La tournure que prend la transition démocratique en Tunisie ne rassure guère depuis quelques semaines. Entre assassinat politique (le second en six mois depuis les élections), attentats terroristes contre l'armée, des histoires de bombes artisanales déposées par-ci et par-là, le terme «sécurité» devient puéril. Parallèlement au sit-in du «Départ» tenu à la Place du Bardo depuis le 26 juillet 2013, les attaques contre l'armée se sont multipliées rajoutant à cette hideuse étoile de fond le spectre macabre jamais connu en Tunisie : le terrorisme. Une menace, désormais, patente, qui a fait l'objet d'une grande marche organisée par les femmes tunisiennes samedi 4 aout de Bouchoucha jusqu'au Bardo et a été le sujet d'une session plénière hier 6 aout 2013 au sein de l'ANC. Alors que la séance plénière battait son plein, une conférence de presse a été tenue à l'extérieur par les élus démissionnaires. En présence d'à peine 135 élus, une assemblée générale a eu lieu hier au cœur de l'hémicycle déserté depuis un moment suite aux troubles qui ébranlent le processus transitoire. La séance a commencé par la Fatiha et des versets de Coran en hommage aux soldats tués et à l'élu Mohamed Brahmi assassiné par 14 balles le jour du 56ème anniversaire de la République. L'ambiance était lourde, tendue et assez particulière. Surtout qu'à la place dudit élu, on a veillé à déposer son portrait, des roses et le drapeau tunisien. Etaient présents à cette session plénière plusieurs hauts responsables du gouvernement provisoire, à l'instar du Chef du gouvernement, du ministre de la Défense, celui de l'Intérieur, ministre des Affaires religieuses, ministre de l'Enseignement supérieur, celui de la Justice, le ministre du Commerce ou encore celui de la Santé publique. La séance a commencé à son accoutumée avec du retard, soit une heure après le rendez-vous prévu. Présidant la session, Mustapha Ben Jaâfar cède la parole à un Imam installé sur l'estrade. Après la récitation de la Fatiha en hommage à Feu Mohamed Brahmi et aux soldats, l'hymne national a été scandé. La séance plénière comportait deux thèmes. Le premier a été consacré à la commémoration dudit élu assassiné. La seconde a été l'occasion pour questionner le gouvernement provisoire actuel sur le cours dangereux qu'ont pris les événements depuis le 25 juillet 2013. Lutte contre le terrorisme Après avoir rendu un vif hommage au député assassiné Mohamed Brahmi, dans lequel il a rappelé la carrière politique et le militantisme du défunt, le Chef du gouvernement provisoire, Ali Laarayedh a tenu à rappeler tous les efforts déployés pour lutter contre le fléau du terrorisme et que ce dernier ne doit en aucun cas devenir un moyen de pression ou d'opportunisme politique entre les partis. Il a, notamment, appelé à une union nationale entre les responsables politiques de Droite ou de Gauche afin de vaincre toute tentative terroriste contre l'Etat tunisien et les citoyens. Dans le même contexte, il a rappelé que la loi de lutte contre le terrorisme est toujours applicable mais doit être juste revue, en attendant sa réforme. Par la même occasion, le Chef du gouvernement provisoire a assuré qu'à peine 100 mosquées sur 5 mille sont hors du contrôle du ministère des Affaires religieuses, rappelant que durant l'année 2011, on en comptait 2 mille qui n'étaient pas contrôlé par ledit ministère. Le ministre de l'Intérieur n'exclue pas l'hypothèse qui soutient que certaines forces étrangères soient derrière les assassinats politiques et ceux commis contre l'armée. Il a également soutenu que la majorité des suspects arrêtés appartiennent au groupement d'Ansar Chariâa. Il a achevé son discours en insistant sur l'urgence d'un dialogue national consensuel entre les responsables politiques pour sauver le pays et sortir de cette crise tenant à rappeler que le gouvernement est prêt à ce dialogue. De son côté, le ministre de l'Intérieur a donné des chiffres et a soutenu que cette suite de crimes organisés relative à la dernière période est semblable à celle enregistrée entre 2009/2010. Il a rappelé que l'assassinat politique a semé la zizanie et le trouble au sein des agents de l'ordre mais qu'ils veillent au sein du ministère à améliorer le dispositif sécuritaire. D'ailleurs, comme il l'a expliqué : les forces de l'ordre travaillent d'arrache-pied et ont déjà fait avorter plusieurs tentatives de crimes et d'attentats. Quant à la problématique du Chaâmbi, le ministre de l'Intérieur a tenu à démentir ce qui circule comme informations parlant d'incompétences dudit ministère face aux attaques terroristes durant les opérations de ratissage. La preuve en est : «arrestation de 46 personnes». Au final, il a insisté sur la nécessité d'un dialogue national pour faire sortir la Tunisie de cette crise. Quant au ministre de la Défense, Rachid Sabbagh, il a déclaré que l'armée manque réellement de moyens de défense à l'instar d'hélicoptères d'attaque et ne possède que d'hélicoptères de transport. Il a rajouté que pour mieux maîtriser la situation à Chaâmbi, ils ont décidé de retirer des unités militaires des frontières et de les placer du côté du mont en question dans les frontières avoisinantes. Rachid Sabbagh a également mis en exergue la collaboration entre l'armée algérienne et la Tunisie en matière d'éradication contre le terrorisme dans la région. L'Algérie a mis sur ses frontières, selon le ministre de la Défense 7 mille soldats sur les frontières surtout côté sud tunisien et Mont Chaâmbi. Appel à la poursuite des travaux de l'ANC Se joignant aux vœux exprimés par l'éventail gouvernemental, certains élus ont exprimé leurs vœux progouvernementaux soutenant le travail du gouvernement actuel. Nous citerons l'allocution de l'élu Sahbi Atig qui a appelé les élus démissionnaires de l'ANC à reprendre leurs postes, à travailler ensemble dans une ambiance consensuelle et à achever le peu qui reste des travaux de l'Assemblée constituante. Il a, également, annoncé que le parti Ennahdha est ouvert au dialogue du moment où il n'y pas de conditions. De son côté, il a soutenu, notamment, que tous ceux qui appellent à la dissolution du gouvernement et ses institutions auraient, en réalité, peu du résultat des urnes lors des prochaines élections. Azad Badi, élu du CPR, a, quant à lui, tenu à dire que les travaux de l'ANC se poursuivront même en l'absence des élus démissionnaires et qu'aucune partie n'a le droit de contester la légalité de la séance plénière. Il a sollicité les personnes qui mettent en doute cela à revoir le règlement intérieur, à respecter la loi réglementaire des pouvoirs qui représente la Constitution durant cette étape et à ne jamais appeler à la dissolution des institutions de l'Etat. Sa déclaration a été jointe par son homologue du même parti Béchir Nefzi qui a insisté, à son tour, sur la poursuite des travaux de l'Assemblée qui a été élue par le peuple. Ce dernier a parlé de consensus rajoutant qu'il est nécessaire de continuer le travail parlementaire afin de réaliser les objectifs de la révolution. Critiquant la position prise par les élus démissionnaires, l'élu Taher Hmila sort de ses gants et déclare : «Si la police agresse un élu, c'est qu'il le mérite, parce sa place n'est pas dans la rue mais au sein de l'Assemblée.», rajoutant pourtant que cette dernière est devenue un vrai fardeau qui s'est transformé d'une assemblée à un parlement. La séance était bien pimentée entre des déclarations acerbes et d'autres progouvernementales. La surprise de la journée était la présence de l'élue Mouna Ben Nasr, dont le parti Al Moubadara a pourtant retiré tous ses élus de l'ANC. Cette dernière en pleurs et applaudie par les membres présents à la séance plénière, a déclaré lors de son allocution que son engagement envers sa patrie était plus fort et explique sa présence lors de cette session. Elle a, également, appelé le président de l'ANC et du Chef du gouvernement de fixer la date des élections et de l'annoncer publiquement et officiellement. Cerise sur le gâteau, sa présence lui a valu l'expulsion de son parti. De son côté, l'élu Romdhane Daghmani a appelé le ministère de la Défense à donner la vérité entière et tous les détails confidentiels aux élus et qui sont relatifs aux événements de Chaâmbi. En outre, il a demandé au ministre de l'Intérieur de divulguer les procédures que ledit ministère compte prendre pour éviter les éventuels assassinats politiques à l'avenir. Quant à l'élu Mohamed Mondher Ben Rahal, il a appelé tous les responsables politiques à l'union nationale, ainsi que le gouvernement à faire véhiculer un message rassurant et confiant aux citoyens. A la fin, il a demandé aux médias d'être plus impartiaux et neutres. Un appel qui rejoint la déclaration du Chef du gouvernement provisoire qui a accusé lors de son allocution, les médias d'exagération relative à la médiatisation des événements des attentats.