères du centre-ville. En effet, ça leur arrive aux commerçants du marché parallèle d'observer une journée de repos ; des fois ils le font mardi, des fois ça tombe un mercredi. A moins qu'il ne s'agisse d'une campagne « fugace » et « poudre aux yeux » de la police municipale –comme il y en a toujours-, donc sans réelle efficacité. Ce qui veut dire que nos vendeurs à l'étal ne tarderont pas à revenir embouteiller les trottoirs, les chaussées et les grandes places du centre de Tunis. A l'intérieur du pays, le paysage urbain est considérablement défiguré par ces marchands plutôt inciviques et aux activités trop bruyantes et très salissantes. La solution au marché informel n'est pas l'affaire d'un jour, ni une question de mesures circonstancielles tape-à-l'œil. C'est un problème extrêmement complexe qui n'induit pas que des facteurs économiques et sociaux. En plus de ses ramifications politiques, il ouvre dangereusement sur des « affaires » de type mafieux dont on ne veut pas vraiment déranger les nombreux bénéficiaires. Pour tout dire, il ne faut pas trop crier victoire en constatant le répit que nous accordent de temps à autre les vendeurs à l'étal et leurs traqueurs de la police municipale. La trêve de mercredi dernier, ce n'était finalement qu'un… au revoir ! Eaux troubles Du côté d'Ezzahra, dans la banlieue sud de Tunis, se prépare pour ce samedi 22 juin, une marche silencieuse des habitants de la cité pour protester contre l'abandon où est laissée sa plage et l'incurie des autorités municipales face à la pollution aggravée du littoral local. En effet, aujourd'hui les plages d'Ezzahra sont formellement déconseillées par le Ministère de la Santé qui les a mises sur la liste noire des côtes tunisiennes dangereuses pour l'hygiène des baigneurs. Il doit y en avoir beaucoup de ces plages condamnées, à l'échelle du pays. Mais on se contente de prévenir contre les plus impropres à la nage. Qui voulez-vous qu'il s'en occupe. Les « délégations spécifiques » se soucient manifestement peu des plages, à dessein peut-être ou par manque de moyens. Elles se mobilisent apparemment davantage pour le positionnement politique du ou des partis qu'elles représentent et soutiennent. Quant à la propreté, à la sécurité, à l'embellissement des cités, ce ne sont pas là les plus urgentes de leurs priorités. En d'autres termes, il y aurait une pollution plus grave que celle des plages à combattre et à endiguer. Joute de dépotoirs La Tunisie souffre en effet de pollution politique. Sur ce plan, la cote d'alerte est sûrement atteinte ou même largement dépassée. Il y a trop d'étals anarchiques dans ce paysage impropre à la circulation et dans cet air impropre à la respiration. Les grands partis (au pouvoir ou dans l'opposition) tout comme les petits mettent quotidiennement à contribution leurs dons de pollueurs professionnels : ils ont trop corné à nos oreilles leurs programmes électoraux mensongers, leurs tracts ont trop longtemps jonché nos rues et nos quartiers, leurs violences diverses ont répandu l'insécurité partout, leurs « argent sale » s'échange allègrement à notre vu ou à notre insu, leurs tribunes se transforment en tournois de diatribe et de médisance ; en bref, nos partis politiques sont des sortes de dépotoirs plus ou moins imposants. Même à l'intérieur d'une même formation ou coalition, on s'arrange par tous les moyens pour envenimer l'atmosphère. Oui, il s'agit d'atmosphère polluée guère propice au soi-disant « dialogue national », ni au « consensus », ni à « l'entente », ni au « salut». En définitive, nous n'aurons aux prochaines élections, que le choix entre les plus et les moins pollueurs. Allez parler de plages après ça ou d'étals anarchiques. La vraie pollution, la vraie anarchie sont d'abord politiques !