Les émissions télévisées entrant dans le cadre de la campagne électorale pour les législatives qui doit s'étaler sur trois semaines, ont démarré la semaine dernière à raison de trois heures par jour. Les affiches des différentes listes ont été collées avec plus ou moins de bonheur. La campagne proprement dite a bien démarré. Elle devra pêcher des voix auprès des indécis, sujets à des tourments de choix. Les interventions des têtes de liste des candidats auront-elles l'impact escompté pour faciliter la tâche aux indécis et les éclairer? Tout d'abord, quel est le poids électoral des indécis et son pesant sur les résultats dégagés des urnes ? Finiront-ils par décider dans un sens ou un autre, de l'orientation du résultat définitif ? Faudra-t-il tout d'abord commencer par éviter l'amalgame et la confusion entre indécis et abstentionnistes. Il y a dans la population des citoyens ceux qui ont décidé de s'abstenir et ne voteront donc pas, pour une raison ou une autre, idéologique ou personnelle. Il s'agit des abstentionnistes. Ils s'excluent eux-mêmes du processus électoral et n'ont aucune influence sur les résultats des élections, sauf en termes de légitimité populaire. Si plus de la moitié des inscrits ne se déplacent aux urnes, la légitimité des prochains élus sera moindre que dans le cas d'une participation massive au vote. Quant aux indécis, ils vont bien voter, mais ils ne savent encore pour qui le faire. Hichem Guerfali, DG de 3C Etudes, les estime au tiers des votants. Il déclare au Temps : « les indécis se trouvent chez toutes les catégories de votants. Leur part est plus faible chez les séniors dont le poids n'est pas négligeable. Le taux d'indécis est aussi plus faible que la moyenne inhérentes aux femmes au foyer ». Les séniors sont réputés être sensibles aux discours des Destouriens. Les femmes au foyer, selon les sondages réalisés avant d'être interdits, sont plus proches des idées conservatrices. « Mises à part ces deux catégories d'électeurs, l'indécision taraude toutes les autres catégories : jeunes, moins jeunes, hommes, femmes, milieu rural, milieu urbain, chef d'entreprises et employés », insiste notre interlocuteur... La campagne électorale les poussera-t-elle à se décider ? Notre expert dans le suivi de l'opinion publique, pense que la campagne électorale avec les arguments présentés par les différents candidats est de nature à amener certains électeurs indécis à se fixer sur une liste plutôt qu'une autre. Il ajoute : « toutefois, le taux d'indécis restera malgré la campagne très élevé à l'approche du scrutin. Il y a ceux qui ne se décident qu'une fois à l'intérieur du bureau de vote. En 2011, un quart des votants avaient fait leurs choix instantanément le jour même du vote, vraisemblablement au moment où ils se sont trouvés face aux urnes. Les discours de la campagne n'aident à se décider qu'une infime partie. La majeure partie des indécis, le restera jusqu'au jour du vote. Cela peut changer totalement les résultats du vote par rapport à la configuration d'aujourd'hui ». Les électeurs, sont-ils aussi rationnels que l'on pourrait imaginer ? Hichem Guerfali avance qu'en 2011, 5% des électeurs ont voté au grès du hasard. Parmi les indécis, certains feront un vote de refus contre les partis connus, en choisissant un autre très peu connu. Jawhar Ben M'Marek, universitaire et coordinateur de l'association Dostourna, pense que le nombre des indécis semble très important, avoisinant la moitié de l'électorat. Il précise : « Un autre chiffre très intéressant à analyser, 80% de la masse des hésitants savent pour qui ils ne vont pas voter. C'est un chiffre révélateur. C'est un début de choix. Je pense que c'est un phénomène assez naturel. Nous le constatons aussi dans d'autres pays démocratiques en Europe et ailleurs, mais à un degré moins important que chez nous. En Europe, il se situe entre 30 et 35% de l'électorat ». Par ailleurs, notre universitaire considère que la manière avec laquelle se déploie la campagne électorale n'est pas de nature à aider l'indécis à faire son choix. « C'est une campagne complètement désorganisée et hors la loi. C'est une campagne qui est restée superficielle, sans débats de fond sur les idées, ni les programmes. Le traitement médiatique, surtout audio-visuel, est entrain plutôt de brouiller les cartes pour l'électeur que de l'aider », dit-il. D'ailleurs, il ne pense pas que les prochaines élections enfanteront beaucoup de surprises, contrairement à celles de 2011. « Il y a un retranchement et une guerre de camp très claire. La bipolarisation est là. Tous les indices convergent pour une forte bipolarité du vote. Cela n'est pas réjouissant. Ça pourrait donner un parlement qui ne représente pas la diversité de l'opinion publique tunisienne », regrette l'universitaire.