Le Club Africain, champion à mi-parcours et cela ne se produisait pas depuis très longtemps... Derrière cette métamorphose, une restructuration programmée par Kamel Iddir (l'anti-vedette) et ses collègues... A ce train là : vente de billets en Line, marchandising, allocation des ressources, le CA fonctionne à la manière d'une entreprise. Une vraie. C'était la matinée du 1er janvier 2007. A 10 heures du matin, Kamel Iddir et son équipe était là à nous attendre munis de documents et tous branchés sur le site du CA qui s'apprête à mettre les billets du prochain derby en Line. Manager, bureaucrate, mais surtout un jeune qui a fait ses armes et ses preuves dans le sport d'élite (ancien international de handball), haut commis de l'Etat, il apporte de la rigueur et éteint un brasier qu'alimentaient les années de braise de son prédécesseur. « Y avait-il un vide structurel, M. Iddir ? ». « Malheureusement, oui », répond-il. Il nous raconte comment son équipe, soutenue par des mécènes de premier plan, compte « refaire » le Club Africain.
Le Temps :Le Club Africain est champion d'hiver, ce qui ne se produisait depuis longtemps. Au-delà des résultats acquis sur le terrain, qu'est-ce qui a changé dans la manière de gérer le club, après le gâchis des années Bellamine ?
Kamel Iddir :Sans prétendre avoir opéré enclenché une révolution dans la manière de gérer le club, nous avons, d'abord, procédé à une mise en cohérence : le club avait besoin d'une restructuration en amont et en aval. L'Assemblée générale avait mis l'accent sur cette nécessité. Les clubs sont devenus, aujourd'hui, une véritable entreprise économique, un PME, en fait. Mais les textes chez nous régissent un « statut » anachronique. Si l'EST a son hôtel et que le CA a sa boutique, c'est que, de fait, nous sommes dans une vocation commerciale. Les clubs en ont besoin pour survivre à assumer des charges énormes. Si les clubs emploient des joueurs professionnels, ils doivent trouver le moyen d'être régis – structurellement - à la manière d'une entreprise. • Vous en seriez, donc, le PDG, vous qui êtes un haut cadre de l'Etat... -Il ne s'agit pas de moi. Mais l'essentiel est d'avoir mis en place (de fait encore), un Conseil d'administration (qui a toujours été le Comité de soutien), mais qui agit dans les prorogatives d'un Conseil d'administration. Il est présidé par M. Hamadi Bousbiï, et, avec lui, il y a MM. Belhassen Trabelsi, Férid Abbès, Saïd Néji et Hammouda Ben Ammar. Sans ces messieurs, je n'aurais jamais pu mettre en pratique le plan de restructuration dont je parlais. • Oui, mais on dit que, par déformation administrative, vous avez mis en place des structures quelque part disproportionnées. -Ce n'est pas vrai. Ce que nous avons mis en place c'est le minimum pour un club de l'envergure du CA. Il y a un président, un vice-président, un secrétaire général avec un adjoint, un trésorier avec adjoint, lui aussi, un directeur administratif et un directeur sportif. •Vous avez, donc, hérité une bonne structure de la part de M. Chérif Bellamine. -(Rire strident). J'apprécie votre ironie... Mais soyons sérieux : le plus important c'est les commissions. Une commission football, une commission infrastructure, une commission des ressources financières (qui gère la boutique), une commission de sponsoring et de produits dérivés (tee-shorts, casquettes, maillots, gadgets..., une commission de la communication sur le site du CA (www.ca.com), avec cent vingt mille visiteurs par mois à travers cent pays. C'est-à-dire, que nous avons aussi trois cent cinquante mille pages visitées par mois. En plus, nous avons institué une charte de communication reliant tous les éléments du club et mis au point les points de presse périodique et la conférence après-match que la FTF a généralisée. Il y a aussi une commission informatique : pas de câblage,tout est sur réseau. Et puis, la commission des ressources humaines, puis le magasin, le marchandising, la vente sur le net, le serveur vocal, le SMS... Enfin, tout ce qui permet de donner une dimension avant-gardiste à notre club... •Oui, mais que faites vous pour la meilleure galerie du pays, les meilleurs supporters et les plus fidèles, c'est-à-dire, les vôtres ? -Bonne question ! c'est vrai que le CA a la chance d'avoir ces supporters que vous venez de décrire. Nous avons mis en place des commissions d'encadrement, des parkas spécifiques et numérotés. Et puis nous comptons quand même cinquante cellules à travers la République. Nous recevons des milliers de spectateurs chaque dimanche. On ne peut pas les laisser sans encadrement. Deux fois par an, nous organisons des manifestations d'animation avec des anciens joueurs et de vraies fêtes des supporters. •Mais l'infrastructure est délabrée et vétuste à vue d'œil. -Oui et c'est pour cela qu'une commission infrastructure s'occupe de la mise à niveau des terrains de football seniors, de l'irrigation électrique automatique, du relookage du parc. Des vestiaires nouveaux sont en cours de construction. Le ministère et la municipalité lancent, par ailleurs, un avis d'appel d'offre pour l'aménagement d'un terrain tartan pour jeunes, pour l'éclairage du parc A, la construction d'une salle d'entraînement et le réaménagement de la salle El Gorjani. •Et sur le plan technique : c'est la première fois depuis longtemps qu'un entraîneur n'a pas sauté en moins d'une année... -C'est très important, en effet. M. Marchand se sent sécurisé il a à sa disposition des joueurs dont les contrats ont été reconduits jusqu'en 2008 comme Ouertani, Sellami, Wissem Yahia, Pierre Njanka, Maher Ameur. 70% des jeunes issus du centre sont eux aussi sous contrat. •Et c'est, sans doute, pour cela que vous avez recouru aux services d'un huissier notaire (la saison écoulée), pour constater sa défaillance... -Ça c'est un fait isolé. Après de « petits » résultats contre le CSHL, l'ASM et l'EOGK, M. Marchand a mal digéré les critiques. Il devait entraîner l'équipe mais il est monté s'installer dans les gradins. Il fallait donc le rappeler à l'ordre. Et puis on se chamaille au sein d'une famille. •Oui, mais il a quand même réussi à vous « entraîner » pendant un bon moment dans sa « paranoïa » et vous avez fait des déclarations où l'on décelait un sentiment de persécution. -Je vous le répète : M. Marchand a été, en l'occurrence, déstabilisé. Mais depuis, voyez ce qui se passe au sein de l'équipe : avez-vous vu auparavant un Sellami aussi discipliné ? Il devient leader comme Boumnijel, Njanka et qui, de leur côté, encadrent les jeunes. Regardez quelle métamorphose s'est opérée en Zaâlani. Pour le reste, nous tenons une réunion d'une heure et demie chaque mardi et parlons du match du week-end : M. Bertrand accepte de répondre et d'expliquer. •On dit que le président réel de M. Marchand, c'est Khelil Chaïbi. En gérant Marchand, celui-ci vous enlève une épine du pied. -Je reste ouvert à tout ce qui peut servir les intérêts du CA. Si l'amitié Chaïbi-Marchand sert les intérêts de l'équipe, eh bien, pourquoi pas ! •Vous est-il arrivé de rentrer avec la recette dans la malle de votre voiture après une défaite dans le derby* ? -(Rire, encore une fois). Non, la recette part dans la malle du banquier (BIAT) chaque dimanche soir. Et, côté billetterie, nous sommes bien organisés. Nous avons des volontaires qui contrôlent le travail des guichetiers. •C'est vrai que l'affaire Coulibaly a été banalisée, mais vous ne vous êtes, tout de même, pas comporté en enfant de chœur... -Je respecte l'ESS et son public. Mais ce joueur et son manager se sont présentés à nous et, de surcroît, il y avait une lettre, on ne peut plus claire de son club, adressée à la FIFA, une autre à l'Etoile et une troisième à la FTF. Le joueur était sous contrat avec son club et son club voulait nous le céder. Je déplore dès lors le ton utilisé dans le communiqué de l'Etoile et qui fut pour le moins inamical. Cela dit intrinsèquement, le joueur n'aurait rien apporté au Club Africain et encore moins à l'Etoile. •On vous définit comme étant l'anti-star, l'anti-vedette vous seriez donc le contraire d'un Chiboub ou d'un Jenayeh qui personnifiait la gestion du club. -Je suis l'adepte d'une gestion collégiale une espèce d'exécutif, se référant toujours à un haut comité comme celui que nous avons la chance d'avoir. Et puis n'est pas Chiboub qui veut. Il a fait des choses de rêve pour l'Espérance. Charisme, la force de décider seul. Ce sont des exceptions. Et puis Jenayeh a toute une région derrière lui... •Et toute une famille... -Je dirais plutôt une région et des mécènes institutionnels. •A mi-parcours et à quelques jours du derby, pensez-vous que le CA peut vraiment aller jusqu'au bout ? -Oui ! Nous sommes structurés pour. Mais l'essentiel est dans ce que je viens de vous décrire : nous avons réfléchi le Club Africain dans ses permanences. Nous sommes dans les constantes. Les résultats font partie des constances. Mais la gageure consistait à « refaire » le Club Africain.
*On raconte qu'au terme d'un cauchemar pour les Clubistes : défaite contre l'Espérance (1-4), Chérif Bellamine a ouvert la malle de sa voiture (qui contenait la recette) et s'est adressé à Chiboub en ces termes : « Vous avez gagné le match et, nous, nous avons gagné la recette ». C'est le CA qui recevait. Et il n'y avait pas le banquier de la BIAT.
Le budget du CA : 5 millions de dinars. Les 2/3 vont à l'équipe seniors (football).
Salaire des joueurs Ali Boumnijel : 160 mille dinars par an. Fixe plus prime de rendement.
3 niveaux de contrats : • Palier 1 : Débutant espoirs seniors : 1er contrat professionnel : salaire + primes : une moyenne de 30 mille dinars par an. • Palier 2 : Joueurs percevant aux alentours de 60 mille dinars. • Palier 3 : Au-delà des 100 mille dinars : Boumnijel (160 mille) ; Bouguerra, Sellami, Ouertani, Wissem Yahia : 100 mille dinars en moyenne
Financement Kamel Iddir insiste sur l'auto-financement : « Nous apprenons à compter sur nous-mêmes : - Le public apporte les 25% du budget : 1 million 250 mille dinars. - Marchandising : apport de la boutique : 250 mille dinars de chiffre d'affaires, les 8 derniers mois. - 100 mille dinars de cash flow au bout d'une année.
Propriété intellectuelle L'emblème du CA est déposée à l'INORPI. Le CA vend 30.000 maillots pour un chiffre d'affaires de 900 mille dinars.
Sponsoring et affichage Le CA a pris lui-même en charge le sponsoring et l'affichage. La création d'une commission de publicité est en cours d'étude.
Radio du CA Les dirigeants clubistes étudient le projet de lancement d'une radio, à l'image de ce que l'on fait en Europe. Ils recherchent encore des financements.
Droits TV Le CA perçoit 185 mille dinars par an de droits de retransmission télé. Kamel Iddir déplore que ces droits soient aussi dérisoires et fait remarquer que les clubs ne perçoivent rien sur les retransmissions des matches de basket, hand, volley et pourtant il y a de la pub payante dans les panneaux.