Les révélations de Taïeb Laâguili, membre de l'initiative nationale pour la recherche de la vérité sur les assassinats des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi sont explosives. Elles donnent froid dans le dos, provoquent une onde de choc au sein de la population tunisienne et anéantissent les derniers sentiments de confiance que pourraient encore éprouver l'opposition et la société civile envers le parti Ennahdha, au pouvoir depuis près de deux ans. Une période tumultueuse, marquée par la tension sociale, les assassinats politiques (une première dans l'histoire de la Tunisie indépendante), la montée du salafisme jihadiste et pour boucler la boucle, l'implantation du terrorisme dans le pays encouragé par le laxisme des autorités et les graves manquements sécuritaires. C'est justement sur ce point que le parti Ennahdha et les gouvernements de Hamadi Jebali et de Ali Laârayedh sont pointés du doigt. Mais Taïeb Laâguili, s'appuyant sur des documents, des vidéos, et des photos va jusqu'à accuser des dignitaires du parti et des cadres du ministère de l'Intérieur de connivence, d'implication et de liens étroits avec des terroristes étrangers, tel le Libyen Abdelhakim Belhadj, ancien détenu de Guantanamo, accueilli en grande pompe en Tunisie. Ce n'est pas la première fois qu'Ennahdha se trouve au banc des accusés dans l'affaire des assassinats de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi. Mais à chaque fois, elle arrive à éluder le problème sans laisser des plumes. Quelle sera sa reposte cette fois-ci ? Dans tous les cas, le parti se trouve dans la position de la défensive en attendant d'affiner sa stratégie et sa contre-offensive. Ceci augure d'une nouvelle période difficile, d'une radicalisation des positions des divers acteurs sur la scène politique et poserait avec acuité la question de l'avenir du dialogue national que le Quartette tente d'instaurer après de pénibles efforts et de longues tractations. La feuille de route aura-t-elle une chance d'aboutir dans un climat de méfiance, de doutes et de suspicions ? Nous n'anticipons pas mais déjà les esprits commencent à s'échauffer et il est fort probable que le dialogue capote avant de commencer. Une hypothèse que le Quartette doit prendre en considération pour hausser le ton et mettre toutes les parties devant leurs responsabilités si elles sont conscientes que le pays risque la catastrophe.