Les coups d'Etat se suivent mais ne se ressemblent pas. Il y a le coup d'Etat militaire classique, surtout dans l'espace arabo-musulman, à tel enseigne que du temps de feu Sadam Hussein, président d'Irak, les Baghdadis, férus d'humour anglais, disait : « Chez nous, le bébé qui descend du ventre de sa mère prononce le mot « Inkilab » (coup d'Etat), avant de dire maman » ! La Syrie, le Soudan, l'Iran, en plus de l'Irak, ont tous connu des coups d'Etat à répétition. Le Maghreb a été plus économe en la matière, seule la Mauritanie en a connu plus de deux, l'un contre Mokhtar Ould Dadah et l'autre contre Ould Sidi Ettayaâ, qui, lui-même, avait fait un coup contre son prédécesseur civil. Il faut, quand même, relever que l'Algérie, après l'indépendance, en a connu un seul , avec feu le président Haouari Boumédiene contre Ben Bella et la Libye, de même, avec le coup de feu Moammer Kadhafi, le 1er septembre 1969, contre le Roi Idriss Essenoussi, réfugié au Caire, jusqu'à son décès. Ceci, pour les classiques. Mais, il y en a d'autres, mais spectaculaires et qui passent comme un poisson dans l'eau à cause, soit de la nonchalance de la population, fatiguée par les climats de désordre insurrectionnels ou du charisme des dirigeants portés par un soutien populaire incontestable. Dans cette catégorie de coups d'Etat « Soft », la Tunisie, sans doute, de par la nature de ses rivages et la douceur de son climat, en a connu deux. Le premier a été opéré le 25 juillet 1957, quand le Bey Lamine a été déposé par un acte a-constitutionnel qu'était la proclamation de la République par l'Assemblée nationale constituante, avant même l'adoption de la Constitution le 1er juin 1959. Ce coup d'Etat « constitutionnel » opéré par Bourguiba et le Néo-Destour n'avait de « légitimité », (mon Dieu… voilà le mot qui est à la base de tous nos maux en ce moment !), que celle du charisme du « Combattant suprême », sa grande popularité et surtout son parcours de militant anti-colonial admirable en tout point de vue. Certes, la dynastie husseinite était à l'agonie pour avoir négligé l'ascendance du parti nationaliste, alors que la Monarchie marocaine a été l'un des supports de « l'Istiqlal » de Allel Al Fassi, mais les archives de la Constituante de 1959, n'ont pas encore livré tous leurs secrets. Il est, quand même, indiscutable qu'on soit parti d'une Monarchie constitutionnelle avec un projet de régime parlementaire à la britannique vers un régime présidentiel à l'américaine avec la séparation des pouvoirs et la Cour suprême, en moins. Le second, c'est ce coup d'Etat « médical » opéré par le général Ben Ali, alors qu'il était Premier ministre et ministre de l'Intérieur, de fait, facilité, il est vrai par l'âge avancé de Bourguiba qui a construit l'Etat national moderne avec un seul déficit mortel : La non institutionnalisation de l'alternance pacifique au pouvoir et le pluralisme démocratique pratique. Avec la Révolution qui a réclamé la « liberté », donc, la démocratie et la dignité, on pensait que plus personne ne parlerait à l'avenir d'un possible « coup d'Etat ». Mieux encore, l'organisation d'élections globalement transparentes, le 23 octobre 2011, et la passation des pouvoirs par deux hommes d'Etat et gentlemen MM. Foued Mbazaâ et Béji Caïd Essebsi, laissait penser, que locomotive Tunisie était bien, cette fois et pour toujours, sur les bons rails de la démocratie plurielle avec l'alternance pacifique au pouvoir et par conséquent, plus jamais de « coup d'Etat » ! Mais, les choses semblent revenir à la case départ. La volonté d'hégémonie sur l'appareil institutionnel et l'ensemble de la société a repris l'ascendant à travers cette machine « infernale » qu'est l'ANC. La Nahdha, traumatisée par « le coup » du Caire, du général Sissi, crie à la tentation du « coup d'Etat » de l'opposition contre la « légitimité ». L'opposition, quant à elle, crie au « coup d'Etat » du pouvoir majoritaire islamiste contre l'ANC, qui a perdu toute « légitimité » et qui s'est transformée en parlement, de fait, alors qu'elle avait pour unique vocation de rédiger une constitution en une année s'auto-dissoudre et rappeler le peuple à de nouvelles élections législatives et présidentielles. Finalement, l'ANC est accusée d'abus et de dépassement de pouvoirs et de détournement de vocations. C'est ce que les juristes confirmés comme le Doyen Iyadh Ben Achour, appellent : la « dictature d'Assemblée » ! Vous voyez, on n'est pas sorti de l'auberge, et il faut les entourloupettes juridiques d'un des présents à la Nationale « Une », avant-hier, pour nous assommer et s'acharner à dire à tous ceux qui ne veulent plus l'entendre, que l'Assemblée nationale constituante est souveraine pour « tout » et que même le décret qui l'a convoquée n'est plus engageant, alors qu'il sait parfaitement que les gens ont été appelés à voter une ANC limitée dans le temps et dans la vocation, et non pas un Parlement classique avec pouvoirs légiférants à l'infini. D'ailleurs, d'autres grands juristes comme Si Habib Ayedi, pensent que la « petite Constitution », votée à la sauvette par la majorité bloquante de l'ANC est à la source de tous nos malheurs actuels. Et dire que la Tunisie n'a besoin ni de « coup d'Etat » constitutionnel à l'instar de ce qui s'est passé en 1959, ni de débats stériles et encore moins, d'instabilité politique chronique. Ce dont elle a besoin c'est d'une éthique de la raison qui classe la « ruse » au Bardo, le musée bien sûr, et de permettre à ce peuple et ses élites de vivre au rythme de la terre, comme les Polonais, les Roumains, les Croates, les Bulgares… et tous ces pays de l'Est qui se sont débarrassés de la dictature stalinienne et qui font partie, aujourd'hui, de l'Europe prospère et libre ! Mais, pour cela, il faut plus qu'un sage pour convaincre les nouveaux maîtres zélés du monde arabe que réduire les peuples à l'esclavage des idéologies rétrogrades n'est plus une exigence des temps présents !