Après de longues tractations et conciliabules entre le ministère de la Justice et l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), la loi fut adoptée, l'Instance provisoire de la magistrature voit finalement le jour. Les représentants des magistrats ont été élus ainsi que les représentants des non magistrats. L'instance en question a pu finalement tenir sa première réunion, vendredi dernier. L'Observatoire Tunisien de l'Indépendance de la Magistrature (OTIM) dirigé par la magistrat Ahmed Rahmouni, rappelle que la réunion s'est déroulée au siège de la Cour de Cassation sur invitation de Brahim Mejri premier président de cette Cour. Sur les 19 membres de l'Instance provisoire de la Magistrature, 18 étaient présents. Un seul membre parmi les non magistrats s'est absenté. Cette première réunion a été consacrée à la répartition des tâches au sein de l'Instance et à la formation de commissions spécialisées. Cette réunion a été tenue à la hâte au siège d'un tribunal, pour manque de local mis à sa disposition par le pouvoir exécutif qui tarde encore à doter la nouvelle instance d'un local où elle puisse siéger. « C'est une attitude négative vis-à-vis d'une instance qui vient de naître pour représenter le pouvoir judiciaire », affirme Ahmed Rahmouni. Cela rappelle les pratiques de l'ancien régime qui n'a jamais permis l'existence d'un local spécial pour l'Institut supérieur de la magistrature. Les conditions exceptionnelles de tenues de la réunion s'expliquent par l'urgence de l'organisation du mouvement des magistrats, les nominations, promotions, mutations…Les délais habituels pour annoncer le mouvement des magistrats ont été largement dépassés. D'ailleurs, le président de l'Instance provisoire de la magistrature avait pris l'initiative avant la tenue du congrès électif et avant la formation de l'instance, d'annoncer la liste des postes fonctionnels vacants de la même manière pratiquée par l'ancien Conseil Supérieur de la Magistrature dissout. L'annonce a concerné la liste des postes vacants dans l'administration centrale du ministère de la Justice et les différents tribunaux à l'exception de la Cour Foncière et ses annexes régionales. La date limite fixée aux magistrats pour formuler leurs demandes a été fixée à la fin du mois de juillet courant. L'instance provisoire de la magistrature a procédé à un vote interne pour répartir les responsabilités entre ses différents membres. Il s'agit des postes de vice-président, rapporteur et porte-parole officiel. Pour le poste de vice-président, un des magistrats désignés, le procureur général de la République auprès de la Cour de Cassation Ridha Ben Amor, a présenté sa candidature. Un des magistrats élus de troisième rang Khaled Ayari, premier président de la Cour d'Appel du Kef, a lui aussi présenté sa candidature. Le vote secret a favorisé le premier par onze voix contre huit pour son concurrent. L'Observatoire Tunisien de l'Indépendance de la Magistrature (OTIM) avait déjà attiré l'attention le 6 mai 2013, à la suite de la nomination de M. Ridha Ben Amor dans la fonction de Procureur général de la République auprès de la Cour de Cassation, à « la monopolisation des nominations par le pouvoir politique sans consultations », avec l'intention de « promouvoir des magistrats favorables au pouvoir, ce qui permet de mettre la main sur l'Instance provisoire de la magistrature avant sa création et permettre au pouvoir exécutif d'être présent directement au sein de l'instance qui supervisera la magistrature ». Pour les autres fonctions, elles ont été accordées à des magistrats élus Leyla Ezzine, rapporteur de l'instance et Wassila Kaâbi, porte-parole. Elles sont toutes les deux des conseillères à la Cour de Cassation. Par ailleurs l'instance a adopté la création de trois commissions spécialisées, la première chargée de la préparation matérielle du mouvement des magistrats. Elle mettra sur pied un projet de mouvement des magistrats, étudiera les demandes de désignation, de promotion et de mutations. La deuxième commission sera chargée de l'installation de l'Instance provisoire de la magistrature. Elle s'attachera à aplanir les difficultés rencontrées dans les moyens de travail matériels et humains. La troisième commission est celle du Règlement intérieur. Elle préparera un projet qui organise le travail de l'Instance et ses différentes structures. Les remarques de l'OTIM sont édifiantes. L'Instance n'a pas tenu lors de sa première réunion à dresser un plan d'action, ni à définir ses besoins conformément à sa mission, ni la nature de ses rapports avec la présidence du Gouvernement, le ministère de la Justice, l'Institut Supérieur de la Magistrature… Le ministère de la Justice avait refusé de transmettre les dossiers personnels des magistrats et les données concernant leurs situations professionnelles. Il a demandé que ces dossiers soient consultés sur place au ministère. Par ailleurs, la reconnaissance de l'indépendance financière de l'Instance, suppose qu'elle puisse bénéficier d'un budget spécial consacrant son indépendance et couvrant ses dépenses et tous ses besoins. Un projet de budget doit être préparé en collaboration avec le ministère des Finances. Il faut attendre l'élaboration du Règlement intérieur de l'Instance qui définira les droits et les obligations de ses membres.