«C'était prévu, mais on ne s'y attendait pas vraiment ». Il faut être devin pour décoder cette gymnastique sémantique absurde avancée par les officiels et, particulièrement, les ministres de la Défense et de l'Intérieur, dont les propos n'étaient, d'ailleurs, pas en harmonie. Mais le dépit, la colère du peuple tunisien se manifestent contre le lyrisme faussement pathétique du Président de la République qui prête aux terroristes l'intention de saboter les élections. « Sa réélection », il aurait été préférable qu'il le dise. Damant le pion à Mehdi Jomaâ qui devait parler au peuple à 21H, il annonce sa vision des choses ce qui a aussi conditionné le jugement du Chef du Gouvernement, qui ne pouvait envisager des solutions de parade immédiate, mais affirmait tout de même que nous sommes en guerre contre une mouvance régionale sans en prononcer le nom : Aqmi. Et puis, à cette journée de parade officielle, il ne pouvait manquer un Mustapha Ben Jaâfar, lui aussi agrippé aux élections et toujours tout aussi vague quant à la loi anti-terroriste, dont il avait dit, fin juin dernier, qu'elle ne représentait pas une priorité. Cette loi, justement, n'arrivera-t-elle pas trop tard ? Ne sera-t-elle pas que très peu, puisqu'elle veut concilier l'inconciliable : fermeté absolue contre les terroristes, mais tout en respectant les principes des droits de l'Homme ! Qu'est-ce à dire ? Et finalement, pourquoi le Front d'Ennahdha à l'ANC, redoute-t-il cette loi ? Syndrome post-traumatique, disent les analystes. Sauf qu'Ennahdha est au summum de sa puissance, aujourd'hui. Elle a verrouillé le pays, c'est un fait. Et donc, elle n'a plus rien à craindre. Si, effectivement, elle prône l'Islam démocratique, elle devra se prononcer clairement et sans ambiguïté sur les outrages takfiristes et salafistes, et s'en dissocier. Elle doit les condamner comme devraient le faire tous les autres partis, habiles à instrumentaliser politiquement les drames et s'entretuer pour des voix aux urnes. Et d'ailleurs, cela n'a pas raté : marche après marche, manifestations composites parce que partisanes... Tout est là. La vérité est que les partis, taraudés par la course au pouvoir, ne laisseront pas les Tunisiens regarder le danger en face et se mobiliser pour l'anéantir. Car, maintenant, il ne s'agit plus de faire face uniquement aux mouvances extrémistes, telles qu'Ansar Al Chariaâ puisque ce n'est « toujours que de l'intégrisme maison ». Il est établi – et cela depuis un certain temps, mais, on nous le cachait - que l'Aqmi envisage de brasser large sur tout le Maghreb, pour un ordre nouveau et une idéologie rédemptrice et sanguinaire. Pour cela, le plus urgent est de doter l'armée et les forces de sécurité de l'armement nécessaire parce qu'en face l'ennemi est super-armé. Il faudra des sacrifices financiers urgents, pour conforter l'armée dans sa noble mission ; une armée vraisemblablement seule face au destin d'une nation alors que les politiques rivalisent en hardiesses verbales stériles et que le peuple, le bon peuple boude tout : depuis les élections jusqu'à l'engagement patriotique.