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Ennahdha veut négocier en position de force... 113 députés signent une pétition pour le maintien de l'ANC et de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs
Alors que les réunions préparatoires du dialogue national visant à trouver une issue concertée à la crise politique dans laquelle s'embourbe le pays depuis l'assassinat du député Mohamed Brahmi, 113 députés ont annoncé, hier, avoir signé une pétition pour le maintien de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics stipulant entre autres que tout gouvernement doit bénéficier de la confiance de l'Assemblée. La pétition est signée par les élus du mouvement Ennahdha (89 élus), du Congrès pour la République (CPR), de Tayyar Al-Mahabba (Courant de l'Amour, l'ex Pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement), le mouvement Wafa et le Courant Démocratique, un parti issu d'une scission du CPR et présidé par Mohamed Abbou. Dans les détails, la pétition appelle à accélérer le travail de l'Assemblée constituante et insiste sur le maintien de cette assemblée jusqu'à l'élection d'un nouveau parlement. Les signataires de la pétition s'attachent également au maintien de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics qui constitue, selon eux, le pilier des institutions de l'Etat en cette période transitoire. Ils ajoutent dans ce cadre que les travaux constitutifs devraient être assurés par l'ANC loin de tout esprit de tutelle. Les députés signataires s'attachent, d'autre part, à ce que tout gouvernement doit travailler sous la supervision de l'ANC. «L'Assemblée doit obligatoirement accorder sa confiance au gouvernement. Ce dernier doit également rendre compte à l'ANC qui peut le destituer dans les cas prévus par la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics », précise la pétition. Le député Hichem Ben Jemaâ (Courant Démocratique) a indiqué que les signataires de la pétition ne reconnaitront aucune décision préconisant la dissolution de l'Assemblée constituante ou l'amendement de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics qui émanerait du dialogue national. Contradictions avec la feuille de route du quartet A y voir de plus près, le contenu de cette pétition signée par la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale constituante (217 députés au total, NDLR) ressemble à s'y méprendre au contenu du communiqué publié à l'issue de la dernière réunion du conseil de la Choura du mouvement Ennahdha. Plusieurs points de la pétition signée par les 113 députés sont, d'autre part, en contradiction avec la feuille de route du Quartet parrainant le dialogue national, en l'occurrence, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), la Ligue Tunisienne de défense des Droits de l'Homme (LTDH) et l'Ordre National des Avocats. Ainsi, la feuille de route du Quartet prévoit l'amendement de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics afin de doter le futur gouvernement de compétences nationales qui devrait être mis en place trois semaines après le démarrage du dialogue national de toutes les prérogatives nécessaires à l'accomplissement de sa mission et de le faire bénéficier d'une certaine stabilité. La feuille de route précise, en effet, que la présentation d'une motion de censure contre le futur gouvernement nécessite une majorité absolue des membres de l'ANC (50% des voix + une voix). Le retrait de la confiance à ce gouvernement nécessite, quant à lui, une majorité de deux tiers des voix. Ainsi en rejetant la proposition de l'amendement de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics, qui permet le retrait de la confiance au gouvernement à la majorité absolue des voix, Ennahdha et ses alliés veulent s'offrir la possibilité de destituer le gouvernement de compétences qui serait mis en place à tout moment. Ennahdha, le CPR, Tayyar Al-Mahabba, le mouvement Wafa et le Courant Démocratique qui n'hésitent pas à qualifier le dialogue national de « tentative de coup d'Etat qui ne dit pas son nom» craignent notamment des mesures de rétorsion contre des membres de l'actuel gouvernement. Ennahdha renforce sa position Sur un autre plan, les 113 députés s'attachent à ce que le parachèvement de la rédaction de la Constitution soit assuré exclusivement par l'ANC alors que la feuille de route du Quartet préconise la mise en place d'un comité d'experts pour épauler l'assemblée dans ce chapitre. Selon les observateurs avertis, la motion signée par les 113 députés va permettre au mouvement Ennahdha de négocier en position de force. Ce nombre des élus permet, en effet, de bloquer toute décision qui ne cadre pas avec la stratégie d'Ennahdha et ses alliés. Après avoir tergiversé et procédé à des manoeuvres dilatoires le mouvement Ennahdha avait accepté samedi dernier de signer la feuille de route du Quartet prévoyant la formation d'ici trois semaines d'un gouvernement d'indépendants. Le Congrès pour la République, un allié d'Ennahdha, et Tayyar El Mahabba (le Courant de l'Amour) de Hachemi El Hamdi ont, quant à eux, refusé de le parapher. En fait, Ennahdha a tenu juste après la signature de la feuille de route à préciser qu'elle accepte l'initiative comme point de départ d'un dialogue national et non pas la feuille de route. «La démission du gouvernement est conditionnée par la réalisation de certains objectifs. Une fois ces objectifs réalisés, le gouvernement démissionnera », avait d'ailleurs déclaré le chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi quelques heures seulement après avoir paraphé la feuille de route. Autant dire que le parti islamiste qui semble plus que jamais craindre une reproduction du scénario égyptien en Tunisie est prêt à quitter le pouvoir tout en protégeant ses arrières… Belle tactique , avouons-le…