Mourad Sakli était, jeudi soir, l'invité du plateau de Meriam Belkadhi sur Nessma TV. Le Ministre de la Culture parla longtemps des grands projets de son département et déplora le manque de moyens financiers pour parvenir à restructurer et à réhabiliter ou même à créer plusieurs espaces culturels dans la plupart des petites villes de l'intérieur en particulier ! La quête des fonds nécessaires à ces projets a commencé notamment auprès des grandes organisations mondiales telles l'Union Européenne et L'UNESCO : il faut à la Tunisie pas moins de 54 milliards de nos millimes pour tout juste donner à nos espaces culturels une apparente dignité extérieure ! 54 milliards, un chiffre dérisoire sous d'autres cieux, pour réparer des vitres brisées, des chaises abîmées, pour installer des ventilateurs et des chauffages dans les salles de lecture ou pour éclairer convenablement les bibliothèques et les clubs quasi inactifs. Bref, Mourad Sakli a en quelques minutes brossé un tableau des plus tristes sur le sort de la Culture dans nos régions, et ce à l'heure où les partis politiques et diverses associations soi-disant civiles gèrent des fonds immenses rapportés d'on ne sait où, du Paradis peut-être, dans des projets destructeurs de notre culture, de notre République, du caractère civil et pacifique de notre Etat et surtout de l'avenir de nos jeunes à qui ces « bienfaiteurs de la 25ème heure » réservent l'ignorance et la mort ! Pour une bagatelle 54 milliards de millimes que le Ministère de la Culture doit aller « mendier » au-delà de nos frontières : alors que les plus riches de notre pays en dépensent mensuellement plus que le triple ou le quadruple pour l'achat de voitures de luxe dernier cri, pour satisfaire les caprices de nababs de leurs enfants, ou de leurs épouses ou maîtresses ! 54 milliards que beaucoup de chefs d'entreprises dont les affaires carburent à fond doivent à l'Etat (entendez au fisc), dettes donc obligatoires qu'ils sont en devoir d'honorer comme tout citoyen honnête et digne de sa patrie ! Il était clair, jeudi soir, que Mourad Sakli parlait la mort dans l'âme de ce petit « trou » à combler dans les caisses de son Ministère ! Mais, il affichait quand même un sourire réparateur : il espère que dans beaucoup d'esprits tunisiens, on se tourne plus sérieusement vers la valorisation du patrimoine immatériel tunisien, à défaut de pouvoir tout arranger du côté de notre patrimoine matériel national : il a encouragé les campagnes tous azimuts pour mettre en valeur cette autre richesse qui peut nous faire oublier, fût-ce momentanément, nos déboires touristiques du moment ! De quoi s'agit-il en fait ? De nos préparations culinaires spécifiques (nationales ou régionales), de nos pratiques médicinales traditionnelles, de nos habitudes vestimentaires si variées à l'échelle du pays et de ses petites ou grandes communes, de nos activités ancestrales encore vivantes et rémunératrices, de certains comportements culturels, spirituels, humains et sociaux caractéristiques de chaque région ou ville tunisienne ! Tout un programme quoi, qui hélas fait sourire certains adeptes de l'inaction, ennemis de l'imagination et de la création ! La promotion culturelle, autrement Il y a deux semaines, s'est tenu au Palais des Sciences de Monastir un colloque international intitulé « Tout sucre Tout miel », qui s'inscrit en fait dans le prolongement d'une précédente rencontre de la même envergure organisée l'année dernière à la Faculté des Lettres de la Manouba sur le thème « Sel et eau » dans nos cultures, dans nos traditions, dans notre langage et dans nos rapports humains ! Le colloque « Tout sucre tout miel » connut du moins au niveau de la participation, un succès retentissant : près de 35 communications dues à des chercheurs, à des experts et à de jeunes doctorants de plusieurs nationalités et qui réfléchissent sur l‘histoire des saveurs mielleuses et leurs vertus médicinales, sur les sensations, sur nos mets et nos mots en évoquant les variétés de douceurs, sur le sucre et le miel dans nos proverbes, sur la portée littéraire, poétique et mythique de ces gâteries dans nos récits, contes ou légendes, sur l'art gourmand et sur l'histoire du miel et de sa fabrication chez nous et dans les autres contrées du monde. La tenue de ce colloque est l'initiative, entre autres, du Professeur Habib Salha, père désormais connu du Festival de la Bsissa à Lamta ! Quelle belle idée à généraliser ; que les intellectuels et les chercheurs universitaires sortent de leurs cloîtres académiques pour aller dans leur environnement social, culturel, spirituel afin de mieux en promouvoir les richesses multiples et insoupçonnées! Les universitaires, il faut le reconnaître, ne font pas assez pour le tourisme dans notre belle Tunisie plurielle. Des contributions semblables à celles des deux colloques cités plus haut, si elles se multiplient, peuvent réactiver la vie touristique même à des échelles locales ; quant aux fonds qu'elles exigent, ils ne sont d'abord pas très élevés, de plus le Ministère de l'Enseignement supérieur y participe conséquemment, et enfin les promoteurs privés peuvent être sollicités pour des sommes relativement modestes mais qui leur rapportent une large publicité à moindre coût ! Retroussons donc les manches, amis protecteurs de notre patrimoine immatériel tunisien et rapportons des sous à ce cher pays qui n'en a pratiquement plus !