Les récentes élections législatives et présidentielle ont complètement redessiné la carte politique. De nouvelles forces ont émergé alors que d'autres ont été pratiquement rayées de la carte. Ainsi, Nidaâ Tounes qui a récolté 85 sièges et, à un degré moindre, l'Union Patriotique libre (16 sièges), le Front Populaire (15 sièges) et Afek Tounes (8 sièges) ont amélioré leur positionnement sur l'échiquier politique national à l'issue de la récente joute électorale. A l'inverse, le Parti républicain (Al Joumhouri), la Voie démocratique et sociale (Al Massar), le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL/ ou Ettakatol, le Congrès pour la République (CPR) et le Courant Al-Mahabba (Ex-Al Aridha Chaâbia) y ont laissé des plumes... A l'heure où le mouvement islamiste Ennahdha, qui a été relégué au rang de deuxième force politique du pays avec 69 sièges contre 89 sièges au sein de l'Assemblée nationale constituante (ANC), se concentre sur la préservation de son unité et la gestion des antagonismes qui le traversent, plusieurs autres partis perdants tentent de se réorganiser et de procéder à une autocritique. Sans attendre le passage du flambeau au nouveau locataire du palais de Carthage Béji Caïd Essebsi, le président sortant et fondateur du CPR, Moncef Marzouki, s'est empressé d'annoncer la constitution d'une nouvelle formation baptisée «le mouvement des citoyens du peuple». Ce parti vise à servir de «bouclier contre le retour de la dictature» et à «canaliser l'élan populaire qui s'est créé autour de la candidature de Moncef Marzouki lors de la présidentielle dans un cadre partisan pacifique». Moins pressés, quatre autres partis qui ont été quasiment laminés par les urnes viennent d'entamer des discussions en vue de créer un pôle social-démocrate. Il s'agit du Parti Républicain (Al-Joumhouri), de l'Alliance Démocratique, d'Ettakatol et du Mouvement du peuple. «Ces négociations sont encore à un stade préliminaire même si les composantes du probable futur front centriste ont toutes des visions des choses assez proches. Il s'agit notamment de la préservation des acquis modernistes du pays, du refus d'une bipolarisation destructrice entre islamistes et modernistes et d'un programme économique relevant du libéralisme social », révèle au «Temps» Issam Chebbi, membre du bureau politique d'Al-Joumhouri. «Le vote utile au profit de Nidâa Tounes et l'éparpillement des partis sociaux-démocrates ont été la principale raison de notre déroute lors des dernières élections», a-t-il ajouté. Possibilité d'élargissement ? M Chebbi estime qu' «il y a réellement de la place pour un front centriste et social-démocratique aux côtés des trois autres pôles déjà établis sur l'échiquier politique national», en l'occurrence Ennahdha et ses satellites, Nidaâ Tounes et ses alliés et le Front Populaire. Le dirigeant d'Al-Joumhouri souligne, par ailleurs, que le nouveau pôle centriste en gestion pourrait englober d'autres forces politiques proches du camp social-démocrate à l'instar du Courant démocratique de Mohamed Abbou. Une alliance avec le nouveau mouvement lancé par le président sortant M. Marzouki est-elle possible dans ce cadre ? «Les contours de l'initiative de M. Marzouki restent imprécis. On ne sait rien pour l'heure sur l'identité et les programmes du mouvement du peuple des citoyens», rétorque M. Chebbi. De son côté, le secrétaire général d'Ettakatol, Mustapha Ben Jaâfar, pense que l'heure d'un rééquilibrage du paysage politique national à travers la création d'un pôle social-démocrate a sonné. «Lors des dernières élections, le peuple tunisien nous a punis parce que les partis sociaux-démocrates sont restés dans un éparpillement désastreux et n'ont pas su s'unir pour peser sur le cours des évènements», a-t-il noté. M. Ben Jaâfar estime, d'autre part, que la construction d'un front centriste est nécessaire à la stabilité politique du pays. «L'absence de la famille centriste et la bipolarisation au niveau de l'Assemblée des représentants du peuple risquent de provoquer de grands conflits entre Nidaâ Tounes et Ennahdha», explique-t-il. Outre leur éparpillement et le vote utile, les partis sociaux-démocrates ont aussi pâti, selon les observateurs, des dissensions qu'ils ont connues ces dernières années. Ainsi Al Joumhouri et son rejeton, l'Alliance démocratique, ont quasiment un même électorat. De même, le mouvement Wafa, le Courant démocratique et le CPR qui étaient à l'origine réunis au sein d'un seul parti ont puisé dans le même réservoir électoral.