La torture est une des pratiques les plus aliénantes contre la dignité humaine. Afin d'y mettre fin, les Nations-Unies ont proclamé la journée du 26 juin de chaque année comme la Journée mondiale de soutien aux victimes de la torture. La convention du 10 décembre 1984 vise à sensibiliser l'opinion internationale à prendre conscience quant à cette pratique honteuse et asservissante qui sévit encore dans plus de 150 pays. La Tunisie a célébré, à l'instar de la communauté mondiale, la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture. Une mobilisation a commencé à Beb Bnet et a été suivie d'une marche en direction de l'ancienne prison du 9 avril. Plusieurs activités de sensibilisation ont été programmées à longueur de journée à l'Avenue Habib Bourguiba. Le rassemblement auquel a appelé l'OMCT, bureau Tunisie (Organisation Mondiale Contre la Torture) a été joint par plusieurs associations tunisiennes telles que l'OCTT (Organisation de lutte contre la torture), la LTDH (La Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme), la L.E (Association Liberté-Equité) et l'AISPP (Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques). Contre l'oubli La commémoration de la Journée mondiale de soutien aux victimes de la torture est une démarche de sensibilisation pour lutter contre toute forme d'impunité et contre l'oubli du calvaire qu'ont dû subir les personnes torturées. Il est à rappeler que 30 ans plus tard, la Convention des Nations-Unies et la mobilisation internationale n'arrivent toujours pas à éradiquer une fois pour toutes la pratique de la torture qui sévit dans les milieux tortionnaires et les régimes dictatoriaux. En Tunisie, malgré la chute du régime autocratique, l'impunité sévit encore à l'ombre d'un système judiciaire qualifié de dysfonctionnel par la société civile tunisienne et étrangère, en termes de traitements des dossiers de torture et de mauvais traitements. Elles étaient dans les 200 personnes à participer à la marche étaient d'anciennes victimes de la torture, d'anciens prisonniers, des militants des droits de l'Homme, des représentants de la société civile et des citoyens. Plusieurs figures emblématiques étaient présentes à l'instar de Mokhtar Trifi (LTDH) ou encore Sadek Ben Mhenni (militant et ancienne victime de la torture sous Ben Ali). Le ministre de la Justice Nadhir Ben Ammou a, également, participé à la marche. Plusieurs slogans ont été brandis pour dénoncer l'oubli des affaires de torture, le laxisme quant aux dossiers des pratiques tortionnaires et pour sensibiliser l'appareil judiciaire et l'opinion publique : «Arrête la torture», «Tous contre la torture», «La torture interroge, la douleur répond», «La torture est un crime», «Se taire est un crime», «Jusqu'à quand la torture légale ?», etc.... Ces slogans ont été scandés par les défenseurs des droits de l'Homme au sein d'un contexte où la torture sévit dans les centres pénitentiaires, où les pratiques inhumaines ne sont pas sérieusement prises en considération par l'appareil judiciaire. La reconnaissance des droits des victimes n'a toujours pas lieu. Par contre, les auteurs des mauvaises pratiques et leurs complices demeurent impunis. Quand les coupables ne payent pas leur crime, on ne peut parler de réconciliation nationale dans un pays qui entame une nouvelle phase transitoire. Cela se passe dans une Tunisie où l'on ne cesse de se vanter d'une nouvelle Constitution qui consacre les droits de l'Homme et qui incrimine la torture. Dysfonctionnement de l'appareil judiciaire La présidente de l'OCTT, Mme. Radhia Nasraoui, a déclaré lors de cette Journée mondiale, que plusieurs entraves législatives en vigueur freinent l'appareil judiciaire dans les procès de torture. Elle a vivement appelé à l'application de la loi et à l'urgence d'effectuer un ensemble de réformes législatives afin que la loi tunisienne soit semblable aux standards internationaux. D'ailleurs, cinq associations de protection et d'assistance aux victimes de la torture et du mauvais traitement sonnent le tocsin pour lutter farouchement contre la persistance de l'impunité et des pratiques tortionnaires au sein des lieux de détention. Il est à noter qu'à la veille de la marche à laquelle elles sont appelé, ces associations avaient exprimé, autour d'une conférence de presse leur crainte quant aux failles législatives et au dysfonctionnement de l'appareil judicaire dans les procès de torture et de traitements cruels. Le collectif de la société civile accuse le ministère de l'Intérieur et celui de la Justice d'être les responsables du maintien de la pratique tortionnaire. Le premier est accusé d'être le bourreau. Le second est responsable de l'impunité. Justice n'est pas rendue aux victimes de la torture. D'ailleurs, à l'occasion de cette journée, en évoquant le cas de la Tunisie, le Vice-Président de l'OMCT, Dick Marty a déclaré : «La crédibilité de l'Etat, le sérieux des procédures appliquées et la confiance des citoyens tunisiens dans les institutions sont le fondement et la garantie pour une démocratie accrue.» Le programme baptisé SANAD (Soutien) a été conjointement lancé par l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et l'Organisation Contre la Torture en Tunisie (OCTT). Le but est de fournir l'assistance et l'encadrement juridique et psychologique aux victimes de torture et de mauvais traitements. La marche a été suivie de plusieurs activités visant à sensibiliser l'opinion publique et le gouvernement actuel. Une tente a été érigée au cœur de l'Avenue Habib Bourguiba. Des animations artistiques engagées ont été assurées par de jeunes artistes tagueurs et graffeurs. Vers la fin de la journée, les associations ont invité les Tunisiens à la projection du film «l'Affaire Barraket Essahel» de Ghassan Amami. Un dernier hommage aux victimes de la torture et pour lutter contre l'oubli et l'impunité, un rassemblement autour de bougies allumées s'est tenu sur les marches de la Bonbonnière.