Dans les rues de, c'est la désolation totale. L'eau saumâtre et boueuse qui inonde les lieux témoigne du déchaînement de Dame Nature et de l'impuissance des autorités, malgré les efforts sans relâche fournis par la Protection Civile et l'Armée Nationale pour protéger la vie des citoyens, à prévenir ces catastrophes naturelles cycliques. Suite aux fortes précipitations enregistrées au Nord-Ouest et la crue de Oued Medjerda et de ses affluents, l'inéluctable a fini par avoir lieu ! Depuis des jours, Boussalem, située à la confluence de cinq oueds, est en proie à des inondations paralysant totalement la ville et interrompant le rythme normal de la vie. Les établissements scolaires ont fermé leurs portes et les cours sont suspendus depuis le début de la semaine. Les rues sont presque désertes et on parlerait même d'une victime. Vendredi soir, nombreux sont les habitants des quartiers Hached, El Khalij, Diamonta, El Riadh, Bouchagra, Hay El Khalil qui ont assisté, impuissants, à l'inondation de leurs domiciles et ont dû passer la nuit du vendredi sur les marches de leurs escaliers ou sur les toits. Une situation catastrophique, à laquelle s'ajoute une coupure d'électricité, décidée par la STEG pour éviter tout risque d'électrocution et qui a plongé la ville dans l'obscurité la plus totale. L'eau courante est aussi coupée depuis trois jours en prévention d'une éventuelle pollution des canaux et pour éviter le scénario catastrophe d'une contamination à large échelle. Hier, depuis les premières lueurs de l'aube, un camion de l'Armée Nationale et des tracteurs n'ont cessé d'évacuer les citoyens par petits groupes en prévision d'une potentielle aggravation de la situation. Car pire que le désastre actuel, les nouvelles qui ne sont pas du tout rassurantes. En effet, les autorités s'attendent à tout moment à une nouvelle crue avec l'arrivée imminente de quantités importantes d'eau du côté algérien qui devraient faire remonter le niveau de l'eau et causer de nouveaux dégâts. Cruelles inondations Intimement liée à celle d'Oued Medjereda, l'histoire de Boussalem regorge d'épisodes douloureux dus notamment aux variations climatiques et aux débordements de ce fleuve long de 460 km (dont 350 Km coulent en Tunisie) et qui prend ses sources dans les hauteurs du côté algérien. Les inondations de 1969 avaient causé la mort de plus de 500 personnes, détruit des centaines de ponts et de maisons. Celles de 1990 ont causé la mort de plus de 50 citoyens et le montant des pertes matérielles a dépassé les 90 millions de dinars. La dernière inondation en date dans la région, ayant entraîné des pertes humaines et matérielles, remonte à février 2012. A l'époque, tous les regards s'étaient tournés vers cette ville isolée, ses routes bloquées, ses rues inondées, ses terres agricoles ravagées et ses familles sinistrées. Hamadi Jebali, alors chef du gouvernement, s'était rendu sur place pour constater l'ampleur des dégâts, accompagné du ministre de l'Intérieur et celui de l'Equipement. Du haut de l'hélicoptère le transportant sur les lieux, le Premier ministre s'était exclamé, dubitatif : « Que d'eau ! Que d'eau ! » Et depuis ? « Rien ! », s'indignent les citoyens qui ne cachent plus leur colère et leur amertume. Hier, les ministres de l'Equipement, de l'Agriculture, des Affaires Sociales ainsi que le Secrétaire d'Etat chargé de la Sécurité se sont rendus à Jendouba pour s'enquérir de la situation, rencontrer les citoyens lésés par les inondations et proposer des solutions provisoires pour limiter les dégâts. « Mais à quoi bon ces visites ? Nous voulons des solutions, de vraies solutions ! », se révolte un habitant de la cité Hached. Il explique que chaque année, les habitants de Boussalem accueillent l'hiver la peur au ventre car tous sont traumatisés et savent qu'ils ne sont pas à l'abri d'une énième inondation. Certains citoyens assurent qu'ils n'ont pas encore fini de rembourser le crédit qu'ils ont contracté il y a quelques années pour monnayer les travaux de réparation de leurs demeures et l'achat de nouveaux meubles détériorés par les eaux boueuses. Aujourd'hui, c'est le retour à la case zéro pour eux et leur cauchemar ne semble pas vouloir prendre fin. A qui la faute ? A Boussalem, inondation après inondation, les scénarios se suivent et se répètent. Des visites officielles, de la compassion, des commissions chargées de répertorier les dégâts, des solutions provisoires qui durent... Que de promesses et la situation reste inchangée depuis des décennies! Mais à qui la faute réellement ? Unanimes, les citoyens pointent du doigt l'inertie des autorités concernées. Pourtant, force est de constater que les cités résidentielles continuellement ravagées par les inondations, sont situées sur les lits de l'oued Medjerda. A coup de compromis et d'autres petits arrangements, plusieurs permis de construire ont été délivrés dans les années 80 en zones inondables. Les citoyens peuvent-ils donc se permettre d'habiter dans ces quartiers puis accuser l'Etat de négligence et lui demander des comptes ? La question mérite réflexion !