Voilà bientôt 7 mois qui sont passés depuis le meurtre odieux dont a été victime l'avocat et militant Chokri Belaïd, premier assassinat politique commis en Tunisie depuis l'indépendance. L'enquête connait beaucoup d'entraves Lancé depuis le 25 avril dernier, le comité IRVA qui a été initié par Kamel Jendoubi, Besma Khalfaoui, Taib Laguili, Ghazi Gherairi, Leila Toubal, Kamel Laabidi et Naziha Rejiba a été joint par une pléiade d'avocats tunisiens et français. Sous le slogan : «Ensemble pour la Vérité et contre l'Oubli », une conférence de presse a été tenue hier matin en réponse aux deux conférences données par le Premier Ministre et le ministre de l'Intérieur. Le Comité IRVA vient d'être renforcé par le soutien international de haute importante du président d'honneur de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH), M. Patrick Baudouin ainsi que d'autres avocats français de renommée internationale à l'instar de Mme Eva Joly et Me Jean-Pierre Mignard. Externaliser le procès de Chokri Belaïd Les conférenciers se sont tous accordés à dire qu'il est anormal qu'il n'y ait toujours pas d'expertise balistique alors que l'assassinat a eu lieu il y a 7 mois. Ils trouvent aussi anormal que le dossier soit éparpillé et balloté dans tous les sens entre plusieurs institutions de l'Etat. Prenant la parole, Me Baudouin annonce qu'il est extrêmement urgent de lutter contre l'impunité qui sévit encore en Tunisie, chose contre laquelle la FIDH a lutté du temps de l'ancien régime mais qui demeure encore et qui inquiète. Il soutient que la Ligue internationale des Droits de l'Homme compte épauler et encadrer le collectif d'avocats de la IRVA pour combattre « un assassinat politique révoltant et odieux survenant le lendemain de la révolution.» Il a, notamment, ajouté que la FIDH compte mettre tout en oeuvre pour faire avancer l'enquête et surmonter les défaillances existantes actuellement. Dans le même contexte, il rajoute qu'il est «absolument essentiel de fournir les moyens matériels et logistiques pour élucider les conditions de l'assassinat de Chokri Belaïd, interpeller et juger les exécutants de «bas de gamme» et surtout les commanditaires.». Dans ce sens, il insiste sur l'urgence de «lutter contre l'impunité des puissants quelque soit le poste qu'ils occupent quand ils sont impliqués dans un crime d'une telle envergure.». Quant au rôle de la justice tunisienne, Me. Patrick Baudouin l'interpelle à plus d'implication : «certes, la magistrature tunisienne, comme tout le monde le sait, connait elle aussi ce processus transitoire et a certaines difficultés à être réellement efficiente et indépendante. Cependant, elle doit impérativement travailler pour son impartialité pour aller vers la démocratie et pouvoir mener comme il se doit son travail et appliquer la loi.» A l'instar de ses collègues présents, il rappelle que si les blocages et les entraves continuent «nous passerons à la vitesse supérieure. Nous externaliserons la cause. Nous rassemblerons les 190 organisations internationales qui luttent pour les droits de l'Homme et celles qui sont spécialisées dans la juridiction. Nous coordonnerons nos efforts et nous comptons créer un comité de juristes internationaux (européens et du monde arabe). Nous ferons aussi appel au Haut Commissariat des Droits de l'Homme pour faire pression afin que les criminels et les commanditaires des deux assassinats soient jugés. Dans le passé, sous le régime dictatorial de Ben Ali, on appelait la Tunisie par les trois T : Tunisie Terre de Torture pour contrecarrer l'appellation la Tunisie Terre de Tourisme. Aujourd'hui, nous voudrions les remplacer par la Tunisie Terre de la Démocratie. Vous avez le terrain pour. C'est pourquoi, nous croyons en vous» Il rajoute dans ce sens : « vous êtes les plus chanceux de réussir votre démocratie, vous avez le meilleur terrain pour l'instauration de la démocratie par rapport aux autres pays en phase transitoire. La Tunisie est un véritable modèle et un laboratoire et le meilleur qui soit pour l'instant. Notre désir c'est que ce processus réussisse !» Un laboratoire qui refuse de donner les résultats… Prenant la parole, Me Mignard a annoncé la parution prochaine d'un livre blanc en trois langues où seront illustrées les lectures concernant les inefficacités juridiques et policières commises depuis 7 mois d'enquête. Une grande conférence de presse sera d'ailleurs donnée pour que l'opinion publique comprenne les dessous de l'affaire « et pour que se soit une preuve concrète que ce laxisme est plus que déroutant. C'est à ce moment-là que le dossier prendra une tournure internationale.». Dans le même contexte, il signale que le dossier a été trop malmené entre la Brigade criminelle, deux juges d'instruction et la garde nationale, plusieurs équipes et plusieurs juges à la fois. Ce trop plein d'éparpillement montre un comportement qui manque de sérieux, d'une absence de collaboration entre les différents niveaux (au sein des équipes, du ministère de l'Intérieur et du tribunal) et d'un laxisme hallucinant face aux fléaux du terrorisme.» Au final, l'épouse et avocate elle-même Basma Belaid déclare que plusieurs signes ont montré une réeelle volonté de vouloir nuire post-mortem à la réputation de son époux Chorki Belaid en annonçant pour la première fois que «le juge d'instruction a ordonné une analyse sanguine du sang de son défunt de mari et qui concernent la recherche de quelconque trace de drogue, de stupéfiant ou d'alcool ! Alors que mon mari a été tué par balles, tout ce qu'ils ont eu la présence d'esprit à faire est de chercher dans des pistes douteuses ce qui noircirait l'image de mon mari. Ce qui pour moi est un manque de professionnalisme aberrant et un pathétisme outrancier ! La liste est encore longue ! Ils ont même annoncé qu'ils ont fait des recherches dans le bureau de mon mari. Pourtant, mon mari n'y allait plus du tout depuis de très longs mois§ Voilà 7 mois que l'on sollicite le laboratoire à nous donner les résultats des analyses mais ce dernier refuse toujours sous prétexte que'on doit leur garantir la non application de la peine de mort sur les assassins ! Aujourd'hui, nous sollicitons l'aide internationale juristes, organisations, avocats et l'implication de la presse tunisienne pour nous aider à élucider ces deux crimes».