Nous nous sommes arrêtés hier sur les circonstances de la naissance, de « Nida Tounès », porté par l'espoir et la volonté des Tunisiennes et des Tunisiens, attachés à l'identité tunisienne millénaire, de sauver l'Etat national moderne et faire contre-poids aux vagues tsunamiques de « l'Islam politique » aux facettes les plus imprévisibles et en apparence les plus contradictoires, alors que l'objectif est le même : remodeler l'Etat et la société par la « réislamisation » radicale et intensive. Le processus adopté par les fondateurs et leur président Béji Essebsi, c'était d'opérer un vaste rassemblement (quoique le mot soit devenu tabou et répréhensible depuis la Révolution) et de piocher dans le « Néo » comme ce fut le cas avec Bourguiba à Kasser Helel le 2 mars 1934. Des bourguibistes en bon nombre qui n'ont pas été associés à la dictature ou à la corruption, des socialistes et des démocrates sociaux, beaucoup de syndicalistes, un véritable retour aux sources tunisiennes de la pensée et de l'action politique celle que nous désignons toujours par la synthèse : « Bourguiba-Hached », mais qui remonte beaucoup plus loin en intégrant la Zitouna Sadiki et le réformisme musulman de Kheïreddine Pacha Attounsi au 19ème siècle. Jour après jour, les sondages donnaient « l'enfant prodige » grandissant et gagnant sur tous les fronts aidés en cela par les erreurs fatales de l'adversaire, sa faillite sécuritaire et économique et surtout le rejet de toute l'agressivité de la prédication wahabite et orientale qui a envahi le comportement social et politique de la Tunisie. Plus la fracture opérée par la Nahdha à travers le discours religieux des Imams qu'elle a transplantés dans les Mosquées, prenait du volume, accompagné, volontairement ou pas consciemment ou inconsciemment, par le terrorisme actif et plus l'étoile de Nida Tounès montait au firmament. Trois ans de politique acharnée de destruction massive de la modernité de l'Etat et de la société, ont diffusé dans les masses silencieuses, les classes moyennes et les élites, un sentiment de peur de frustration et de rejet exprimé surtout par une suspicion énorme à l'égard de l'ANC. D'où ces déclarations intempestives et ses marches houleuses pour rappeler aux locataires du Bardo que la « légitimité » électorale était devenue caduque du fait du détournement de la vocation de l'ANC et de la fin du mandat prescrit pour un an de législature. C'est à partir de là et suite aux assassinats politiques et à la montée en flèche du terrorisme, que les forces dites « démocratiques » du centre et de la gauche libérale, ont fédéré de façon plus ou moins structurelle au sein de « l'Union pour la Tunisie ». Mais, ni le volume des partis « fédérés », ni leur ambition au commandement n'étaient les mêmes. Le gros noyau de Nida Tounès, très réaliste et prudent voulait assurer au moins la présidence en faisant précéder les élections de celle-ci sur les législatives beaucoup plus compliquées et imprévisibles du fait du comportement lunatique et bien connu des Tunisiens, sans parler d'autres interférences de la plus haute importance comme le financement et la gestion très difficile du « vote utile ». Pour gagner les présidentielles, le choix était presque parfait à travers le charisme et l'expérience de M. Béji Caïd Essebsi, contesté uniquement par M. Néjib Chebbi qui vise le poste depuis bien longtemps déjà. Mais pour les législatives « le classe tête chinois », comme l'appelait M. Abdelaziz Mzoughi (ancien-Nidaïst) était inévitable. Deux faits ont précipité l'irréversible. D'abord, les divergences internes à Nida Tounès pour le leadership, hors présidence et l'afflux en masse des destouriens libérés de l'épée de Damoclès et de la loi sur l'exclusion politique que les inquisiteurs à l'ANC ont agitée pendant de très long mois. Puis ce « vote » au dialogue national où certains partis fédérés à l'Union pour la Tunisie ont voté contre une orientation stratégique essentielle de Nida Tounès (leur allié), à savoir la priorité à l'élection présidentielle sur les législatives, véritable nœud gordien pour la maison Caïd Essebsi et sans laquelle toute la stratégie du Nida était à revoir. L'adoption par le dialogue national de la prééminence du législatif sur le présidentiel, a eu pour conséquence directe, de mettre le feu à la fédération de l'Union pour la Tunisie, parce que Nida Tounès était non seulement très contrarié par la décision mais il fallait un nouveau repositionnement pour essayer de limiter les dégâts et s'attaquer à la mobilisation en vue de gagner les législatives. Or, comme nous l'avons dit précédemment les législatives sont beaucoup plus compliquées. Elles nécessitent une discipline de fer pour le vote utile. S'aventurer à plus de divergences et d'atermoiements sur les listes électorales et bien évidemment sur les têtes de listes dans les localités, les villes et les régions, serait un véritable suicide pour le Nida, car sur ce terrain la Nahdha a non seulement une tête d'avance mais peut compter sur une discipline bien huilée depuis le 23 octobre 2011. Pour le reste le financement et l'allégeance de certaines composantes administratives économiques et sociales occultes, les voies du seigneur sont impénétrables pour toutes les grosses cylindrées ! Autant sur l'essence, l'Union pour la Tunisie pouvait se défendre, autant sur le terrain électoral, surtout après le « coup » du dialogue national porté à la stratégie de Nida Tounès, l'existence aura pris le dessus sur l'essence ! En politique, la morale et les états d'âme sont souvent rattrapées par la raison d'Etat et l'efficacité, surtout quand la maison risque de brûler de l'intérieur et de l'extérieur. Béji Caïd Essebsi et Nida Tounès ont choisi de « survivre » et de se battre « seuls » pour le moment ! Avaient-ils d'autres choix ! Les urnes nous le diront ! Peut-on dire que l'Union pour la Tunisie a vécu ? Oui et non. Oui, si elle continue à être une « union » de partis. Non, si les acteurs optent pour une véritable intégration dans un grand parti unitaire du genre Parti socialiste français du temps de François Mitterrand. Mais le temps est très court ! Alors, d'abord, gagner les élections ! Puis, il fera jour !