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«Je vous ai compris» !
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 04 - 2012


Par Amel BERGAOUI
C'est enfin confirmé ! Quoi qu'en dise le guide spirituel de la nation, Rached Ghannouchi, quant au maintien de l'article premier de la Constitution de 1959, les Tunisiens demeurent toujours les dindons de la farce post-«14 janvier».
«Islam et charia ne font qu'un», «un Etat islamique est forcément un Etat civil», les philologues nahdhaouis prennent leurs aises s'agissant de définir l'identité de l'Etat tunisien ! Islamophobes en puissance pour cause de refus de la charia et par extension du Coran et de la Sunna, les Tunisiens, peuple de mauvais croyants, ignares et laïques de surcroît, soit une dizaine de millions de pauvres âmes, sont, semble-t-il, rassurés par le condescendant «Je vous ai compris» de Rached Ghannouchi. En renonçant officiellement à l'inscription de la charia dans la nouvelle Constitution en cours de rédaction.
Le comité constitutif d'Ennahdha n'a fait que reporter à brève échéance un amendement probable du nouveau Destour, et ce, dans la perspective d'une victoire aux prochaines élections présidentielle et législatives.
Messieurs Sadok Chourou, Habib Ellouze, Habib Khedher, Sahbi Attig, Noureddine Bhiri peuvent ravaler leur détresse, la charia islamique fera son entrée par la fenêtre, à défaut d'emprunter la grande porte du palais du Bardo. Si Dieu le veut !
Une fois de plus, Ennahdha se réserve le droit de faire des Tunisiens un peuple de bigots béni oui-oui. Cela prendra le temps nécessaire, d'autant plus qu'une horde de salafistes, grain de sable dans la machine à islamiser la Tunisie, s'amuse à terroriser ce «petit peuple».
Il va sans dire que l'instauration éventuelle en 2013 de la charia islamique en tant que source unique du Destour, répond littéralement aux objectifs de la «révolution du 14 janvier» et aux élections du 23 octobre dernier.
D'homme libre, de citoyen dont les droits et libertés fondamentales doivent être clairement constitutionnalisés, le Tunisien est en passe de devenir un «sujet». Les deux dictatures précédentes, laïcisantes dans la forme, ont fait de même.
C'est pourquoi, la volte-face de Rached Ghannouchi et d'Ennahdha est une tactique politique répondant à une stratégie de campagne électorale dont l'issue paraît incertaine à l'heure actuelle.
Il y a là plus qu'une duperie : le péché de mensonge…par omission. N'est-ce pas, de la part d'Ennahdha, une forme de violence envers le peuple tunisien dont les revendications sont fondamentalement socioéconomiques ?
L'intifada de Redeyef en janvier 2008, celle de Kasserine en 2009 et 2010 répondaient sans doute à l'appel de Londres de Rached Ghannouchi. Et feu Mohamed Bouazizi s'est assurément immolé pour l'instauration d'une République islamique, voire d'un avatar de califat. La confusion politique est désormais infernale.
Le rêve brisé
Le détournement démocratique du vote des Tunisiens, dont 49% se sont abstenus, met en évidence la duperie des élections du 23 octobre 2011. On a élu un nouveau régime politique, sorte de parlementarisme religieux, cantonnant l'Assemblée nationale constituante à une impavide théâtralité.
Le 23 octobre, il y avait d'ores et déjà l'intention de la part d'Ennahdha, vainqueur relatif des premières élections démocratiques de la Tunisie, d'instaurer un Etat islamique dans le fond et la forme.
D'aucuns s'en doutaient — on en a désormais un chapelet de preuves — Rached Ghannouchi, prochain président de la République, dans le cadre d'un régime parlementaire ? Il semblerait que ce scénario soit dûment rédigé en marge des élections du 23 octobre 2011…
Il n'en demeure pas moins que la grande histoire nous a démontré que les partis à finalité autoritaire, maniant le double langage tout en prônant la démocratie, font en sorte que l'alternance politique devienne impossible. D'autant plus que lorsque le dogme religieux est dans la partie.
Le rêve d'une «révolution islamique», toujours en vigueur dans la mouvance d'Ennahdha, date de quatre décennies. La démagogie de la pensée et de la gestuelle politique y afférentes ridiculisent leurs auteurs en cette phase historique que traverse la Tunisie.
Ahurissant, ce besoin permanent depuis soixante ans d'infantiliser le peuple tunisien, de le placer dans le giron du père de la Nation, islamique en l'occurrence !
Le pater politique est la condition préalable à toutes les dictatures, qu'elles soient de gauche avec en têtes d'affiche Staline ou islamique avec Khomeini.
L'Islam politique est sans doute le meilleur ennemi de l'Islam. Il ne peut exister qu'en sacralisant de fausses vérités, de fausses révélations, de véritables inquisitions.
Aujourd'hui, la sphère publique tunisienne fourmille de missionnaires d'Allah, chargés de «salafiser» le peuple tunisien, de faire de la Tunisie un «Hezballah» en puissance.
Les islamistes, toutes mouvances confondues, prennent pour certains d'entres eux, dont des responsables gouvernementaux, des raccourcis honteux dès lors que l'on revendique une Constitution civile; «un musulman ne peut refuser la charia islamique comme source fondamentale du Destour» !
La Tunisie compterait dès lors 1.540.000 musulmans (pro-Ennahdha) sur une population de 11 millions de Tunisiens. Ces derniers constituent une «minorité» à religion indéterminée.
Il faut oser ! Et cela a le mérite de mettre en exergue les gargarismes d'une idéologie figée dans l'immobilisme de l'esprit, meilleur ennemi de la liberté des peuples.
Et le discours des vanités qu'un bataillon de conseillers politiques de la Troïka égrènent à tour de bras à travers les médias révèle d'audacieuses insanités doublées d'une arrogance intellectuelle dont le ridicule ne tue point. L'indice de croissance est à -1,97, le déficit budgétaire est de l'ordre de -6,5% pour 2012, le peuple livre une bataille perdue d'avance contre les spéculateurs de la tomate et du poivron, le Nord-Est et le Sud-Est sont plombés par un désespoir sans issue, les stupéfiants et les armes circulent allégrement de part et d'autre du territoire, le tourisme fait lentement mais sûrement son deuil pour cause de terreur salafiste et d'antisémitisme exacerbés. La gabegie en matière de finances publiques est à son summum alors que la corruption institutionnelle vit les plus belles heures de son histoire. A part cet ensemble de petits détails, convenons que tout va bien sous le ciel azuréen de la Tunisie... Quant à la charia islamique, nous en reparlerons lorsque les Tunisiens deviendront, dans une année tout au plus, les pieux croyants.
Trêve de candeur politique, voire de candeur tout court!
Le vice et la vertu
Les Tunisiens et les constituants en premier lieu, du moins ceux épargnés par l'extrémisme religieux, ont le devoir de dépêtrer ad vitam eternam le sacré du politique.
Il s'agit de le replacer dans son contexte naturel: la mosquée et la tradition sociétale. Encore que plus de 500 mosquées sont hors contrôle de l'Etat, déviant vers un extrémisme dont la surenchère pseudo-religieuse risque de verser le pays dans une «Saint-Barthélémy» islamique.
Malgré le négationnisme ambiant, musulmans, les Tunisiens l'ont toujours été. Du reste, la Constitution de 1959 est truffée de référents directs et indirects à la charia islamique, source de la législation actuelle. Citons entre autres les lois régissant le Code de la famille.
Le débat sur la charia islamique entrepris par les pontes d'Ennahdha est un faux débat. Il s'inscrit en amont d'une stratégie politique des plus prosaïques: la politique de l'infiltration. Ou comment occuper le territoire pouce par pouce, en pyramide inversée, afin de modeler un peuple à une idéologie déterminée, à savoir l'islamisme.
C'est pourquoi le terme d'islam «modéré» que le professeur Ghannouchi, en excellent philosophe qu'il est sert et dessert à l'occasion, est un oxymore. De ce fait, il annule le concept pervers d'«intégrisme modéré».
Les islamistes sont dans un «jihad» qu'ils ne nomment pas explicitement, et ce, depuis les années 1970. Pour eux, la fin justifie les moyens. D'où le report et non pas l'annulation de l'instauration de la charia islamique en Tunisie.
«La charia islamique» en tant que telle n'effarouche pas les croyants. Cependant, entre les mains d'un «calife», elle peut devenir à escient un instrument de répression. Le Prophète et Omar Ibn El Khattab, n'étant plus de ce monde, l'application de la charia islamique dans le monde arabo-musulman s'est révélée être une arme oppressive contre les libertés individuelles, un alibi pour les dictatures.
Que l'on cesse donc de faire avaler aux Tunisiens la pilule amère d'un islamisme, respectueux des droits et libertés fondamentales du citoyen, l'islamisme politique annule la démocratie, alors que l'Islam peut évoluer en démocratie. La nuance est saisissante bien qu'insaisissable pour la majorité des islamistes de tous bords.
L'installation aujourd'hui d'un appareil d'Etat pro-nahdhaoui, à travers la nomination de hauts fonctionnaires de l'Etat, en est la concrète certitude.
Nous assistons effarés mais pas durpes à la politique de diviser pour régner et du «je te tiens, tu me tiens par la barbichette», et cela au détriment de la misère sociale du peuple d'en bas.
Cela ne peut nous conduire que vers le chaos. Et c'est cela même que les salafistes espèrent pour construire un nouvel ordre, une nouvelle nation. Islamique, cela va sans dire.
C'est donc à cette «minorité» de 10 millions de Tunisiens, viscéralement attachés à leur idendité de lutter pour l'indépendance de l'Islam contre l'islamisme. Pour leur liberté tout court.
Car Allah a fait de l'Islam une religion et une bénédiction pour les hommes. Nombre parmi ces derniers en ont fait une politique, un projet fasciste. D'où la conjonction du vice et de la vertu là où l'on ne l'attendait pas.
Détruire le modèle tunisien
Des milliers de manifestants, moins d'un dizième de la population tunisienne, appellent à faire de la charia islamique l'unique source de législation de la Constitution et à œuvrer à son application. On n'attendait pas moins de l'organisateur de ce «soulèvement» islamique, le Front tunisien des associations islamiques. Soit 112 associations au financement occulte sans être pour autant mystérieux.
L'émoi de ces brebis du Seigneur a le mérite de conforter les observateurs dans l'intime conviction que, s'il y a complot, c'est bien celui de mettre au pas l'Islam tunisien. En effet, il existe bel et bien un Islam tunisien, expression d'un ijtihad qui fait notre singularité dans le monde arabo-musulman.
L'ijtihad de nos oulémas a permis d'associer au dogme de la révélation coranique le postulat de la raison. Car le Coran est essentiellement «raison», libérant le croyant du joug du «diabolos» (celui qui sépare), l'autorisant ainsi à exercer son droit au libre-arbitre.
En cela, le Saint Coran n'est point liberticide. En révélant le Créateur, il révèle l'homme à lui-même. D'où la nécessité d'une réflexion perpétuelle, s'inscrivant dans une dynamique réformatrice des sociétés islamisées.
Effort ardu que celui de la réflexion lorsque des intégristes de la paresse intellectuelle dévoilent leur ignorance la plus crasse en matière de subtilités du texte coranique et de son exégèse.
Ils sont donc quelques milliers de salafistes wahabisés, éperdus et perdus au sein de 11 millions de Tunisiens. Les inconditionnels du prosélytisme islamiste, dont l'emblématique Sahbi Attig, démontrent ainsi qu'ils se sont trompés de peuple, de pays.
Lorsqu'on vide la nation tunisienne de son peuple, la réduisant à une «majorité» de 20.000 manifestants se réclamant de la charia, c'est qu'il y a péril en la demeure… d'Ennahdha.
A l'évidence, nous assistons à une détermination loufoque et insensée à vouloir détruire le modèle tunisien.
Pourquoi ? Pour qui ?
Depuis 1956, la Tunisie est l'épine au pied de nombreux Etats islamiques dont l'interprétation politisée de la charia a opportunément servi à assujettir leur peuple. Quant au CSP tunisien, il demeure aujourd'hui encore au travers de leurs gorges, chaudes d'amertume islamisante. La Tunisie n'est pas un pays laïc, ne l'a jamais été et ne le sera pas. Soutenir le contraire c'est faire montre d'un esprit alambiqué.
D'ou l'impérieux souci de maintenir l'article premier de la Constitution de 1959. Cet article est à la source de l'Islam tunisien, soit une lecture contemporaine libératrice et fédératrice du Coran et de la Sunna, offrant aux Tunisiens les outils du savoir, du développement. Et donc de la liberté.
C'est pourquoi, l'ijtihad des musulmans tunisiens dérange au plus haut point les tenants de l'islamisme politique. Sans oublier par ailleurs les prisonniers d'une «foi» déraisonnable dont le déséquilibre au niveau de la pensée révèle une indécente psycho-rigidité.
La théocratie est la pire des dictatures, prenant des raccourcis menant tout droit aux portes de l'enfer, dont une flopée de jihadistes détient la clé.
La liberté de penser, de critiquer, d'envisager des alternatives à toutes les postures de la réflexion font de l'ijtihad un exercice… démocratique.
Et c'est là que le bât blesse, les islamistes timorés : l'homme, libre, devient acteur dans les affaires de la cité. Sa citoyenneté participative l'autorise à demander des comptes au pouvoir. C'est pourquoi «musulmans» tunisiens et islamistes ne semblent pas lire le même Coran. Celui-ci est plus qu'une révélation. Il est en soi une révolution s'adaptant à tous les temps et à la diversité des peuples musulmans.
Il n'en demeure pas moins que cette caravane d'associations islamistes entraîne Ennahdha sur les rives de l'extrême droite, fossoyeur de toutes les libertés.
Ennahdha, du moins sa faction jihadiste et wahabite, en réfutant l'identité tunisienne au profit de «l'internationale islamiste» a déçu.
A tous les égards, ce parti a raté son rendez-vous avec l'Histoire. Certains diront sa rédemption.


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