Si l'ambiance est grosso modo la même pour les générations successives, certains détails distinguent les différentes époques sous l'effet des mutations sociales, du progrès technique et des innovations technologiques fulgurantes Il y a trois ou quatre décennies, tout le monde se réveillait tôt car les garçons, à partit d'un certain âge devaient accompagner leurs pères à la mosquée pour la prière de l'Aïd. Outre l'ambiance de recueillement, la mosquée était le lieu de rencontre par excellence des hommes, parents, amis ou simples connaissances. C'est là que s'échangeaient les vœux. La maîtresse de maison, qui avait déjà trempé le poisson salé, le mettait sur le feu pour une deuxième cuisson. Lorsque le père rentrait à la maison avec des confiseries ( bâtonnets colorés, nougat...) et de jouets , commençait l'échange de vœux entre les membres de la famille, car entre-temps, le coup de canon traditionnel aura annoncé la fête des musulmans. Généralement, " la fitra ", aumône de l'Aïd aura été honorée un jour avant.
En attendant d'être servis,les enfants, tout fiers de leurs nouveaux habits étaient autorisés à aller jouer avec ceux des voisins ou du quartier s'ils étaient encore en ville arabe.
Durant toute la matinée, un personnage emblématique faisait le tour de la ville. C'est le " tabbel ", chargé durant tout le Mois Saint de réveiller les habitants pour le dernier repas précédant le jeûne. Précédé de son âne, il faisait la quête. Sa ronde pouvait durer même deux jours ou plus et joie, suprême pour les enfants, c'était à eux qu'il revenait de lui remettre son dû sous forme de gâteaux ou d'espèces.
Après la charmoula et le poisson salé, commençaient les visites familiales pour les hommes et les enfants, tandis que la maîtresse du logis restait chez soi avec ses filles et éventuellement sa belle-mère, pour recevoir les visiteurs. " En général, fait remarquer le professeur Zouari, la présence d'une personne âgée attirait le plus de visiteurs parce qu'elle a beaucoup de descendants et de collatéraux. Comme les déplacements se faisaient soit en vélo soit en calèche ou même dans des charrettes, la tournée, pour les hommes, pouvait durer trois ou quatre jours.
Quant aux commerces, ils pouvaient fermer jusqu'à une quinzaine de jours sans que cela tire à conséquence : les stocks de provisions pouvaient assurer l'autonomie du foyer pour longtemps. Même pour le pain, il n'y avait pas à se faire du souci. La maîtresse de maison ou ses filles avaient l'habitude de le préparer à domicile.
Pratiquement, les mêmes traditions restent vivaces jusqu'à nos jours, à quelques nuances voire différences près. La voiture remplace les autres moyens de locomotion, les nombreux sfaxiens installés dans d'autres régions et plus particulièrement les fonctionnaires, bousculés par le temps, ne parviennent plus à rendre visite à toute la famille élargie. Alors, le téléphone, et surtout le portable permet de remédier à cet inconvénient. Pour bon nombre de personnes,dont notamment les jeunes, c'est le recours aux SMS et pour une frange d'internautes, les vœux sont transmis par mails.