Les déclarations de Sahbi Atig au sit-in d'Ennahdha, organisé samedi pour soutenir le président égyptien déchu, ont provoqué immédiatement une forte levée de boucliers. Les condamnations des politiques et des militants de la société civile fusent, depuis, pour être massivement relayées par les médias. Certains parlent même d'une possible traduction en justice du président du groupe parlementaire islamiste au pouvoir. Des intellectuels font circuler sur les réseaux sociaux une pétition. Le fait est que face à quelques dizaines de ses partisans, quelques centaines, pour être généreux, dans un rassemblement annoncé «Malyounia», littéralement un million de personnes, Sahbi Atig, à une heure où le soleil tape fort, semble avoir perdu la voix et, avec, le sens de la mesure. Il menace tout de go ceux qui s'insurgent contre la légalité par ce vocable violent : «Sayousstabahou» dans les rues de Tunis. Ce qui signifie littéralement : ils seront livrés à la vindicte populaire, ce qui peut englober le viol, le meurtre et le lynchage. C'est ce que le terme véhicule dans sa charge sémantique. A ce niveau, beaucoup de questions se posent aux dirigeants d'Ennahdha : puisque vous êtes le parti numéro un, que vous êtes légitimes, que vous êtes majoritaires et en tout prioritaires. Puisque la légalité est de votre côté, et Dieu est avec vous. De quoi avez-vous peur ? Pourquoi un rassemblement organisé à la va-vite ? Pourquoi ce langage sanglant et ces appels au meurtre ? Visiblement, les dirigeants du parti islamiste ont peur, pour être déstabilisés à ce point et le montrer. La question qui se pose maintenant : de quoi ? Vous avez gouverné en respect total des slogans de la révolution. Ecrit une constitution pour tous les Tunisiens. Vous n'avez pas placé vos hommes dans les administrations. Vous n'avez pas lâché vos milices dans les meetings politiques et sur les personnalités publiques. Vous n'avez pas invité des prédicateurs pour insulter les Tunisiens chez eux. En votre temps, la justice est indépendante et l'économie florissante. En votre temps, la sécurité du pays est assurée, le terrorisme éradiqué. En votre temps, les fêtes nationales sont honorées en grande pompe, et la mémoire du peuple glorifiée. Les Tunisiens sont fiers d'être tunisiens. De quoi avez-vous peur ? D'un mouvement pubère au nom de «Tamarrod» qui a eu raison des « Frères », dans leur pays d'origine ? Il n'y aura pas de duplication du scénario égyptien, ne cessent-ils de répliquer. La situation de la Tunisie est différente. Nous n'avons pas gouverné seuls, nous avons fait des concessions, et fait de notre mieux dans une conjoncture difficile, n'ont-ils de cesse de répéter encore. Mais, entre l'avis et son contraire, le peuple tunisien dira son mot par les urnes. Et non pas par le verbe menaçant, le fer et le sang. Et, entre adopter les pratiques démocratiques ou seulement les afficher. Toute la question est là.