Alors que les dates des prochaines élections ont été déjà fixées, plus de 4 millions d'électeurs restent à inscrire sur un total de près de 8 millions de Tunisiens composant le corps électoral. 11 jours après le lancement de l'opération des inscriptions par l'Instance électorale indépendante pour les élections (ISIE), le compte est loin d'être bon. Selon le porte-parole de l'ISIE, Kamel Toujani, 60.000 personnes seulement se sont inscrites jusqu'au 3 juillet, venant s'ajouter à ceux qui s'étaient déjà inscrits en 2011. Ce chiffre est d'autant plus dérisoire et d'autant plus insignifiant que 800.000 jeunes viennent d'avoir l'âge requis pour aller voter. Député et membre du secrétariat national d'Al-Massar, Fadhel Moussa, pense qu'à ce rythme, on se retrouvera, dans le meilleur des scénarios, avec 300.000 nouveaux inscrits. Le président de l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (ATIDE), Moez Bouraoui, a vivement critiqué l'ISIE, considérant qu'elle était responsable de ce chiffre dérisoire. Il a notamment fustigé dans ce cadre, la limitation des inscriptions à l'horaire administratif, l'absence de bureaux de l'ISIE dans certains régions et le lancement tardif de la campagne de sensibilisation et la réduction du budget réservé à cette campagne de quelque 3,5 millions de dinars à 1 million de dinars seulement M. Bouraoui est même allé jusqu'à accuser explicitement l'ISIE de vouloir garder un paysage politique identique à celui qui est apparu au lendemain des élections du 23 octobre. Sursaut A l'ISIE, on rappelle, cependant, que le Tunisien a tendance à s'y prendre à la dernière minute et espère un sursaut des personnes non inscrites, peu de temps avant l'expiration du délai, le 22 juillet prochain. Quoi qu'il en soit, le faible nombre de nouveaux inscrits sur les listes électorales confirme une tendance lourde révélée par les différents sondages d'opinion réalisés ces derniers mois. Ainsi, le dernier sondage en date effectué par Emrhod Consulting du 10 au 13 juin, auprès d'un échantillon représentatif de 1.250 personnes en âge de voter révèle qu'à quelques mois des élections, le bloc des abstentionnistes est formé de 40% des personnes interrogées. Le taux des indécis a, d'autre part, augmenté entre avril et juin 2014, passant de 14,1% à 25,8%. Une part non négligeable de ces indécis s'ajoute souvent aux abstentionnistes, selon les experts. Le dernier sondage de Sigma Conseil révèle, quant à lui, que plus de 60% des Tunisiens sont tentés par l'abstention. Selon les experts, ce fort taux d'abstention attendu qui révèle une désaffection des Tunisiens vis-à-vis de la classe politique entretenue en permanence par les chamailleries et les combats de coqs beaucoup plus qu'une défaillance citoyenne, profitera notamment au mouvement islamiste Ennahdha. En parti discipliné, ce mouvement saura de nouveau mobiliser un électorat acquis qui se déplacera en masse le jour de vote. Grands partis Lors des élections d'octobre 2011, la participation avait été si basse en Tunisie, que le mouvement Ennahdha, avec seulement 18% des suffrages effectifs, (40% de 50% des votants), avaient été capable d'obtenir une majorité à l'Assemblée nationale constituante (ANC). «De cette manière l'abstention ne pourra servir que les grands partis disposant d'une large base populaire et dont les militants sont très disciplinés, en l'occurrence le mouvement Ennahdha et le parti Nida Tounes », avance le juriste et professeur de droit constitutionnel Kaïs Saïed. Et d'ajouter : « l'abstention pourrait trouver son origine dans une impression qui se dégage des sondages d'opinion et selon laquelle Ennahdha et Nida Tounes dominent la scène politique nationale. D'où la tentation pour certains de considérer que les jeux sont faits et de ne pas se donner la peine de prendre le chemin des urnes le jour du vote ».