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Moez Labidi, professeur en finance internationale : «Il est difficile d'inverser la tendance baissière du dinar»
DEPRECIATION DU DINAR
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 05 - 2013

Bien que le dinar soit en dépréciation continue depuis plus d'une décennie, la dernière baisse de la monnaie nationale face aux principales devises, l'euro et le dollar, a alimenté les craintes de tous les agents économiques. Malgré l'intervention de la Banque centrale pour la stabilisation de la valeur du dinar, les débats sur la politique monétaire adoptée et les politiques alternatives continuent. Pour de plus amples analyses, on a posé quelques questions à M. Moez Labidi, professeur en finance internationale et ancien membre du conseil d'administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Quelles sont les causes de la dernière dépréciation, historique selon certains, du dinar? Monétaire, réelle ou comportementale?
La récente dépréciation du dinar tunisien était orchestrée comme une valse à deux temps. Elle s'est opérée en deux phases.
Dans une première phase, la concentration des demandes d'achats de devises par deux catégories d'intervenants sur le marché de change : de grandes entreprises publiques importatrices (Steg, Etap, Stir, ONH, ONC...) et des firmes étrangères sollicitant le marché pour transférer à l'étranger leurs bénéfices (Tunisiana). La coïncidence de toutes ces demandes, que le système bancaire aurait dû étaler dans le temps, a provoqué une forte baisse de la monnaie tunisienne.
Le deuxième acte de cette pièce a démarré avec la chute du dinar qui a été interprétée par certains opérateurs comme une volonté de la BCT de laisser filer la monnaie tunisienne ou tout simplement d'opérer une dévaluation du dinar. Du coup, une vague spéculative s'est abattue sur la monnaie tunisienne la ramenant vers des records de baisse en séance, dépassant les 2,22 dinars par rapport à l'euro, et les 1,66 par rapport au dollar.
Bien évidemment, il ne faut pas oublier les origines profondes de cette dépréciation qui sont à rechercher, depuis des décennies, dans l'essoufflement du modèle de développement tunisien, et depuis la révolution, dans la détérioration des fondamentaux de l'économie tunisienne et surtout dans le creusement du déficit de la balance courante, et le tarissement du stock des réserves de change, qui commence à tutoyer la barre des 100 jours d'importation, à la veille de l'effondrement, pour basculer vers les 95 jours, une semaine après.
En effet, force est de constater que le dinar est en baisse continue depuis plus d'une décennie. Pouvez-vous expliquer, en termes simples et compréhensibles à nos lecteurs, les répercussions sur les fondamentaux de l'économie tunisienne?
Dans un contexte normal, une forte dépréciation pourrait booster les exportations en rendant les produits nationaux plus compétitifs, et freiner les importations, en renchérissant leurs prix, orientant la demande vers les produits nationaux, et améliorant ainsi le solde commercial. Mais dans un environnement hostile, comme c'est le cas aujourd'hui, aussi bien au niveau domestique, notamment les effets collatéraux de la révolution et le flou institutionnel, qu'au niveau international, particulièrement la crise de la zone euro, une forte dépréciation n'aura pas forcément les effets escomptés.
D'une part, la crise de la dette souveraine, qui secoue la zone euro depuis près de quatre ans, pèse sur la demande en Europe et prive l'économie tunisienne des dividendes du glissement du dinar sur les exportations.
D'autre part, la question sécuritaire limite, non seulement la portée d'une dépréciation, mais elle enfonce aussi le tourisme tunisien dans la catégorie bas de gamme. Une clientèle adepte du all-inclusive, se réfugie, suite aux craintes sécuritaires, dans les hôtels, durant la totalité de leur séjour, privant l'économie nationale d'une contribution positive du tourisme aux autres secteurs de l'économie, à savoir le commerce, la restauration, les taxis, l'artisanat...
De même, la dépréciation de la monnaie décourage les investisseurs étrangers qui ne voient pas d'un bon œil un trend baissier du dinar, surtout son côté dévalorisant des bénéfices rapatriés.
Au total, les fondamentaux seront impérativement affectés. Une hausse du déficit budgétaire, suite au renchérissement du prix du carburant et des produits alimentaires importés, et surtout une hausse du service d'une dette dont la composante devises étrangères représente près des deux tiers. Un tarissement des réserves de change qui nous ramène vers la barre psychologique de 90 jours. Et enfin, une inflation globale qui s'inscrit, depuis la révolution, sur une pente positive et qui se nourrit aussi de sa composante importée.
Qu'en est-il de l'impact du glissement du dinar sur les entreprises et les ménages?
Pour les entreprises importatrices, le glissement du dinar provoque le renchérissement des inputs importés, comme les matières premières et produits semi-finis, les amenant à répercuter une telle hausse sur leurs prix de vente, lorsqu'il s'agit de produits faiblement concurrencés. Du coup, une inflation importée s'ajoute à l'inflation domestique. Sur un autre terrain, face à des partenaires moins enclins à la dépense et plus compétitifs, nombre d'entreprises tunisiennes, opérant dans l'import-export, sont amenées à serrer leurs prix en grignotant sur leurs marges bénéficiaires.
Pour les ménages, le glissement du dinar est une autre source de détérioration du pouvoir d'achat. Premièrement, il renchérit le prix des produits de consommation importés, ce qui alimente l'inflation et détériore un pouvoir d'achat lourdement affecté, depuis le choc de la Révolution.
Deuxièmement, l'hésitation des IDE, dans un contexte de monnaie en dépréciation continue, n'est pas sans conséquence sur les perspectives de l'emploi en Tunisie.
Enfin, le gonflement du service de la dette et la hausse de la facture des subventions pourraient précipiter une nouvelle vague de mesures d'austérité pénalisantes pour le pouvoir d'achat des ménages.
Cette dépréciation continue est-elle irréversible? Aurait-on pu corriger cette tendance baissière?
L'histoire récente des crises de changes, en Europe au début des années quatre vingt-dix, et dans le monde émergent dans les deux dernières décennies, nous enseigne que les vagues spéculatives peuvent être contrecarrées par trois mesures: un discours politique rassurant et convaincant, une hausse des taux d'intérêt et une intervention musclée sur le marché à travers des opérations de vente de devises contre l'achat de dinars.
Le contexte actuel réduit la marge de manœuvre des autorités. D'abord, le contexte de la transition et le rapprochement de l'échéance électorale limitent l'efficacité d'un discours politique rassurant. Du coup, cette solution est à écarter. Ensuite, l'arme des taux, traditionnellement très efficace pour casser les mouvements spéculatifs, car les opérateurs peuvent être amenés à emprunter le dinar pour le vendre contre devises, n'est pas très adaptée pour un contexte où une forte hausse des taux pourrait étouffer une croissance déjà embryonnaire. Enfin, c'est l'intervention sur le marché de change, à travers une opération de vente massive de devises, qui reste la seule arme en possession de la BCT, pour freiner ou même stopper la dégringolade du dinar.
Comment pourrait-il en être autrement, lorsque les fondamentaux de l'économie tunisienne tardent à se redresser ? Aujourd'hui, la situation est embarrassante pour la BCT. L'autorité monétaire pourrait peut-être freiner le glissement du dinar, mais elle serait incapable, dans le contexte actuel, d'inverser la tendance baissière. Car, les facteurs responsables du glissement échappent au contrôle de la BCT, et puisent leurs racines dans trois sources majeures. D'abord, dans un amateurisme politique et un flou institutionnel, responsables de la pollution du climat des affaires. Ensuite, dans un climat social gangrené par la fièvre revendicative et les sit-in sauvages qui ont causé des pertes énormes dans des grandes entreprises exportatrices, fleurons de l'économie nationale (Compagnie des Phosphates de Gafsa et Groupe Chimique, à titre d'exemple). Enfin, dans un débat économique infecté par le virus du populisme. Ce populisme multicolore, au sens politique, incapable de formuler des solutions crédibles à la sortie de crise, cultive la diabolisation de toute source de financement externe et s'extasie du blocage de grands chantiers de réformes, comme en témoigne la qualité des débats qu'a suscité récemment le projet du prêt du FMI, à la Constituante.
Dans ce même ordre d'idées, pensez-vous que la politique monétaire basée sur un régime flexible de ciblage de l'inflation, politique envisagée par la BCT pour la prochaine étape, permettrait de parer, entre autres, à ce glissement du dinar, source d'inflation importée?
D'abord, il ne faut pas oublier qu'il y a une causalité dans les deux sens entre l'inflation et le taux de change. La montée de l'inflation impacte le taux de change du dinar, et la dépréciation de la monnaie nationale, à son tour, alimente l'inflation.
C'est vrai que la dépréciation du dinar génère de l'inflation importée. Mais il ne faut pas oublier que le dérapage inflationniste, observé après la révolution, et surtout en 2012, a généré des pressions baissières sur le dinar. D'un côté, il creuse le différentiel d'inflation avec les pays partenaires, et pénalise la compétitivité des produits tunisiens. Et, d'un autre côté, il décourage les investissements directs étrangers (IDE). Au final, une baisse des entrées de devises sanctionnant la parité de la monnaie tunisienne.
Toutefois, il ne faut pas oublier que les marges de manœuvre de la politique monétaire demeurent limitées dans un contexte inflationniste marqué par une croissance molle. D'une part, l'utilisation du taux d'intérêt, à la hausse pourrait étouffer la croissance et, à la baisse, pourrait alimenter l'inflation. Et d'autre part, la diversité des origines de l'inflation, notamment la défaillance dans les circuits de distribution, la hausse démesurée des salaires, la flambée des prix des produits de base, le glissement du dinar... ne facilite pas la tâche de l'Institut d'émission, qui reste le plombier de l'inflation d'origine monétaire.
Du coup, malgré la capacité du régime flexible du ciblage de l'inflation de composer avec les chocs et de procurer aussi de la marge de manœuvre nécessaire pour atténuer l'accroissement des vulnérabilités financières, son efficacité reste tributaire du retour de l'inflation au bercail monétaire, pour que la BCT puisse retrouver une certaine aisance dans la maîtrise des prix et l'ancrage des anticipations inflationnistes des opérateurs.
Tant que le contrôle des circuits de distribution et des frontières ne retrouve pas son efficacité, le spectre de l'inflation à deux chiffres continuera de planer sur l'économie tunisienne, et la détérioration du pouvoir d'achat, qui en résulte, continuera de ravitailler des revendications salariales excessives qui ne cessent de déclencher des «effets de second tour», via la contamination de la boucle prix-salaires. En présence de ces effets, l'inflation pourrait devenir difficilement contrôlable. Difficile dans ces conditions de formuler une politique monétaire très efficace et d'imaginer des perspectives stables pour la monnaie tunisienne.


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