Un précédent grave vient d'avoir lieu aux îles Kerkennah et plus précisément au large de la localité de Kraten : selon les témoignages recueillis auprès des intéressés, les pêcheurs de la localité, excédés par la passivité de la direction générale de la pêche et des autorités régionales et locales, face à la recrudescence de la pratique de la pêche au chalut, se sont résolus à se faire justice eux-mêmes en allant saisir et ramener au port deux embarcations, qui pratiquaient ce genre de pêche au large de Kraten, avec leurs équipages, avant d'appeler les gardes maritimes. Ces derniers ont confisqué le matériel de pêche et conduit les équipages en infraction pour les besoins de l'enquête d'usage, avant de les relâcher par la suite. Par contre, la direction régionale de la pêche a été aux abonnés absents, s'abstenant de réagir ou de faire le moindre geste pour saisir les embarcations, une procédure qui fait partie de ses prérogatives et non pas de celles de la garde maritime. Conséquence : les pêcheurs au chalut s'en sont tirés quasiment sans la moindre sanction. Une véritable razzia Selon les marins pêcheurs qui continuent de pratiquer la pêche traditionnelle, cette impunité dont jouissent les pêcheurs contrevenants du fait du laisser-aller de la direction la générale de la pêche est à l'origine du retour en force de la pêche aux filets traînants, pratiquée, dit-on, par des pêcheurs originaires des régions de Chebba, Sidi Mansour, Ellouza,Jébéniana etc. Bilan : la destruction des richesses halieutiques à Kerkennah , donc des sources de revenus des pêcheurs insulaires. À titre d'exemple, bien que la campagne de la pêche aux poulpes ne soit pas encore ouverte par le ministère de l'Agriculture, les usines de conservation et d'export des produits de la mer sont fournies en ce céphalopode à la chair délicieuse qui fait la richesse et la notoriété des Iles. Invention diabolique D'ailleurs ces mêmes usines reçoivent tout au long de l'année et sans interruption, des quantités de poulpes pêchées par des plongeurs munis de masques. De plus, on assiste à l'émergence d'une pratique diabolique qui consiste à appâter les poulpes par des crabes placés dans des pêcheries en plastique. L'apparition de ce dernier fléau associée à la pratique de la pêche au chalut et à la plongée sous-marine est en train de faire disparaître les poulpes de nos mers. Désertification inéluctable Et pas uniquement le poulpe! En effet, la seiche et les éponges sont menacées elles aussi d'extinction! De quoi signifier que nous sommes en train de courir vers une catastrophe économique et écologique! Il n' y a d'ailleurs qu'à se référer aux statistiques des prises pour s'en rendre compte. Mounir Kécharem, pêcheur de Kraten, avance à ce propos des chiffres ahurissants : dans les années 1990 les prises de poulpes se situaient entre 25 et 30 tonnes par jour; aujourd'hui elles ne dépassent guère les 750 kg ! Idem pour la seiche, dont les prises s'élevaient à 20 tonnes par jour alors que lors de la campagne des dernières vacances de printemps, zéro prise après seulement quatre journées d'activité. Une nouvelle catastrophe en vue Ainsi face à la recrudescence des infractions de pêche au chalut, face au sentiment d'injustice et d'impuissance qui s'en suit, sous l'œil indifférent de la direction générale de la pêche, les 150 embarcations de pêche de la localité de Kraten ont décidé de reconvertir leurs activités en s'adonnant dorénavant à la pêche au chalut, se considérant légitimement dans leur droit puisqu'il s'agit des côtes de leur archipel.