Dhoha Souissi, la mère du petit garçon Yazid Ben Tekaya, se confie à La Presse au sujet du décès de son fils dans une crèche illégale. Elle exige un contrôle plus sérieux de ce type d'espace pour qu'il n'y ait plus d'autres victimes. Dhoha Souissi, épouse Ben Tekaya, a perdu son bébé de huit mois, Yazid lundi 4 août. Mort étouffé dans son lit à la crèche, l'autopsie a révélé que ses poumons étaient pleins de lait; l'hypothèse de la mère étant que la responsable de la crèche située dans le Centre Urbain Nord de Tunis, avait laissé le bébé téter seul avec un cale-biberon. Le combat de Dhoha, aujourd'hui, est de prévenir les risques qu'encourent tous les bébés tunisiens qui sont gardés par des personnes incompétentes à la tête de crèches non autorisées légalement. Cette assistante sociale, cadre au ministère des Affaires sociales, déplore le fait qu'il n'y ait pas assez de contrôle des crèches. «Ce n'est pas à moi de vérifier que la crèche est bien légale, chacun doit faire son travail», répète la maman de Yazid. En effet, cette jeune mère, fraîchement recrutée, a dû retourner travailler un mois et demi après son accouchement. Après avoir fait garder son fils par des femmes à domicile, elle n'a pas trouvé d'autres moyens que de l'emmener à la crèche. Elle a trouvé cette crèche spéciale nourrissons sur Internet; «elle était située dans un beau quartier, dans un immeuble de luxe, tous les parents qui y laissaient leurs enfants la recommandaient». A aucun moment elle n'a soupçonné cette crèche qui lui coûtait 260 dinars par mois d'être illégale. «La directrice était très rassurante, toujours habillée d'une blouse et de mules, elle demandait aux parents d'enlever leurs chaussures avant d'entrer dans l'espace des enfants et d'amener avec eux une bouteille d'alcool pour désinfecter les lieux après notre départ». La crèche n'assume pas sa responsabilité Des photos d'anniversaires, des enfants épanouis, des parents satisfaits des services de la directrice et de sa fille qui gardait les bébés avec elle, Dhoha a néanmoins vu un point noir dans le tableau avant le drame qui a coûté la vie de son fils unique. Un jour, par hasard, elle est arrivée au moment où la directrice donnait le biberon aux bébés et eut la surprise de voir que celle-ci les nourrissait à l'aide d'un cale-biberon sur la poitrine afin de les laisser boire leur lait seuls. «Je lui ai immédiatement dit que je ne voulais pas que Yazid soit nourri comme ça, c'était le plus jeune des bébés, il n'était pas habitué», raconte Dhoha, «elle m'a promis de le nourrir dorénavant à la main». Une promesse qui n'a visiblement pas été tenue. Les parents de Yazid ont porté plainte contre la directrice de la crèche et sa fille qui ne donnent plus de nouvelles depuis qu'elles ont emmené le bébé à la clinique, et toutes les traces de la crèche sur Internet ont été supprimées. «Je sais qu'elles ne sont pas méchantes, qu'elles n'avaient pas l'intention de tuer mon enfant, mais j'aurais voulu qu'elles prennent leurs responsabilités, qu'elles me consolent un peu en m'expliquant ce qui s'est passé». Mehyar Hamadi, délégué national chargé de la protection de l'enfance, rattaché au ministère de la Femme et de la Famille, affirme qu'il n'y a pour l'instant, aucune information officielle concernant l'existence de cette crèche. Il estime que c'est aux parents et aux autorités locales de signaler les espaces de garde d'enfants qu'ils soupçonnent; «les crèches qui n'ont pas de cachet sur les reçus qu'ils donnent aux parents, qui se trouvent dans des lieux atypiques, comme dans un garage ou dans un appartement en étage, par exemple». Pour l'instant, le ministère a seulement prévu de publier la liste des crèches et des jardins d'enfants homologués sur son site, en plus des spots de sensibilisation qu'ils ont l'habitude de diffuser. Néanmoins, M. Hamadi conseille aux parents inquiets, de demander toujours à leurs enfants ce qu'ils font pendant la journée, de vérifier auprès du directeur de l'espace la preuve du dépôt d'un cahier des charges au ministère et de faire attention à ce qu'il y ait bien un médecin conventionné. «Les parents ont le droit d'entrer dans la crèche où est gardé leur enfant à n'importe quelle heure», rappelle également le délégué national chargé de la protection de l'enfance. Une marche silencieuse en hommage au petit Yazid aura lieu demain, samedi, à 10h00 sur la Place des Droits de l'Homme à Tunis. Dhoha, la maman, espère qu'un grand nombre de personnes y participera : « Mon fils est parti, je ne veux pas que d'autres enfants tunisiens meurent».