Le dialogue national entre les partis politiques au pouvoir et les partis politiques de l'opposition a démarré, hier, au palais des congrès de Tunis, sous l'égide des quatre organisations nationales qui le parrainent, à savoir l'Union générale tunisienne du travail, l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, l'Ordre national des avocats et la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme. Annoncée à 9 heures, l'ouverture n'a pu avoir lieu que vers midi, après trois heures consacrées à des tractations de dernière minute, sur place. Revendications de l'opposition Pour les parrains du dialogue national et les partis de l'opposition, ce dialogue doit porter sur les modalités de la mise en œuvre de la feuille de route proposée par le Quartet le 17 septembre , comme solution de compromis pour sortir de la crise politique dans laquelle la Tunisie se débat depuis, le 25 juillet, suite à l'assassinat du député à l'Assemblée nationale constituante, Mohamed Brahmi, qui a exaspéré l'opposition, et déterminé ses députés à l'Assemblée nationale constituante à se retirer de cette Assemblée et à boycotter ses travaux, tout en réclamant sa dissolution et la démission immédiate du gouvernement dominé par le mouvement de la tendance islamique Ennahdha, ainsi que son remplacement par un gouvernement apolitique. La feuille de route du Quartet a retenu les principales revendications de l'opposition, mais a préconisé le maintien de l'Assemblée nationale constituante, en limitant son mandat à des tâches dites constitutionnelles, c'est-à-dire l'adoption de la nouvelle constitution tunisienne, l'adoption d'une nouvelle loi électorale et la mise en place de l'Instance indépendante des élections appelée à fixer une date aux prochaines élections, sous l'égide du gouvernement apolitique. L'Assemblée constituante devrait achever ces tâches, au plus tard, le 23 octobre, quatre semaines après le démarrage du dialogue national, selon la feuille de route. D'ailleurs, un amendement a été introduit dans ce sens au texte initial, rendant obligatoire l'achèvement des tâches constitutionnelles au plus tard, le 23 octobre 2013. Réunis dans le cadre du Front du salut national, les partis de l'opposition ont également réclamé, ces derniers jours, la signature de la feuille de route par les partis politiques participant au dialogue national, comme préalable à l'engagement de ce dialogue, exigence acceptée et satisfaite, par les principaux partis invités dont le mouvement Ennahdha. Signature de la feuille de route En effet, la première session du dialogue national a été marquée par la signature de la feuille de route du quartet par les partis présents, dont les grands partis de l'opposition réunis dans la coalition dite « Union pour la Tunisie », en l'occurrence, Nida Tounès, Al Joumhouri, Al Massar, et ceux du Front national, notamment le parti des travailleurs de Hamma Hammami , le mouvement des démocrates socialistes, de Ahmed Khaskhoussi, la coalition démocratique de Mohamed Hamdi, le parti des démocrates nationalistes unifié, de feu Chokri Belaid, dirigé actuellement par Ziad Lakhdhar. Pour faire pression sur les partis au pouvoir et le gouvernement, les deux coalitions se sont réunies au sein d'un front élargi sous le nom du « Front du salut national ». Du côté des partis au pouvoir, la Feuille de route a été signée par le mouvement Ennahdha représenté par son président Rached Ghannouchi, et le Forum démocratique pour les libertés et le travail, parti du président de l'Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaafar, représenté par Mouldi Riahi. La Feuille de route a été signée au nom de Nida Tounès par son président Béji Caid Essebsi, tandis que le parti Al Joumhouri a été représenté dans cette signature par sa secrétaire générale, Maya Jéribi, et le parti Al Massar par son porte parole Samir Taïeb. Hamma Hammami, secrétaire général du parti des travailleurs, a signé le document au nom de son parti, bien qu'il soit aussi porte parole du Front populaire. Le parti au pouvoir, le Congrès pour la république, parti du président de la république, Moncef Marzouki, n'a pas signé la feuille de route. Son secrétaire général Imed Daimi a remis le document de confirmation non signé. Il en va de même pour le parti dit « courant de l'amitié », l'ex parti d'El Aridah, de Hachemi Hamdi qui n'a pas signé, ainsi que le petit parti « Al Iklaa » (le décollage) du député à la Constituante Tahar Hmila, ancien membre du CPR qui n'a pas voulu signer non plus. Les autres signataires sont le parti tunisien pour la liberté et la dignité, le parti Al Amène, le parti Al Moubadara (l'Initiative), de Kamel Morjane, le parti du front tunisien, le parti libéral maghrébin, le parti populaire, le parti du choix populaire, le parti de la république, le courant populaire, le parti de la réforme et du développement et le parti Afek Tounès, de Yassine Brahim. Evènement historique Plusieurs orateurs ont pris la parole au cours de cette première séance dont Hassine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT, les présidents des autres organisations nationales parrainant , avec l'UGTT, le dialogue national, ainsi que le président de la république, Moncef Marzouki, le président de l'Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaafar et le chef du gouvernement , Ali Laaraydh. L'événement a été qualifié d'historique. S'il faut croire les participants et les orateurs, le peuple tunisien et les amis de la Tunisie auraient les yeux braqués sur ce dialogue et sur ses conclusions, car il y va de l'avenir de la transition démocratique en Tunisie et de la réussite ou de l'échec de la révolution tunisienne, ont-t-ils noté. Mais, tout en souhaitant plein succès au dialogue, le chef du gouvernement Ali Laârayedh du parti Ennahdha n' a rien dit qui ressemble à une adhésion du gouvernement à la feuille de route, principalement en ce qui concerne sa première clause qui dit que le gouvernement actuel s'engage à présenter sa démission dès le démarrage de la première séance du dialogue national, en attendant son remplacement, dans les quinze jours suivant le démarrage, par un gouvernement apolitique formé par une personnalité indépendante choisie d'un commun accord entre les signataires de la feuille de route. Le chef du gouvernement a réitéré sa position qu'il avait déjà annoncée, savoir que le gouvernement actuel continue d'assumer ses fonctions, jusqu'à ce que l'Assemblée constituante achève ses missions constitutionnelles signalées, et qu'une date précise soit fixée pour l'organisation des prochaines élections, alors un nouveau gouvernement chargé de superviser ces élections pourrait remplacer l'actuel gouvernement, et qui soit assujetti aux dispositions de la loi relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics ou petite constitution. Aussi, la secrétaire générale d'Al Joumhouri, Maya Jéribi, a réagi violemment aux déclarations du chef du gouvernement, y voyant un refus pur et simple de la feuille de route et donc une entrave à la réussite du dialogue. Devoir national Signalant les défis auxquels la Tunisie est confrontée, aux plans économique, sécuritaire et social, Hassine Abbassi, Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaafar ont défendu la voie du dialogue comme étant un impératif et un devoir national, et non pas un simple choix, pour surmonter la crise et relever les défis de l'étape, en particulier la réalisation de la transition démocratique dans les meilleures conditions de manière à doter le pays d'institutions stables et sécuriser les citoyens et les partenaires étrangers. Ils ont insisté sur la nécessité de renoncer à la logique de la majorité et de la minorité, en œuvrant à rechercher le terrain d'entente, les points de rencontre et le consensus. Au nom de sa coalition « l'Union pour la Tunisie », Béji Caid Essebsi a déclaré que la Tunisie ne peut pas être gouvernée par un seul parti et que la situation commande le partage du pouvoir et des responsabilités, loin de tout esprit d'exclusion. Salah BEN HAMADI
Que dit la feuille de route ? Lancée le 17 septembre 2013, la feuille de route proposée par le Quartet pour sortir de la crise prévoit les trois axes suivants : parachèvement des travaux de l'Assemblée nationale constituante (ANC), formation du nouveau gouvernement et dialogue national. Parachèvement des travaux de l'ANC - Reprise des travaux de l'ANC appelée à finir l'examen des questions suivantes dans un délai qui ne doit pas dépasser quatre semaines à compter de la date de la première séance du dialogue national : - Choix des membres de l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) et l'installation de cette instance dans un délai d'une semaine - Elaboration et promulgation du code électoral dans un délai de deux semaines - Mise en place d'un calendrier fixant la date des prochaines élections et ce dans un délai de deux semaines à compter de la date de l'installation de l'ISIE - L'adoption de la nouvelle Constitution dans un délai maximum de quatre semaines en faisant recours à un comité d'experts pour accélérer cette opération Formation du nouveau gouvernement - Parallèlement à la reprise des travaux de l'ANC, commenceront les concertations pour choisir une personnalité nationale indépendante chargée de former un nouveau gouvernement et dont le nom sera annoncé dans un délai d'une semaine. Les concertations qui seront menées par cette personnalité aboutiront, dans un délai maximum de deux semaines, à la formation d'un nouveau gouvernement. - Le gouvernement actuel doit obligatoirement présenter sa démission dans un délai maximum de trois semaines à compter de la date de démarrage de la première séance de dialogue national - La formation du nouveau gouvernement sera approuvée par L'ANC Dialogue national - Les acteurs politiques s'engagent à poursuivre le dialogue national parrainé par le Quartet en vue de parvenir à un consensus sur les points objets de litige qui entravent le parachèvement et la réussite de la période de transition