Sahbi Atig a-t-il parlé en son nom propre ou au nom d'Ennahdha ? Question puérile diront nos lecteurs. Mais laquelle des Ennahdha ? Ce monsieur, un tribun récupérateur, un illuminé même, a tout bonnement menacé (au nom de son parti), de mettre la Tunisie à feu et à sang si jamais le scénario égyptien est réédité chez nous. Le leitmotiv ? La légitimité égyptienne et la glorification de Morsi. Par ricochet, Sahbi Atig rappelait aux manifestants Nahdhaouis qu'ils sont légitimes – ce qui est vrai avec le verdict des urnes du 23 octobre – et que cette légitimité ne saurait être remise en cause. Jusque là, c'est logique et c'est cohérent. Mais, que peut-il survenir en Tunisie qui ait des similitudes avec l'Egypte ? Les posters de Morsi, brandis tout le long de la manifestation, ne représentent-ils pas, dans leur symbolique et dans l'effusion sentimentale démesurée et contre-nature, une insulte à la Révolution tunisienne ? Au demeurant, si l'on devait s'en arrêter à la fureur iconoclaste de Sahbi Atig, Ennahdha serait un appareil à broyer la démocratie, celle-là même dont elle prétend être, aujourd'hui, l'émanation. Du coup, nous serions mieux édifiés si l'on comprenait les motivations sous-jacentes d'Ennahdha derrière cette menace dans les règles. Devrions-nous comprendre qu'Ennahdha instrumentalise le « coup d'Etat » donné pour « légitime » en Egypte, pour passer au plan « B », au cas où les urnes ne la donneraient pas pour vainqueur aux prochaines élections ? Nous savons que son métabolisme cacique, politique et logistique, est suspendu au mouvement de lèvres de son leader Rached Ghannouchi. Sous cet angle, Sahbi Atig ne serait qu'un tribun excellant dans l'art du mimétisme parce qu'il est la voix de son maître. A ce point, après avoir avalisé et « légitimé » les Salafistes et les Ligues de protection de la Révolution, Rached Ghannouchi serait disposé à laisser la mouvance de l'aile dure de son parti mettre le pays à « feu et à sang » ? Et à la fin des fins, ne rejoint-il pas pour ainsi dire l'opposition dans l'instrumentalisation de la crise égyptienne – c'en est effectivement une, même si le nombrilisme des descendants du Pharaon la transposent dans les esprits comme « la deuxième révolution » ? Maintenant, essayons de deviner ce qu'en penserait Ali Laârayedh, l'homme qui a la charge des prochaines élections et de la sécurité du pays. Peut-il rester indifférent quand les tribuns de son parti menacent de mettre le pays à feu et à sang ? N'est-ce pas son devoir d'homme d'Etat que de se désolidariser des illuminations d'un leader de parti se prenant, déjà, pour l'architecte d'un 6ème Califat. Un Califat construit, justement, à « feu et à sang ? ».