La séance plénière à l'Assemblée des représentants du peuple a commencé plus tard que prévu. Et pour cause, les députés devaient mettre fin une fois pour toute à la polémique autour de l'appartenance politique de la personne qui devra présider la commission des Finances. Une présidence qui selon l'article 85 de la Constitution revient de droit à l'Opposition. Dans le cas actuel, et toujours selon la Constitution ainsi que le nouveau Règlement Intérieur, ce poste revient de droit au Front Populaire. Néanmoins, à la grande surprise de tout le monde, le bureau de l'ARP en a décidé autrement en nommant Iyad Dahmani (président du Bloc démocratique) à la tête de ladite commission. Une décision hautement contestée par le Front Populaire parce qu'elle «viole le Règlement intérieur et vise à écarter le Front du travail parlementaire », avait déclaré Mongi Rahoui. Il faut noter que le blocage quant à la présidence de la commission des finances a des répercussions graves sur les priorités les plus urgentes pour la Tunisie, à savoir l'examen du projet de loi antiterroriste qui ne peut commencer qu'une fois les commissions mises en place. N'arrivant pas à se mettre d'accord, c'est donc dans un climat très tendu que la séance plénière d'hier a commencé avec deux heures de retard. A l'ordre du jour, donner une définition exacte à l'Opposition afin de savoir à qui reviendra la présidence de la commission des finances et qui sera le futur rapporteur dans la commission des relations extérieures. La séance a été présidée par Mohammed Ennaceur qui a commencé par énoncer les nouvelles compositions des différents blocs parlementaires, déclarant par la suite que : «C'est en vertu de l'article 66 du règlement intérieur qu'on va procédé à la composition des commissions. La liste des membres sera annoncée à la fin de cette séance.» Après avoir annoncé la liste des commissions permanentes et les commissions spéciales, il s'est penché sur la question de la définition de l'Opposition : «Il y a des divergences dans la perception», a-t-il dit rappelant que c'est à la commission du Règlement Intérieur de donner une définition de l'Opposition, mais le bureau de l'ARP a pris l'initiative de trancher sur cette question. Le parlementaire de Nida Tounes, Slah Bargaoui, membre de la commission du Règlement intérieur, de l'immunité et des lois parlementaires et électorales, a déclaré lors de son allocution : «Mon parti n'est pas concerné par cette affaire. Sauf que je tiens à rappeler que l'article 46 du Règlement Intérieur ne permet pas au Bloc social-démocrate de présider la commission des Finances. Je tiens également à rappeler qu'en vertu de l'article 87, le bureau n'a pas le droit de déterminer le mode de vote. C'est la Commission du Règlement intérieur qui est concernée. De ce fait, la séance plénière doit déterminer la procédure à suivre pour voter.» De son côté, le président du bloc parlementaire Ennahdha, Noureddine Bhiri a précisé durant son intervention : «Nous sommes ici, aujourd'hui, à cause d'une incapacité du bureau à interpréter un texte juridique. Il n'est de l'intérêt de personne de tout reprendre à zéro. Nous avons des urgences à commencer par la loi contre le terrorisme ! On ne peut pas dire au peuple : non attendez, on se dispute là ! Force est de constater qu'il y a un vide juridique et il n'y a pas de commission chargée du Règlement juridique capable de trancher, il faut une solution. Par contre, je rappelle que mon parti fait partie du gouvernement. On ne peut pas décider quant à l'Opposition. C'est une question d'ordre éthique.» Bhiri a encore souligné qu'«il vaut mieux laisser l'Opposition choisir entre ses membres. Cela ne nous concerne pas. Pour une question éthique et politique, un consensus s'impose pour pouvoir avancer.» L'élu du Front populaire, Jilani Hammami, irrité a annoncé : «Nous avons tous perdu trop de temps ! Toute une semaine à se quereller via les plateaux télés et les radios alors que nous avons des urgences comme la loi contre le terrorisme ! Le Front populaire tient à ce que la Constitution et le Règlement intérieur soient respectés. On ne veut pas entendre parler de consensus alors qu'il suffit de respecter la loi. Le Front n'a pas demandé la présidence de la commission pour des raisons politiques mais parce que cela lui revient de droit selon la loi. Je tiens, notamment, à souligner que le Front n'a aucun problème avec Iyad Dahmani. Notre seul souci est que cette Assemblée respecte les textes de loi.» Prenant la parole, Iyad Dahmani a expliqué que «dans son article 60, la Constitution évoque l'Opposition sans parler des blocs. La Constitution parle de représentativité proportionnelle. C'est justement ce que dit l'article 70 du Règlement intérieur. Sauf que la Constitution a prévu une exception : donner certaines prérogatives à l'Opposition. Elle a écarté la Commission des finances du domaine d'application de l'article 70. Notre bloc a présenté officiellement son appartenance à l'Opposition pour deux raisons : nous sommes 8 membres dont aucun n'appartient à un parti qui participe au gouvernement.» Après quoi, il a ajouté : «Ce qui est inquiétant et assez grave, c'est que c'est la majorité formant le gouvernement qui va décider à travers le vote de qui est l'Opposition !» Dans la séance de l'après-midi c'est l'élue de Nidaa Tounes Bochra Bel Haj Hmida (nouvelle présidente de la Commission des droits, des libertés, des affaires religieuses et extérieures) qui pris la première la parole indiquant que «Nidaa Tounes veut apporter des réformes et veut mettre en place un Etat de droit où le respect de la loi est primordial, abstraction faite des personnes. On n'est pas là pour défendre tel ou tel élu. On défend le respect de la loi. Ceux qui parlent aujourd'hui d'activer l'examen de la loi antiterrorisme sont ceux qui l'ont bloqué avant.» Plusieurs députés ont fait des interventions durant lesquelles chacun a exposé son point de vue. Au terme de ce débat en plénière, le président de l'ARP, Mohamed Ennaceur a annoncé que le vote doit se dérouler durant la séance vu que les négociations n'ont abouti à rien. Un premier vote soutenant que la présidence de la commission est accordée au bloc qui a le plus grand nombre de députés a obtenu 109 voix pour. La seconde proposition n'a obtenu que 3 voix pour et 104 voix contre. Sauf que, les présents se sont rendus compte qu'un des élus, Anouer Laadhar a voté en levant la main et par le vote électronique. Un agissement que le député Imed Daimi a qualifié de «falsification». Melek LAKDAR * Annulation des résultats du vote en faveur de Mongi Rahoui Après que le député du Front populaire, Mongi Rahoui, ait été élu président de la commission des Finances à l'ARP, nous avons appris l'annulation, en fin d'après-midi, des résultats obtenus par Rahoui. Le service technique de l'Assemblée des Représentants du Peuple, a démontré qu'un député a voté doublement, une fois en se servant du service informatique et une seconde fois en levant le bras. Ainsi, Mongi Rahoui ne dispose plus d'une majorité absolue et ne sera donc pas Président de la commission en question. La question sera réétudiée lors d'une prochaine plénière. Rappelons que le vote qui a eu lieu avait donné le résultat suivant : 109 voix pour, 58 abstentions et 2 voix contre."