La dépréciation du dinar tunisien face à l'euro et celle subie face au billet vert ne fait qu'empirer la donne. « Une dépréciation qui risque de ne pas connaître de sitôt de fin », estime les analystes qui mettent en garde contre les menaces collatéraux de cette dépréciation saignante qui ne fait que garroter la balance de paiements, embraser les tensions inflationnistes et élargir le déficit commercial. En dépit du récent glissement du dinar face au dollar, un glissement plutôt « importé », imputé à la dépréciation brutale de l'euro face au roi dollar. La problématique du dinar tunisien pose toujours problème surtout avec l'aggravation des déficits jumeaux. Comment faire pour stopper cette hémorragie ? Le 31/12/2010 : 1 dollars USA valait 1,4048 dinar, aujourd'hui le dollar USA s'échange contre 2 dinars tunisien. Hier le dollar se situait à 1,9906 dinar après avoir atteint mercredi la barre culminante de 2,01 dinars. Comment sommes-nous arrivés à cette situation dramatique ? Plusieurs facteurs post-Révolution ont concouru à la dépréciation du dinar dont la baisse des entrées en devises, la hausse des importations, la baisse de la production nationale et le fléchissement des exportations, la crise du secteur touristique et la dégringolade des investissements. Depuis septembre 2013, nous assistons à la culbute de la monnaie nationale, sans être en mesure d'apporter des solutions concrètes pour stopper cette hémorragie. Pour l'institution d'émission, le problème est plutôt économique, structurelle que monétaire. Hormis quelques mesures de rafistolage, l'économie nationale continue de sombrer. Limiter les quotas d'importations pour certains produits ne peut pas sauver le dinar tunisien de l'écroulement. Certains économistes dont Hechmi Alaya entrevoit la solution de l'ancrage du dinar à l'euro. Qu'est-ce que l'ancrage monétaire ? Il s'agit d'adopter un système de parité glissant. L'ancrage monétaire consiste pour une banque centrale à fixer totalement sa monnaie par rapport à une autre devise, afin d'obtenir une certaine stabilité. Un ancrage provisoire qui permettra de réduire le choc, de briser la dynamique inflationniste et de contenir le déficit commercial. Généralement, il s'agit d'une politique adoptée par la majorité des économies en transition. Mais la question qui se pose aujourd'hui est la suivante est-il opportun de choisir l'euro comme monnaie d'ancrage du dinar tunisien pour une période déterminée surtout avec la dépréciation récente de la monnaie unique contre le roi dollar ? Qu'en pensent les spécialistes ? Moez Lâabidi, Expert financier et économique au Temps : « Une dépréciation « importée » liée à la parité euro/dollar...Retombées : inflation importée, hausse des prix des matières premières... » « La récente dépréciation du dinar face au dollar américain n'a rien avoir avec la monnaie nationale. Il s'agit d'un facteur exogène dû à la dépréciation de l'euro face au dollar, une dépréciation record jamais connue depuis plus de 12 ans. La preuve : le dinar s'est stabilisé face à l'euro, la balance alimentaire s'est améliorée, donc il n'y a pas lieu de s'alarmer même si le niveau du déficit courant demeure préoccupant en Tunisie et il importe d'agir immédiatement pour parer au plus pressé. Revenons aux origines de la dépréciation historique du dinar face au dollar, qui est directement liée à la parité euro/dollar. En effet, la confirmation de la reprise de l'économie américaine et les prévisions d'une hausse des taux d'intérêts américains par la FED et l'incertitude d'une sortie de crise pour la zone euro, ont concouru à la chute libre de l'euro face au dollar. La BCE continuera ainsi à injecter 60 milliards d'euros par mois jusqu'au mois de septembre 2016. La situation préoccupante en Grèce et le sursis de quatre mois accordé par l'Europe à Athènes, conjugués à la politique expansionniste pratiquée par la BCE qui poursuit une politique d'assouplissement quantitatif (Quantitative easing), convergent vers une dépréciation de l'euro face au dollar. Le glissement « importé » du dinar face au dollar risque de se poursuive étant donné que le dinar tunisien est plus arrimé à l'euro qu'au dollar. En matière de retombées négatives de cette maldonne on retiendra : la hausse des prix des matières premières (pétrole, cuivre, zinc...), l'inflation importée, une réduction des gains liés à la baisse des cours du pétrole sans oublier l'impact négatif sur le tourisme au vu de notre dépendance au marché européen. Par ailleurs et en ce qui concerne la politique d'ancrage du taux de change ou encore du dinar à l'euro, je pense : en s'appuyant sur l'expérience du Maroc qui a réussi à maîtriser l'inflation en poursuivant cette politique d'ancrage, tout en bloquant la croissance économique du pays, or cette solution n'est pas encore adaptée au contexte tunisien . En effet, la politique d'ancrage de la monnaie suppose un certain nombre de préalables dont un certain niveau de compétitivité hors prix pour les produits exportés. Ce qui n'est pas le cas en Tunisie. »