L'annonce a été publiée hier matin, jeudi 6 novembre : Abdelwahab Meddeb est décédé des suites d'une « grave maladie » à l'âge de 68 ans. Né en 1946 à Tunis, Abdelwahab Meddeb apprend, sous l'autorité de son père, le Coran à partir de quatre ans. Deux ans après il intègre l'aile destinée à l'enseignement primaire du collège Sadiki. Le petit écolier se trouve alors en présence d'une double culture qui influencera sa pensée et sera au cœur même de l'œuvre de l'adulte qu'il deviendra. Après son baccalauréat, Abdelwahab Meddeb intègre l'Université de Tunis qu'il quitte au bout de trois ans pour poursuivre des études de lettres et d'histoire de l'art à la Sorbonne. Etyabli à Paris en 1967, il n'a quitté la ville Lumière que pour y revenir. Cette ville d'adoption devient son lieu vital et le cœur battant de sa vie d'enseignant et de penseur. Abdelwahab Meddeb y obtient une licence et une maîtrise respectivement en 1969 et 1970, et c'est à l'université d'Aix-Marseille, en 1991, qu'il obtient son doctorat en soutenant une thèse s'intitulant : « Ecriture et double généalogie ». Fervent défenseur du dialogue des cultures, Abdelwahab Meddeb a toujours revendiqué son appartenance à la double culture orientale et occidentale. Outre sa carrière d'enseignant de littérature comparée, il a collaboré à des revues depuis ses premières années en France, notamment Les Cahiers du cinéma et Les Temps modernes dans les années 1970. Il a été lecteur aux éditions du Seuil puis directeur de collections aux éditions Sindbad. Il fonda, en 1995 sa propre revue qu'il baptisa « Dédale ». Il a fait connaître des textes de soufis et de penseurs arabes et perses et en 1983, il traduit en français le roman de l'auteur soudanais Tayeb Salah : « Saison de la Migration vers le Nord ». Contacté par le directeur de radio France Culture, Patrice Gélinet, en 1997, Abdelwahab Meddeb produit et anime une émission hebdomadaire « Culture d'Islam » qui deviendra le rendez-vous incontournable du vendredi pour des centaines d'auditeurs. Parallèlement à l'enseignement et à la vie culturelle dans l'édition et les médias. Abdelwahab Meddeb était également connu comme poète, écrivain et surtout essayiste. Après son roman « Phantasia », paru chez Seuil en 1986, et un premier ouvrage « Talismano » aux éditions Christian Bourgeois en 1979, Abdelwahab Meddeb enchaîne les publications dans des ouvrages collectifs, collabore à des ouvrages et des films et étale sa pensée de « la double généalogie » à travers ses essais, s'érigeant contre la pensée radicale islamiste, prônant l'ouverture et le dialogue des civilisations. Son travail d'enseignant de littérature comparée l'aide dans son entreprise de rapprochement culturel. Il obtient deux prix en 2002. D'abord le prix François-Mauriac pour « La Maladie de l'islam » ; le second est le prix Max-Jacob pour son recueil de poésies « Matière des oiseaux ». Il obtiendra le prix Benjamin-Fondane pour « Contre-prêches » en 2007. Il partagera, enfin, le prix Doha capitale culturelle arabe pour l'ensemble de son œuvre, avec le penseur, poète, dramaturge, écrivain et essayiste martiniquais Edouard Glissant, décédé le 3 février 2011. Controversé, accusé par ses détracteurs d'avoir été proche du régime Ben Ali, Abdelwahab Meddeb s'est toujours défendu d'avoir eu des contacts avec le régime du 7 novembre. Souffrant d'une « grave maladie », Abdelwahab Meddeb s'est éteint hier, jeudi 6 novembre. Il devait présenter prochainement, à la librairie Mille Feuilles de la Marsa, l'ouvrage qu'il cosigna avec Benjamin Stora « Histoire des relations entre juifs et musulmans » édité chez Albin Michel. Le cercle des intellectuels tunisiens et français a perdu un éminent penseur et un grand homme de lettres. Nos pensées vont naturellement à sa famille et surtout à sa fille la journaliste Hind Meddeb à qui nous présentons nos sincères condoléances.