Outre la popularité des partis en lice et les retombées des campagnes électorales, deux phénomènes pèseront sur les résultats des élections législatives du 26 octobre : la large proportion d'indécis et la forte abstention prévue. Cela se joue à deux niveaux : d'une part, 45,3 % du corps électoral ne sont pas inscrits sur les listes électorales et n'ont pas donc le droit de voter. D'autre part, une partie des 5 188 426 électeurs inscrits sur les listes électorales n'ira pas voter pour diverses raisons. En plus des raisons personnelles, professionnelles ou familiales qui pourraient empêcher certains électeurs de se rendre aux urnes, ce fort taux d'abstention attendu révèle une désaffection des Tunisiens vis-à-vis de la classe politique, entretenue en permanence par les chamailleries et les combats de coqs beaucoup plus qu'une défaillance citoyenne. «Des espoirs considérables ont été soulevés au moment de la révolution. Les Tunisiens pensaient alors que la démocratie allait opérer comme par magie. Aujourd'hui, ils sont face à la réalité. La population est particulièrement affectée par la situation économique, le chômage et la délinquance. Ces problèmes d'ordre public et social sont anxiogènes si bien qu'aujourd'hui, un Tunisien sur deux est vraiment convaincu par le système démocratique. Ce désenchantement risque de se traduire par un fort taux d'abstention. Peut-être même de l'ordre de 50% du corps électoral. Le même scénario s'est déroulé il y a trois ans. Pour ce scrutin, l'abstention pourrait avoir une influence considérable sur le résultat des élections », souligne Pierre Vermeren, historien spécialiste du Maghreb contemporain et professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Même son de cloche ou presque chez le juriste et professeur de droit constitutionnel Kaïs Saïed : «De manière générale, l'abstention ne pourra servir que les grands disposant d'une large base populaire et dont les militants sont très disciplinés ». En ce qui concerne les indécis, les derniers sondages autorisés ont révélé qu'entre 40% et 60% des Tunisiens ne savent pas encore pour qui ils voteront lors des législatives, en raison notamment du nombre impressionnant des listes qui entreront en lice , de la faible confiance qu'elles inspirent et du flou et la confusion qui régnaient autour des programmes électoraux des différents partis. Cette grande proportion d'indécis pourrait théoriquement constituer une poule aux œufs d'or pour tous les partis, même si les experts estiment qu'elle profitera davantage aux partis n'ayant pas une idéologie précise. «Le taux élevé d'indécis profite traditionnellement aux partis non idéologiques3, précise Hassen Zargouni, directeur général de Sigma Conseil. Et d'ajouter : «Les dernières 48 heures sont souvent décisives dans ce cadre. Les partis qui sauront capter l'attention des indécis grâce à un message subtil ou un mot bien placé profiteront de cette manne».
