Ceux qui étaient présents aux locaux de l'instance supérieure pour les élections à la clôture du dépôt des candidatures pour la présidentielle, parlent d'un spectacle insolite, une vraie foire d'empoigne. Des personnages de divers horizons accourus pour s'inscrire à la dernière minute, s'adonnaient à toutes sortes de bizarreries entre tenues extravagantes, facéties absurdes, propos farfelus. Ils postulent tous à la magistrature suprême, à la fonction convoitée de président de la République. Au dernier décompte, ils sont 73 à avoir déposé leur dossier. Jamais présidentielle, peut-être à travers le monde, n'a enregistré un aussi grand nombre de candidats. Et même, après les inévitables éliminations pratiquées par l'ISIE, plusieurs dossiers étant incomplets et leurs dépositaires le savent, la première vraie élection présidentielle au suffrage universel en Tunisie sera marquée par la pléthore de candidats et la banalisation de la course au Palais de Carthage. Est-ce la faute à la Révolution ou à la nouvelle Constitution qui a permis, comme le souligne le secrétaire général de l'Association tunisienne du droit Constitutionnel « une souplesse des conditions de candidature dont le nombre relativement faible de parrainage par les élus et les citoyens, l'absence de limite d'âge, la possibilité de candidature pour les binationaux... » ? Ou est-ce tout simplement une dérive qui finira tôt ou tard par être corrigée à force d'initiation démocratique et de pratique réelle de la démocratie ? A vrai dire, et malgré les pas franchis, le passage de la dictature à la démocratie fait en sorte que celle-ci n'est pas bien assimilée dans sa quintessence. La frénésie de candidatures à la présidentielle n'en est qu'un exemple. Car l'état d'esprit chez presque toutes les franges de la société n'a pu s'élever au niveau des idéaux véhiculés par la Révolution et qui attendent toujours d'être concrétisés. Evidement, les vieilles pratiques ont la peau dure, la course à la fonction de président de la République continue d'être perçue chez le commun des Tunisiens comme le sésame qui ouvre la porte du pouvoir absolu, de la richesse, du passe-droit dans l'impunité. D'où cette focalisation exagérée et peut-être voulue par certaines parties politiques, alors que les prérogatives du président de la République sont délimitées (justement pour qu'elle ne rebascule plus dans la dictature) et que l'essentiel du pouvoir est concentré entre les mains du Chef du gouvernement. Normalement l'attention doit être concentrée sur les législatives et les programmes des partis. Bizarrement c'est le contraire qui se produit et c'est dommage !