En cette fin d'année où tout se meut et tout émeut, la galerie présente un coin de poésie, vue au travers le miroir du printemps, en communion avec l'univers. On ne peut parler de l'exposition de Mouna Ferjani sans faire l'itinéraire poétique qui a bercé son enfance. Son père professeur d'arabe lui a inculqué l'amour des belles lettres, elle-même enseignante d'anglais a suivi ses conseils... à la lettre, et de fil en aiguille, a intitulé son exposition au « feel » des mots où sentiments, sensations et émotions vibrent à fleur de peau. Mouna, essaie sans prétention de faire de cette expression de l'imagination, une vision qui tend à « humaniser » le monde pour ne pas « machiner » notre civilisation. Sa poésie illustrative nous montre qu'au détour d'une rime nous attend une œuvre ; le mot est message, ce message nous guide vers le rêve, et ce rêve se pose délicatement sur sa toile pour nous offrir, comme le pensait Wordsworth cette « clarté sortie de l'âme », et nous mettre en présence d'une poïétique qui est la science et la philosophie des conduites créatrices. « La peinture est une poésie qui se voit » disait Léonard de Vinci, mais la peinture n'est-elle pas cet idiome qui parle non seulement à l'intelligence mais aussi au cœur ? Et ce binôme peinture-poésie, n'a-t-il pas le rôle de « révéler le surréel au sein du réel » ? Pour répondre à ses deux questions, faisons un travelling sur chaque œuvre exposée. De Al-Hallaj et ses pérégrinations à Al-Moutanabbi et son rêve andalous, d'Amor Khayyam et ses Roubbayyat souvenir à Ahmed Chawqi et son éternel amour, de Jubran Khalil Jubran et son secret d'alcôve à Al-Jawahiri et son cri de révolte, d'Abou El Kacem Chebbi chantre de notre Méditerranée à Adonis qui rend hommage à Bilqis, de Mahmoud Darwich l'exilé poétique aux trois grandes dames de la poésie arabe : Fadwa Touqân, Nazik Al-Malaîka et Salma Al-Jayoussi dans leurs poésies inachevées. Certes l'exposition de Mouna Ferjani ne se veut pas une étude sur la calligraphie mais elle tente avec grâce de nous guider vers cette pensée d'Ahmed Chawqi « le Prince des Poètes »qui disait que la langue arabe est poésie, là, elle est teintée des couleurs de l'arc en ciel où le pochoir et l'aérographe « insufflent »les nuances diaphanes sur le clavier prosodique, puisque la poésie est « une peinture qui se meut et une musique qui pense»... Sylvain Montéléone