Il s'agit d'un drame qui a frappé telle la brutalité assourdissante d'une foudre assommant la famille Takia. Une journée visiblement ordinaire pour ces jeunes parents qui amènent tous les matins, depuis 4 mois, leur enfant unique Yazid à la crèche. Ce petit bébé d'à peine 7 mois est le benjamin d'une douzaine d'enfants à la charge de la directrice des lieux. Tout semblait aller pour le mieux, quand, soudain, un simple coup de fil à la mère du bébé, fait basculer la journée dans le drame. «Yazid est dans la réanimation». En fait, il était déjà mort... Lieux suspects Située derrière l'ambassade de l'Arabie Saoudite, au Centre Urbain Nord, la crèche est sise dans un immeuble luxueux. Tout semblait irréprochable et d'une nette propreté. Le personnel était, cependant, curieusement très réduit. Outre la directrice, il n'y avait qu'une seule employée âgée d'une vingtaine d'années. Elle n'était autre que la fille de la responsable des lieux. Pourtant, une crèche doit être essentiellement composée d'une équipe où chacun a une tâche bien déterminée. Les tout-petits doivent être accueillis dans un cadre spécialement conçu pour les enfants en bas âge. Ils doivent être, également, répartis par tranche d'âge. Ces bébés sont logiquement encadrés par des professionnels du métier : éducateurs pour jeunes enfants, auxiliaires de puériculture et puéricultrices. Les petits enfants doivent être encadrés par une équipe médicale composée d'un pédiatre et d'un psychologue pour que l'enfant jouisse d'un suivi médical permanent. Or, en Tunisie, une grande partie de nos garderies scolaires et de nos crèches ne respectent pas la loi et ne sont pas contrôlées. Beaucoup d'entre elles sont gérées par des personnes non qualifiées, sans diplômes et ne respectent ni les règles de l'hygiène ni les normes fixées par l'Etat. Malheureusement, ce sont ces petits anges impuissants et fragiles qui en payent les frais. En l'absence du regard veillant des parents, les responsables des crèches jouissent d'une liberté d'agir et de faire sans contrôle de la part des services concernés. Les dépassements et la négligence peuvent provoquer beaucoup d'accidents dont les victimes ne sont autres que ces innocentes créatures. Cela peut aller du viol jusqu' à la mort. D'aucuns se viendront du viol de la petite fille survenu il y a plus d'un an. Une tragédie qui a bouleversé l'opinion publique. Aujourd'hui, nous venons de perdre un petit bébé âgé de 7 mois. Il s'appelait Yazid. Un jeune père inconsolable Le Temps a appelé le père de Yazid, M. Mahmoud Takia. Avec une voix cassée, il nous confia : «On amenait notre petit bébé depuis 4 mois à cette crèche. Nous payons, ma femme et moi 260 dinars par mois. Tout paraissait parfait à quelques détails près. La crèche est située à proximité du travail de ma femme à l'Ariana et tout paraissait propre. Néanmoins, il y avait quelques détails qui nous paraissaient louches. A chaque fois que j'allais récupérer mon bébé, on me faisait attendre 5 à 10 minutes dehors. Cela me paraissait étrange mais la directrice prétextait à chaque fois un empêchement : changement de couches ou autres. J'ai remarqué une fois un objet en forme de banane qui servait de cale-biberon. J'ai fait comprendre à la directrice qu'il était hors de question d'allaiter mon bébé avec ça. C'est un tout petit bébé et c'est très dangereux comme moyen d'allaitement. Un tout petit moment d'inattention ou d'oubli et c'est l'asphyxie. J'ai dû insister pour que Yazid ne soit plus allaité par ce cale-biberon. J'ai même fait des recherches sur cet objet, je n'ai rien trouvé ! Elle m'avait promis, qu'exceptionnellement pour lui, elle l'allaitera en personne à l'aide d'un biberon.» Le comportement louche ne s'arrêtait visiblement pas là : «Ce qui nous avait intrigué pendant un bon moment c'est le fait que l'on ne reçoive pas de quittance lors du paiement mensuel. La directrice nous faisait marcher à chaque fois. «Cela va se faire très bientôt, ne vous inquiétez pas», nous répondit-elle. Quant à la formalité d'inscription, rien n'était dans les règles. On a beau ramener notre enfant unique depuis 4 mois tous les jours à la crèche, aucun formulaire d'inscription n'a été rempli. A chaque fois qu'on le lui demande, elle nous sort tantôt «je suis en train de changer de cachet», tantôt «j'ai perdu le nouveau cachet». Cela a commencé à nous mettre la puce à l'oreille. Maintenant, je me rends compte que cette crèche n'était pas agréée ! Quand ma femme m'a appelé pour m'annoncer la nouvelle, je fus anéanti !». Le petit Yazid est mort asphyxié. Le cale-biberon en serait la cause. La directrice n'avait paraît-il pas tenu sa promesse. Un moment de désinvolture et d'oubli ont coûté la vie à ce petit bout d'ange. Au moment où elle s'est aperçue de ce l'état de Yazid, il était déjà trop tard. Elle l'a amené à la clinique mais il était déjà mort. Le verdict du pédiatre tomba comme un couperet: Yazid a perdu la vie suite à une asphyxie. Entre temps, la directrice, prétextant une urgence familiale, s'est enfuie non sans avoir appelé la maman, non pas pour lui dire que son propre bébé est mort mais pour lui faire croire que Yazid était en réanimation. Après quoi, elle éteignit son portable, désactivent elle et sa fille leurs comptes Facebook et la page officielle de la crèche. Elles avaient disparu jusqu'à l'heure où nous mettions sous presse. Elle aurait oublié que parmi les missions d'une directrice de crèche figurent l'hygiène et la sécurité des petits enfants qu'elle a en charge. Il s'agit d'une tâche pour laquelle on ne peut pas s'engager à la légère et qui exige de longues années d'études spécialisées et de l'expérience. Ce qui ne semble pas être le cas pour la directrice de cette crèche. «Elles se sont volatilisées. Une enquête vient d'être ouverte. Les recherches sont lancées pour les retrouver. C'est la Secrétaire d'Etat de la Femme et de la Famille, Neila Chaabane qui a appelé la mère inconsolable pour lui annoncer que les autorités ont ouvert une enquête pour retrouver les deux femmes en question et que le délégué de la protection de l'enfance est en possession du dossier de Y azid.» nous déclaré M. Mahmoud Takia.