Les deux grandes pointures de la musique tunisienne Lotfi Bouchnak et Zied Gharsa ont réalisé une performance époustouflante lors de la soirée d'ouverture de la 31ème édition du festival de la médina. Un choix remarquable à mettre sur le compte du comité directeur de ce prestigieux festival qui a donné le ton avec le concert d'un duo de calibre. Le public debout a fait une standing ovation à ces deux maitres qui ont chanté et enchanté. L'ambassadeur des Etats Unis en Tunisie et Abdelfatah Mourou étaient parmi les invités de marque qui s'étaient déplacés à cette soirée à laquelle le public assistait en grand nombre. Après une « wasla » interprétée par une troupe enthousiaste à sa tête le luthiste Abdelhamid Belgaied, Lotfi Bouchnak et Zied Gharsa ont fait une entrée en scène sous les applaudissements tonitruants des spectateurs. Du tarab et rien que du tarab en ce début de concert avec un enchainement de « mawawil » à couper le souffle. C'est sous le signe d'une immense complicité que le spectacle se poursuivit. Sans cette valeur-ajoutée, le concert aurait pu être sacrifié sur l'autel de la monotonie. La complicité a donné une ferveur supplémentaire à l'interprétation. Entre deux chansons, les artistes se donnaient l'accolade et se gratifiaient de belles paroles. La suite sera marquée par la présentation de chansons engagées politiquement dont la fameuse « El Karassi » de Lotfi Bouchnak où à la fin de la chanson, les deux interprètes renversent les chaises sur la scène et continuent à chanter debout. Pas de répit pour le duo qui continue à donner du plaisir au public avec des tubes connus dont un vibrant hommage à Hédi Jouini et à Ali Riahi revu et corrigé par leurs soins. Le duo fait même participer le public en lui demandant de chanter à son tour. Un vrai ravissement saisit la salle comble. Le chant classique avait sa place toute entière et les mélomanes avaient adhéré à cette joute. Une communion totale où tout un chacun trouva son compte et son bonheur. Le classique leur va si bien à ces deux artistes grâce à leur voix de ténor capable de surmonter les difficultés les plus ardues et de changer de registre et de style sans subir le moindre accroc. Survivre. Voici le fin mot de l'histoire à une époque où tout devient marchandising. Pour ne pas tomber dans l'oubli nos artistes sont tenus d'exceller. Ils se solidarisent pour sauver leur chant rattrapé par des valeurs musicales artificielles. Alors raviver les souvenirs d'une époque où le tarab faisait bonne figure et les chansons du patrimoine appréciées par nos ainés restaure la mémoire et lui donne un regain de vivacité et de vitalité. Deux qualités traversées par une vague d'émotions et de nostalgie. Qui a dit que nos vedettes ne sont pas capables d'enthousiasmer les foules. Il faut juste avoir confiance en leur capacité. C'est ce que le festival de la médina a fait. Et c'est tout son mérite.